Près de cinq mois après avoir annulé son défilé parisien, le vestiaire de l’été 2024 d’Hedi Slimane est révélé dans une vidéo tournée entre Paris et Monaco. Un éloge de la répétition dopé aux références couture.
Le 2 juillet dernier, dans un contexte tendu d’émeutes en France, Celine prenait la décision d’annuler leur défilé masculin prévu à la Gaîté Lyrique, salle de concert du 3e arrondissement de Paris, « afin d’éviter tout risque pour la sécurité des invités comme pour celles des équipes.» Et ce show de devenir, dans un exercice de storytelling dont Hedi Slimane a le secret, « the show that never was»…
Près de cinq mois après, c’est en vidéo, un médium que le créateur français apprécie particulièrement depuis la pandémie, qu’est révélée la collection de l’été 2024 (en boutique en janvier). Un film de 10 minutes, tourné à la Gaîté Lyrique, donc, mais aussi au Grand Rex et à l’Opéra de Monte-Carlo.
Le regard des modèles caché derrière des lunettes noires qui n’auraient pas déplu à Lou Reed
On reconnaît la mise en scène des précédents opus de Slimane chez Céline : les lumières chaudes, les jeux de miroirs, la démarche déterminée et le regard des modèles (maigrissimes) caché derrière des lunettes noires qui n’auraient pas déplu à Lou Reed, période Velvet Underground. Le tout entrecoupé de plans de danse, ceux du danseur de ballet Laurids Seidel, en crop-top à manches ballon et débardeur à gros nœud en satin…
Hormis ces quelques éléments à l’esprit féminin et à l’allure très couture (bientôt porté par Timothée Chalamet sur un tapis rouge?), on reconnaît la silhouette qui obsède depuis près de 30 ans le génial Français partout où il passe, ses costumes fittés, ses blousons en cuir aux détails western (les poches à boutons-pressions en nacre) et perfectos cloutés, ses longs trench-coats classiques à souhait avec juste ce qu’il faut d’attitude, ses pantalons légèrement raccourcis. Et toujours, le tombé parfait d’un blazer, l’allure juste d’une bottine au talon biseauté, ce sens des détails qui n’en sont pas. On redécouvre même, avec plaisir et nostalgie, cette cravate fine qu’il a mise au cou de tous les rockers du début des années 2000, des Strokes aux Libertines, des Rakes à Interpol… Un look avec lequel renoue ces derniers temps la jeunesse, appelant ça l’«Indie Sleaze».
On sait Hedi Slimane obsessionnel, ne laissant aucune place au hasard. Difficile donc d’imaginer qu’il n’ait pas écouté les paroles de la bande-son choisie pour cette vidéo, « Losing my Edge » du groupe culte américain LCD Soundsystem, single sorti en 2005… «Je perds la main / Je perds le fil / Face aux jeunes qui arrivent derrière moi /J’entends dire que toutes les personnes que vous connaissez sont plus pertinentes que toutes celles que je connais.» Faut-il voir un message caché dans les paroles chantées par James Murphy? Peut-être la critique du jeunisme ambiant dans une industrie de la mode qui préfère la viralité et la rupture à la constance?
Difficile à affirmer, le Français préférant laisser parler les collections… Et les observateurs interpréter. Une chose est sûre : ces derniers temps, on ne peut pas ne pas voir son influence chez bien des (jeunes) créateurs, qui empruntent (pas toujours avec réussite) ses gimmicks. Signe qu’il n’a pas perdu la main. Bien au contraire.
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