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Anton Bruckner l’égaré, ou l’expérience orchestrale ultime

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Le chef québécois Yannick Nézet-Séguin est aujourd’hui l’un des chantres les plus engagés de sa génération en faveur de la musique du maître autrichien.
Hans van der Woerd

Longtemps mal compris, voire méprisé par une partie du milieu musical, il est celui dont on ne cesse de redécouvrir et évaluer l’œuvre depuis ces dix dernières années.

L’année 2024 marquait le centenaire de deux disparitions majeures du monde classique : celle de Gabriel Fauré comme celle de Giacomo Puccini. Mais 2024, c’était aussi le 200e anniversaire de l’un des plus grands symphonistes de la culture germanique : l’Autrichien Anton Bruckner. Longtemps mal compris, voire méprisé par une partie du milieu musical, celui dont on ne cesse de redécouvrir et évaluer l’œuvre depuis ces dix dernières années n’en reste pas moins trop souvent dans l’ombre d’un Mahler qui l’admirait, ou d’un Beethoven qu’il admirait (au point de le définir comme « l’incarnation de tout ce qui est grand et sublime dans la musique »).

Certes, il y a entre Beethoven et Bruckner, au-delà du nombre de symphonies (neuf) qui les relie, autant de mondes qu’il peut y en avoir entre les cathédrales sonores transparentes du « génie de Saint-Florian » et les paysages foisonnants du père de la Symphonie des Mille. Mais le compositeur n’en continue pas moins de fasciner chefs et interprètes, depuis la dévotion d’un certain Furtwängler pour la « théologie brucknérienne », celle d’« un mystique gothique égaré par erreur dans le XIXe siècle », disait-il. Pour Daniel Barenboïm, qui n’avait pas hésité à remettre sur le métier, il y a quelques années, l’intégrale de ses symphonies qu’il avait déjà enregistrées deux fois par le passé, « il y a chez lui une dimension exaltée et crépusculaire, et un sens du coup de théâtre que l’on ne soupçonne pas suffisamment, et qui restent souvent incompris ».

Le compositeur continue de fasciner chefs et interprètes, depuis la dévotion d’un certain Furtwängler pour la « théologie brucknérienne », celle d’« un mystique gothique égaré par erreur dans le XIXe siècle »

Cette incompréhension, le chef québécois Yannick Nézet-Séguin l’a vécue personnellement. Celui qui rappelle qu’il haïssait tellement le compositeur à l’adolescence qu’il avait fini par jeter l’un de ses disques où figurait la Quatrième symphonie est aujourd’hui l’un des chantres les plus engagés de sa génération en faveur de la musique du maître autrichien. Au point d’en avoir gravé l’intégrale des symphonies avec son Orchestre métropolitain de Montréal. Et d’y être revenu régulièrement, que ce soit avec le Philharmonique de Rotterdam ou la Staatskapelle de Dresde, avec laquelle il enregistra il y a quelques années sa Troisième symphonie, véritable hommage à Wagner.

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Le sens sacré du collectif

Il n’hésite pas à décrire l’œuvre du symphoniste Bruckner comme « l’expérience orchestrale ultime ». Invoquant le sens du collectif presque sacré qu’exige cette musique, à la différence de la « gratification individuelle » immédiate sur laquelle mise un Gustav Mahler. Un sens du collectif que le compositeur n’hésitait pas à travailler au corps et au cœur, revenant inlassablement sur ses partitions dont il proposait presque systématiquement de nouvelles versions, comme pour mieux en polir la ferveur intérieure.

Le sens du collectif, le compositeur n’hésitait pas à travailler au corps et au cœur, revenant inlassablement sur ses partitions dont il proposait presque systématiquement de nouvelles versions, comme pour mieux en polir la ferveur intérieure

C’est donc sans surprise qu’on retrouvera cette saison Yannick Nézet-Séguin sur la scène de l’avenue Montaigne, dans le cadre du vaste cycle symphonique que cette dernière a décidé de dédier à juste titre à ce bicentenaire. Le chef y donnera, en mars (le 23) la Troisième symphonie, justement. Mais cette fois avec l’Orchestre de Rotterdam, pour faire dialoguer sa dimension épique avec les Quatre derniers lieder de Strauss, portés par la soprano américaine Angel Blue. Avant cela, c’est avec le futur directeur musical des musiciens du Philharmonique de Radio France, Jaap van Zweden, que leurs collègues du National de France ouvriront le bal des hommages, en faisant dialoguer la dévotion de la Septième symphonie (et son sublime adagio en forme de coup de théâtre) avec la légèreté mozartienne de son Concerto pour piano no 21, confié à David Fray (15 novembre).

Ils céderont la place, en janvier, à deux autres formations : l’Orchestre de chambre de Paris qui, sous la baguette de son nouveau directeur musical, Thomas Hengelbrock, s’attellera (le 16 janvier) à la rare Symphonie no 6. Tandis que le retour au sommet du Philharmonique de Vienne (le 17) sera le théâtre d’une autre confrontation monumentale dans tous les sens du terme : celle de Zubin Mehta avec sa Neuvième symphonie, chef-d’œuvre de syncrétisme, en même temps que lointain écho de la Neuvième de son idole Beethoven.

Content Source: www.lefigaro.fr

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