CRITIQUE – La pièce de François Barluet raconte l’engouement de Durand-Ruel pour les impressionnistes. Une déclaration d’amour à l’art pictural, à voir en urgence au Théâtre du Petit Montparnasse, à Paris.
Jeanne (Christelle Reboul) n’en peut plus, Paul, son mari (Christophe de Mareuil), encombre leur appartement avec des centaines de toiles de ses amis peintres, Renoir, Monet, Corot, Boudin… « Vous commercez peu, mais collectionnez beaucoup ! », lui reproche-t-elle. Ce passionné croit dur comme fer au potentiel de ses artistes et les soutient aussi bien moralement que financièrement.
Mais ce père de cinq enfants peine à vendre leurs œuvres. À tel point que les huissiers frappent à sa porte. Paul a la chance d’avoir une épouse telle que Jeanne. Elle est réaliste quant à leur quotidien incertain, spirituelle, voire piquante, et… jalouse des modèles qu’Auguste Renoir (Victor Bourigault, vu dans Chevaliers, d’Olivier Solivérès) représente sur ses toiles. Elle vante toutefois le charisme du jeune peintre pour taquiner son époux.
Le titre de la pièce de François Barluet, Les Collectionnistes n’est pas très heureux, mais cache une pièce captivante. Bien écrite et instructive sur le mouvement impressionniste, l’histoire entraîne le public sur les pas du célèbre marchand Paul Durand-Ruel (1831-1922), un visionnaire qui sut déceler le talent de peintres décriés à l’époque. « Ces gens sont fous, mais il y a plus fou qu’eux, c’est Paul Durand-Ruel, qui les achète ! », s’indigne un journaliste. Un ami du couple (Frédéric Imberty, repéré dans Les Crapauds fous) commence à se détourner du collectionneur. Tandis que Nadar invite les peintres à exposer dans son atelier de photographie. Leur protecteur prévoit un four.
«Sans lui, nous serions tous morts de faim !»
Plutôt sobre, la mise en scène de Christophe Lidon tient sur le jeu des quatre comédiens, en particulier Christelle Reboul. Connue pour la série de TF1 Nos chers voisins, elle est trop rarement sur scène. Habillée de robes d’époque par Jean-Daniel Vuillermoz, pimpante, elle apporte beaucoup de charme à cette « comédie impressionniste ». Pour aider Paul, elle réussit à vendre un tableau trois fois son prix. Christophe de Mareuil n’est pas en reste. À le voir traverser le plateau de long en large, on comprend les coups de cœur de son personnage et on partage ses inquiétudes. « Sans lui, nous serions tous morts de faim ! », réalisera Monet.
À voir Christophe de Mareuil traverser le plateau de long en large, on comprend les coups de cœur de son personnage et on partage ses inquiétudes
Visuellement, sublimé par les lumières (Moïse Hill), le spectacle est très beau. On aurait juste aimé davantage de toiles dans le salon. En figurant les touches de peinture de Monet – on devine Les Nymphéas – ou de Renoir – une femme nue, au grand dam de Jeanne -, les vidéos (Léonard) magnifient l’intérieur bourgeois des Durand-Ruel. La fenêtre du salon donne sur un ciel de Caillebotte ou une vue de Paris (scénographie de Christophe Lidon). N’oublions pas les musiques enlevées (Cyril Giroux). Comme dit la chanson, c’est magnifique !
« Les Collectionnistes », jusqu’au 4 mai au Théâtre Montparnasse (Paris 14e). Rés. : 01 43 22 77 74 ou theatremontparnasse.com
Content Source: www.lefigaro.fr