Au micro de RTL, la comédienne regrette aussi la tentation de «condamner les œuvres d’artistes», mis en cause dans des affaires d’agressions.
Anny Dupeyrey s’inscrit en contre-pied de la vague #MeToo qui submerge le cinéma français depuis la prise de parole de Judith Godrèche contre les réalisateurs Jacques Doillon et Benoît Jacquot contre lesquels elle a porté plainte pour viols.
Au micro de RTL samedi, la comédienne de 76 ans s’inquiète «d’une chasse aux sorcières tardive». «Je vais me faire taper dessus, mais je pense que tout ça est extrêmement exagéré», explique-t-elle en évoquant les propos de Judith Godrèche contre son ex-compagnon Benoit Jacquot avec qui elle a noué une relation à 14 ans. «Quand même six ans avec un réalisateur… Sous emprise, je veux bien, mais quand même consentante, non ? Je ne sais pas trop quoi penser de ce truc-là, mais je n’aime pas trop ces chasses aux sorcières», plaide Anny Dupeyrey qui reconnaît n’avoir jamais été brusquée. «J’ai beaucoup de mal à réagir à ça. Peut-être que j’ai eu de la chance parce que j’étais, du fait de mon histoire personnelle avec la mort de mes parents, une espèce de survivante, personne ne se risquait de s’attaquer à moi. C’est comme ça, je n’avais pas le profil d’une victime».
Anny Dupeyrey regrette aussi la tentation de censurer les œuvres d’artistes, mis en cause dans des affaires d’agressions. «Admettons que certains hommes étaient, effectivement, des prédateurs. Mais ils ont fait parfois de belles œuvres, et je n’aimerais pas du tout qu’on condamne leurs œuvres en même temps que les hommes», plaide-t-elle en citant le cas de Polanski et de son film Le Pianiste qui revient sur la Shoah et le supplice du ghetto de Varsovie. «Ce serait stupide, parce qu’il a couché avec une fille de 15 ans il y a cinquante ou soixante ans, de condamner ses œuvres», argumente-t-elle. «Il y a une espèce de confusion dans tout ça qui me gêne un peu. Nuançons, quand même».
Le cinéma français a ouvert sa boite de Pandore
Six ans après la naissance à Hollywood du mouvement #MeToo, le cinéma français a fait sauter le verrou de sa boîte de Pandore. L’heure de l’écoute semble arrivée. Ces dernières semaines, plusieurs personnalités majeures du 7e art tricolore ont fait l’objet d’accusations. Gérard Depardieu, mis en examen pour viols depuis fin 2020, a été cloué au pilori pour des séquences anciennes tournées en Corée du Nord, diffusées par le magazine de France 2 Complément d’enquête en décembre, où il multiplie propos misogynes et insultants en s’adressant à des femmes.
L’autre grande secousse est venue de Judith Godrèche. La comédienne de 51 ans, partie vivre en Californie, a fait son retour sur les écrans avec sa comédie d’autofiction pour Arte Icon Of French Cinema, dans lequel elle évoquait ses propres débuts aux mains d’un réalisateur pygmalion prédateur. Dans la série, comme lors de sa promotion, elle n’évoquait pas encore le nom de Benoit Jacquot, dont le nom pour qui connait la filmographie et la vie de l’actrice était un secret de polichinelle.
Tout a changé à la diffusion de la série : Judith Godrèche a reçu d’innombrables témoignages et marques de soutien. Les internautes ressortent des extraits d’interviews où Benoît Jacquot étale, sans pudeur, ses relations avec ses jeunes muses. Notamment dans le documentaire Les Ruses du Désir : L’interdit by Gérard Miller. Cette «impunité» fait sauter le verrou. Le 6 janvier, Judith Godrèche mentionne Benoit Jacquot dans ses publications sur Instagram. Avant en février de porter plainte contre lui et son confrère Jacques Doillon pour viols.
Les deux réalisateurs ont rejeté ses accusations. Jacques Doillon a aussi été mis en cause par les actrices Isild Le Besco et Anna Mouglalis. La première, révélée par le Sade de Benoit Jacquot, assure avoir été évincée d’un tournage après avoir «refusé de coucher avec lui» et la seconde dit avoir été «embrassée de force» avant de le repousser.
Le rôle précurseur d’Adèle Haenel
Le réalisateur Nicolas Bedos doit être jugé pour une agression sexuelle présumée dans une boîte de nuit – un geste involontaire selon lui. Il est visé par une enquête pour viol et agressions sexuelles après plusieurs plaintes.
En 2019, l’actrice Adèle Haenel, précurseur avait dénoncé «l’emprise» du réalisateur Christophe Ruggia alors qu’elle était adolescente. La comédienne de Portrait de la jeune fille en feu a depuis quitté ce milieu «complaisant». Le dossier qui a catalysé #MeToo dans le cinéma français file cependant vers un procès: le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle du réalisateur Christophe Ruggia pour des agressions sexuelles sur mineure.
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