À 91 ans, le couturier des stars vient de recevoir un prix couronnant sa carrière lors des Fashion Awards à Londres. De la robe de mariée de Jackie Kennedy aux tapis rouges de Hollywood, rencontre avec la mémoire de la mode.
«Après avoir quitté la mode il y a plus de quinze ans, c’est une immense joie de recevoir ce prix si important et de constater que mon héritage continue de susciter toujours autant d’intérêt », nous confiait par mail Valentino Garavani, 91 ans, avant sa consécration le 4 décembre dernier, à Londres, lors des Fashion Awards. Le couturier italien a habillé les femmes les plus belles et les plus célèbres du monde : Monica Vitti, Elizabeth Taylor, Jackie Kennedy, Barbra Streisand, Julia Roberts. Et, plus récemment, Gwyneth Paltrow, qui a remis la précieuse récompense à Giancarlo Giammetti, le partenaire de toujours de M. Valentino, trop fatigué pour faire le déplacement.
Dans le public, l’actrice Anne Hathaway et Pierpaolo Piccioli, le directeur artistique actuel de Valentino, applaudissent à tout rompre. « Valentino n’avait qu’une obsession : la beauté, nous confirme Giancarlo Giammetti. Il n’a jamais dérogé à cela. Quand il a vu que la mode se détournait de ce chemin, qu’elle était conduite par le business des tapis rouges, de la photo qui fait le buzz, il a décidé de s’éloigner. Parce qu’il ne pouvait plus exercer son métier comme il l’entendait, il a eu le courage de dire : “Si c’est ça, la mode, je ne veux plus en être”. »
Formé dans les ateliers de Cristobal Balenciaga et de Guy Laroche
Car quand l’Italien, au brushing impeccable et au teint éternellement hâlé, débute, les stylistes de stars n’existent pas encore, ni les contrats d’égérie aux montants mirobolants. Il n’y a que des couturiers et leurs clientes…
En 1949, à 17 ans, le jeune homme, originaire de Voghera dans le nord de l’Italie, quitte sa famille pour rejoindre Paris et apprendre le métier à l’École de la chambre syndicale de la couture. Il fait ses classes dans les ateliers de Cristobal Balenciaga et de Guy Laroche avant de rentrer à Rome où, à 26 ans, grâce à l’aide financière de ses parents, l’enfant prodige y ouvre sa maison de haute couture. Le ragazzo de la bonne société, rencontre alors au mythique Café de Paris de Via Veneto, un charmant étudiant en architecture, Giancarlo Giammetti. Les deux hommes deviendront partenaires, en amour (un temps) comme en affaires. « Je ne connaissais rien à la mode mais j’avais entendu parler de cet Italien parti étudier la couture à Paris, raconte Giancarlo Giammetti. J’ai tout de suite été captivé par sa vision de la femme, de la beauté, de l’élégance, par sa façon d’en parler. »
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Le talent du jeune Valentino, allié au sens des affaires de Giancarlo, va dès lors faire des ravages alors que la Ville éternelle est devenue, avec les studios de Cinecitta, la succursale de Hollywood. Les stars, Elizabeth Taylor en tête, se pressent dans son salon. « Elle tournait Cléopâtre en Italie en 1962, se souvient le businessman. Elle lui a commandé une robe pour la première de Spartacus avec Kirk Douglas. Elle a été photographiée en train de danser avec lui, dans cet extraordinaire fourreau blanc entièrement plissé et bordé de plumes d’autruches. Elle était fabuleuse, les images ont fait le tour du monde. » Le début de la gloire.
Le couturier devient le chouchou de Vogue US et de sa rédactrice en chef Diana Vreeland. « Elle nous traînait partout avec elle, à tous les événements new-yorkais, les premières de Broadway. Elle a beaucoup fait pour la popularité de Valentino outre-Atlantique. » Mais c’est sa rencontre puis son amitié à la fin des années 1960, avec Jackie Kennedy (« elle avait vu une de ses robes sur une de ses amies ») qui va définitivement le consacrer. Alors que les rumeurs de mariage entre l’ex-First Lady et l’armateur grec Aristote Onassis se précisent, le magazine américain Women’s Wear Daily prophétise que la future mariée portera une robe de la collection Blanche de 1968 de Valentino. « Ils avaient bien deviné !, reprend Giancarlo Giammetti. Mais il n’a jamais été question de créer cette robe pour faire le buzz. Elle l’avait achetée comme une cliente, comme une amie. C’est toute la différence avec ce qui se passe aujourd’hui. »
« Habiller toutes les femmes »
De tous les dîners, cérémonies et galas, le couturier est à tu et à toi avec le Gotha. Farah Pahlavi, la dernière épouse du chah d’Iran, est contrainte de fuir, le 16 janvier 1979, dans l’un de ses manteaux en cachemire et zibeline. Un jour, il conseille à Elizabeth II, reine d’Angleterre, de porter du noir – « cela vous irait bien au teint », lui avait-il dit. Conseil qu’elle ne suivit pas, question de protocole. Lui est aussi à son aise à la cour de Buckingham qu’aux Oscars de Hollywood. « Mais même si j’ai toujours été fasciné par ces femmes extraordinaires, mon seul souhait a été d’habiller toutes les femmes, celles qui cherchent d’abord à se plaire, à avoir ce supplément de confiance grâce au vêtement », affirme le nonagénaire.
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Le prince de la jet-set vit comme ses riches clientes, entouré de toiles de maîtres, dans sa magnifique villa de Rome, dans son hôtel particulier de Londres, son penthouse à New York, son chalet Gifferhorn à Gstaad et son palais français, le château de Wideville, bâtisse de style Louis XIII, près de Saint-Germain-en-Laye. « Nous nous sommes inspirés de leur mode de vie exceptionnel pour imaginer le nôtre devenu célèbre. Mais rien ne serait arrivé sans son travail », précise son partenaire. En 1974, Valentino décide de présenter ses collections de haute couture à Paris où il donne libre cours à sa mode flamboyante. « Paris a toujours occupé une place particulière dans mon cœur, confirme le couturier. C’est là que j’ai fait mes premiers pas, que j’ai appris mon métier dans les ateliers de la haute couture qui a toujours représenté le summum du luxe pour moi. »
Un luxe auquel il donne une couleur, un rouge carmin lumineux, le Valentino Rosso, qu’il découvre étudiant lors d’une représentation de Carmen à l’Opéra de Barcelone. Ce soir-là, il vit dans une loge « une femme aux cheveux gris, très belle, habillée de velours rouge. Parmi toutes les couleurs portées par les autres femmes, elle m’apparut unique, isolée dans sa splendeur. Je ne l’ai jamais oubliée. (…) Je crois qu’une femme habillée de rouge est toujours magnifique, elle est au milieu de la foule l’image parfaite de l’héroïne » (extrait de Valentino Rosso, éd. Assouline). Mais cette nuance très particulière qu’il mettra longtemps à mettre au point, il l’emprunte à… son paquet de cigarettes : « C’est amusant parce que tout le monde l’appelle le Valentino Rosso alors que pour lui, c’est le rouge Marlboro », confie Giancarlo Giammetti.
Les vingt-six robes rouges les plus emblématiques du créateur ont d’ailleurs défilé lors des Fashion Awards la semaine dernière. « C’est une couleur qui va bien à toutes les femmes, quelle que soit leur carnation ou leur couleur de cheveux, explique l’intéressé. Ainsi habillées, elles feront toujours sensation. » Ce n’est pas Gwyneth Paltrow, toute de rouge Valentino vêtue ce soir-là, qui dira le contraire.
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