CRITIQUE – Au Théâtre de Passy, cette comédie jouée par Véronique Jannot et Jean-Luc Moreau raconte une histoire d’amour pas comme les autres.
Dès qu’ils entrent sur la scène du Théâtre de Passy, le public les applaudit. Véronique Jannot n’était pas remontée sur les planches depuis près de six ans. Le visage de Jean-Luc Moreau, plus connu pour ses mises en scène, leur est familier. Les acteurs jouent deux artistes, Sabine et Bertrand, unis par une longue amitié. Ils créent des sculptures côte à côte dans un atelier qu’ils partagent depuis vingt-deux ans. La première cultive un style contemporain, le second est très classique. Complices, ils ont leurs habitudes, cuisinent et font le ménage à tour de rôle, n’ont pas besoin de se parler pour se comprendre. « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi », pourraient-ils dire, comme Montaigne.
Mais, un jour, Sabine débarque l’air préoccupé. Elle hésite à annoncer une nouvelle à son acolyte. Elle est tombée amoureuse de Guillaume, un homme qui a tout pour plaire (Emmanuel Guttierez s’impose) avec lequel elle veut partir à Sydney. Bertrand est sous le choc. Il se sent abandonné. Jamais il n’aurait imaginé que celle dont il est si proche depuis des lustres le quitte. Il l’aime ! « Mais cette amitié qui possède l’âme et la régente en toute souveraineté, il est impossible qu’elle soit double », affirme l’auteur des Essais.
Dans Un atelier pour deux, Laurence Jyl, ancienne comédienne, raconte une histoire d’amour pas comme les autres. L’intrusion d’une tierce personne dans le couple formé par Sabine et Bertrand a un effet catalyseur. Outre leur fibre artistique, les personnages ont un caractère différent.
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Sens de l’existence
Chacun, de par sa sensibilité, subit un traumatisme. Sabine ignorait qu’elle allait déclencher un tremblement de terre. Sa décision la fait s’interroger sur le sens de son existence et le bien-fondé de ses choix. Quant à Bertrand, il est forcé de se remettre en question. Quel lien l’attache à sa comparse ? Lui a-t-il montré qu’il l’appréciait ? Le doute est permis.
Laurence Jyl écrit d’abord pour provoquer le rire. Pourtant, en filigrane, elle partage ses réflexions sur la cohabi tation, l’amour et la fuite du temps. Quand on regarde dans le rétroviseur, comment savoir si on a réussi sa vie ? Sabine a-t-elle une nouvelle chance à saisir ? Elle et Bertrand se connaissent-ils aussi bien qu’ils le croient ? La longévité de leur amitié est-elle un gage de qualité ? Jean-Luc Moreau, qui signe la mise en scène, privilégie Véronique Jannot, qu’il avait dirigée en 2018 dans Inavouable, une comédie du regretté Éric Assous. Il y était déjà question de fidélité à ses idées, à soi et à l’autre. En retrait, l’acteur observe sa partenaire talentueuse, lui donne toute latitude de s’exprimer. Les spectateurs répondent présent à ce rendez-vous à la fois cocasse et émouvant.
Un atelier pour deux, au Théâtre de Passy (Paris 16e), jusqu’au 5 mai. Rés. : 01 82 28 56 40.
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