Des coulisses à la scène | Bon Enfant : fierté rock’n’roll

Avec Demande spéciale, son troisième album en cinq ans, Bon Enfant s’affirme comme un des meilleurs groupes du Québec. C’est aussi un des plus rock, chacun de ses cinq membres ayant l’incandescence d’un soliste. Nous les avons suivis lors de leur rentrée montréalaise au Club Soda.

« Mais on fonctionne bien avec la pression », souligne la claviériste Mélissa Fortin.

« Pour moi, le pire est passé. On a fait plusieurs jours de préproduction, et c’est vraiment ce qui me stresse le plus », dit Guillaume Chiasson, qui forme le duo créatif du groupe avec Daphné.

Guillaume, le batteur Étienne Côté et le bassiste Alex Burger sont assis sur le divan, mais le bassiste va vite se retirer. Il a participé au test de son, mais il est fiévreux depuis quelques jours. On l’a installé dans une petite pièce avec un lit, pour qu’il puisse se reposer jusqu’au spectacle. Avec eux aussi, le réalisateur de leur album, Emmanuel Éthier, qui les accompagne pendant le spectacle.

Projets personnels

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de leur premier album en 2019. Ce qui a changé : avec deux albums remarqués, la carrière d’Étienne Côté, alias Lumière, est devenue florissante. Alex Burger a sorti un premier album en 2021, pour lequel il a remporté le Félix de l’Album country, et un deuxième en 2024. Mélissa Fortin, de son côté, a lancé un album instrumental cette année. « Il n’y avait pas ça quand on a commencé », souligne Daphné.

« Comme Bon Enfant marche bien, on a vraiment resserré nos activités sur nos projets respectifs, et le groupe », explique Étienne Côté.

Au Québec, les musiciens n’ont souvent pas le choix d’avoir plusieurs projets pour bien gagner leur vie. Difficile, financièrement, la vie de groupe ? « Oui et non, dit Daphné. Nous, ça va super bien. Mais on a travaillé ! J’étais dans Canailles à 22 ans, Guillaume aussi a commencé très jeune. On fait tous ça depuis plus de 10 ans. On a tapé notre trail. On a du mérite ! »

La tournée

L’idée de repartir sur la route, au Québec, mais aussi en Europe, les réjouit. « J’aime ça, être dans une van…, lance Daphné. J’aime les gens avec qui je travaille, j’aime mon band ! »

La tournée québécoise commence à se dessiner. Bon Enfant ira aussi passer trois semaines en Europe au cours de l’hiver, en France et en Belgique, mais aussi dans des pays non francophones, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

« C’est la troisième vraie fois qu’on y va, calcule Guillaume. On a des équipes, des tourneurs. La seule façon de partir quelque chose là-bas, c’est d’y aller à répétition : c’est pas juste une fois de temps en temps que tu vas avoir une carrière. »

Vie de groupe

Avant d’aller souper ensemble, petite photo souvenir devant la marquise du Club Soda avec une partie de l’équipe. Bon Enfant est une bande soudée et ses membres sont contents de se retrouver… même si dans les faits, ils ne se sont pas vraiment laissés. « On est de grands amis dans la vie », dit Daphné.

Ce n’est pas toujours parfait et ils discutent parfois très fort. « On est beaucoup d’extravertis dans ce band ! », souligne Guillaume. On peut dire que ça paraît ! « Ça peut faire des flammèches, mais c’est ce qui fait ce qu’on est comme musiciens, croit Mélissa. On est des personnalités fortes. » La claviériste compare le groupe à un « gros couple ». Un trouple ? Tout le monde rigole. « Non, mais vous comprenez, là ! C’est déjà compliqué une relation à deux, alors à cinq… des fois, pour vrai, ça prendrait un psy sur place ! »

En tournée, c’est l’ambiance générale qui compte le plus, souligne Daphné. « Il faut garder le monde ensemble, de bonne humeur, il faut travailler pour ça. Mais on commence à avoir de l’expérience : quand on a la mèche trop courte, chacun va faire sa marche. »

Et lorsqu’ils se retrouvent sur scène, c’est toujours dans la joie. « On a du fun ! précise Étienne. Une grosse partie de notre job, c’est ça. »

Irremplaçables

Retour dans la loge après le souper. Il y a de plus en plus de monde qui passe : des gens de leur maison de disques, la chanteuse Paige Barlow et ses musiciens, qui assureront la première partie, des techniciens. Daphné, Mélissa et Étienne se maquillent et se changent, Alex Burger apparaît quelques instants… puis redisparaît. En temps normal, il serait chez lui au lit, mais il n’a pas le choix : les chansons sont tellement neuves que personne ne peut le remplacer.

Si Guillaume et Daphné sont le noyau créatif de Bon Enfant, les trois autres musiciens sont « 100 % nécessaires », souligne le guitariste. Tant dans la forme des chansons que sur scène. « Parfois, on doit les remplacer, et même si ce sont de super bons musiciens, ça paraît que ce n’est pas eux, explique Daphné. On est vraiment un band… je ne sais pas comment le dire autrement ! »

Le spectacle

Même s’ils ont l’air calmes, on sent l’énergie changer à mesure que l’heure approche. Pour ce spectacle de lancement, Bon Enfant a décidé de chanter toutes les chansons du nouvel album.

« On l’assume, on veut le jouer, on l’aime. On n’est pas gênés de le jouer ! », lance Guillaume. « On est énervés, et on a la tête haute », ajoute Daphné.

Alex arrive, l’air faible. On se demande comment il fera pour tenir pendant une heure trente sur scène. La preuve que l’adrénaline a un effet : il réussira à faire le show au complet avec une telle énergie qu’on n’y a vu que du feu.

En spectacle, Bon Enfant est encore plus rock, et chaque membre brille. Les regards sont beaucoup tournés vers Daphné, chanteuse à la présence explosive qui rappelle les grandes comme Marjo et Diane Dufresne. Mais il y a aussi les guitares de Guillaume qui bourdonnent, Étienne qui est hypnotique à la batterie, Mélissa qui est un spectacle à elle seule aux claviers, et les solides lignes de basse d’Alex qui portent le groupe.

Devant un Club Soda bondé, Bon Enfant a d’abord joué toutes ses nouvelles chansons, ce qui reste un pari. L’accueil a été chaleureux, mais il faudra un peu de temps avant qu’elles entrent dans l’imaginaire des gens.

La pièce-titre Demande spéciale fait tout de même lever la salle, mais c’est dans la dernière ligne droite, avec les anciennes comme Magie, Aujourd’hui et Porcelaine, que l’enthousiasme se fait sentir. Bon Enfant livre un spectacle la pédale au plancher : les interventions de Daphné sont rares et courtes, et les chansons s’enchaînent.

Tous les membres de la bande sortent de scène après avoir salué la foule brièvement. Fiers, et la tête haute.

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