Le plus récent passage de l’Orchestre de Philadelphie à Montréal remonte à il y a 20 ans. Invité par l’Orchestre Métropolitain, le réputé ensemble américain se produira le 19 avril à la Maison symphonique, avec à sa tête son chef… Yannick Nézet-Séguin.
Le maestro québécois vit d’une certaine manière en garde partagée entre Montréal, Philadelphie et New York, où il dirige l’orchestre du Metropolitain Opera (MET). Pour Fabienne Voisin, PDG de l’Orchestre Métropolitain (OM), et Matías Tarnopolsky, qui occupe le même poste à Philadelphie, le fait que Yannick Nézet-Séguin ait plusieurs engagements ne nuit pas. Au contraire.
« Il met son cœur, son esprit et son âme dans les trois institutions », juge Matías Tarnopolsky, qui constate aussi que dans les trois cas, Yannick Nézet-Séguin a construit une relation à long terme.
« L’Orchestre Métropolitain est très important pour lui, ça influence sa vie artistique énormément, et nous en bénéficions à Philadelphie, estime-t-il. Mais il a aussi une profonde connexion avec la ville. Il se sent à la maison ici aussi. » Fabienne Voisin opine.
Je suis certaine que toutes les relations que Yannick peut avoir avec les orchestres, spécialement ceux avec qui il travaille de près comme le MET et Philadelphie, sont une richesse pour nous.
Fabienne Voisin, PDG de l’Orchestre Métropolitain
Nous avons rencontré Fabienne Voisin et Matías Tarnopolsky dans les bureaux de ce dernier, au Verizon Hall, à Philadelphie, dans le cadre de la tournée de l’OM aux États-Unis au début du mois de mars. Le voyage de l’Orchestre de Philadelphie à Montréal se fait donc dans ce contexte de réciprocité entre les deux institutions, qui ne partagent pas la même histoire – l’une a 125 ans, l’autre, 40 ! –, mais qui ont le même désir d’innovation.
« L’Orchestre de Philadelphie est un des plus audacieux. C’est un modèle qu’on veut tous suivre », souligne Fabienne Voisin. « Ce sont deux orchestres différents dans la manière dont ils sont organisés, mais avec le même désir de faire de la grande musique, ajoute Matías Tarnopolsky. J’admire l’Orchestre Métropolitain et son engagement envers les programmes plus aventureux. »
Les deux orchestres ont en commun Yannick Nézet-Séguin, dont l’aura de chef est magnétique. C’est même une des raisons pour lesquelles Fabienne Voisin, qui a été pendant 11 ans directrice générale de l’Orchestre national d’Île-de-France, a décidé de déménager à Montréal en décembre 2022. « J’ai choisi l’OM pour la qualité de l’orchestre, mais aussi parce que je voulais travailler avec Yannick. »
Même scénario pour Matías Tarnopolsky, qui est devenu PDG de l’Orchestre de Philadelphie en août 2018, six ans après la nomination de Yannick Nézet-Séguin comme directeur artistique. « Moi aussi, je suis venu entre autres pour lui », confirme-t-il lorsque Fabienne Voisin lui pose la question.
Diversité
Mine de rien, le nom de Yannick Nézet-Séguin est devenu synonyme de vecteur de changement, en amenant par exemple de la diversité dans le répertoire joué. La preuve, l’OM a fait sa tournée américaine en incluant dans son programme une œuvre originale de l’artiste autochtone Cris Derksen. Avec ses effets électroacoustiques au violoncelle, mais aussi avec l’émotion brute qui en émanait, la pièce a connu un vif succès devant chacun des auditoires où elle a été présentée.
De son côté, l’Orchestre de Philadelphie jouera à Montréal le Concerto no 2 de Rachmaninov – un classique, puisque le compositeur russe a beaucoup collaboré avec cet ensemble. Mais l’autre œuvre choisie est un concerto de Florence Price, compositrice afro-américaine que le chef québécois a contribué à faire sortir de l’oubli ces dernières années – son enregistrement de deux de ses symphonies avec l’Orchestre de Philadelphie lui a d’ailleurs valu un Grammy en 2022.
Une des choses que j’aime chez Yannick, c’est sa curiosité. Il ne change pas que la musique, mais le monde autour. Il a un grand engagement à explorer du nouveau répertoire, à faire se rencontrer des compositeurs et des performeurs.
Matías Tarnopolsky, PDG de l’Orchestre de Philadelphie
Parlant de monde qui change, le nom de la salle de concert de l’Orchestre de Philadelphie, le Verizon Hall, deviendra à compter du 8 juin le Marian Anderson Hall. C’est un hommage attendu à la grande contralto afro-américaine, qui a fait sa marque dans la ville en se battant pour les droits civiques.
« Nous sommes très fiers de cette décision. Tout le monde était là lors de l’annonce, la mairesse de la ville, le lieutenant-gouverneur de l’État. Et, bien sûr, Yannick était 100 % derrière cette idée. »
Fabienne Voisin croit aussi que Yannick Nézet-Séguin fait partie des gens qui changent le monde symphonique et de l’opéra. « J’arrive d’Europe. J’ai vu son souhait de ne pas jouer seulement les 10 ou 15 pièces que tout le monde veut entendre, son désir de nous dire que la diversité du répertoire peut éclairer les problèmes que nous avons en ce moment dans la société. Il nous montre toute la richesse de cette diversité, et toute la beauté. »
Échange
Pour Matías Tarnopolsky, Yannick Nézet-Séguin est littéralement un citoyen du monde, qui vit sans frontière. C’est cette « vision internationale » qui lui amène son ouverture et sa fraîcheur.
Il y a toujours quelque chose de nouveau et d’imprévu avec lui. Mais surtout, c’est tellement un grand musicien, qui est au top internationalement. Et nous avons la chance de l’avoir comme leader.
Matías Tarnopolsky, PDG de l’Orchestre de Philadelphie
« Imaginez, c’est un des meilleurs au monde, et les endroits où vous pouvez le voir diriger, c’est New York, Philadelphie… et Montréal ! », s’exclame Fabienne Voisin.
Tous deux sont fort heureux que cet échange entre les deux familles musicales du chef ait lieu. « Nous aimons célébrer les familles artistiques auxquelles il appartient, dit Matías Tarnopolsky. L’OM était venu jouer ici en 2019, et ça avait été merveilleux. Quand l’occasion s’est représentée pour 2024, on a sauté dessus ! Et ils sont assez gentils pour nous inviter à leur tour. »
Lors de cette tournée, l’Orchestre de Philadelphie visitera aussi Ottawa et Toronto. L’ensemble n’a pas joué au Canada depuis 20 ans, rappelle Matías Tarnopolsky. « Et notre première visite à Montréal remonte à février 1924, il y a donc 100 ans ! » Deux familles, deux histoires, un seul chef : c’est la beauté de la musique qui crée des liens parfois surprenants, mais solides.
L’OM reçoit l’Orchestre de Philadelphie, le vendredi 19 avril, à 19 h 30, à la Maison symphonique de Montréal.
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