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Neuf journées de l’impressionnisme: mai 1880, Monet quitte le navire

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FIGARO HORS-SÉRIE (8/9) – Abandonner ses amis ne lui plaît pas, mais Monet doit bien vivre et nourrir ses enfants désormais orphelins. Il déserte l’exposition impressionniste.

Cet article est extrait du Figaro Hors-série Paris 1874, Impressionnisme, soleil levant, un numéro spécial édité cent cinquante ans après la première exposition impressionniste commémorée par le musée d’Orsay qui a réuni, en un saisissant face-à-face, une large sélection des œuvres qui furent alors révélées au public. Pour être tenu au courant de l’actualité historique et culturelle, abonnez-vous gratuitement à la Lettre du Figaro Histoire.

Cette fois il a dit non. L’année passée déjà, il avait hésité à faire comme Renoir, retourner au Salon. Il pensait, comme Sisley aussi, qu’il ne faut pas s’isoler trop longtemps, que le temps est loin encore où l’on pourra se passer du prestige qui s’attache aux expositions officielles. Camille était mourante, et il n’a rien pu faire. L’argent manquait depuis un moment déjà, ils n’avaient plus eu les moyens de garder la maison d’Argenteuil. Les Monet étaient revenus à Paris où Camille avait accouché de Michel au début de 1878. C’est à la fin de sa grossesse que sa santé avait commencé de se dégrader. Il avait espéré qu’en quittant à nouveau Paris pour Vétheuil elle s’en trouverait mieux. Mais le mal qui lui dévorait le ventre avait été plus fort. Avec l’argent de ses tableaux, il achetait des potions. Alice Hoschedé veillait sur Camille. Lui se rongeait les sangs, impuissant. Allait peindre à Paris les promenades des bourgeois ou les quartiers d’affaires, se noyait de travail pour oublier la mort qui s’immisçait chez lui.

Ce printemps 1879, il s’était finalement laissé faire par Caillebotte et Degas, et il avait rallié l’exposition du 28 avenue de l’Opéra. La Rue Montorgueil pavoisée pour la fête de la République du 30 juin 1878 avait eu un beau succès. Il avait su saisir à coups de flammèches rouges, noires, blanches et bleues, le claquement des drapeaux et la liesse de la foule. Le public était venu, en nombre, malgré les critiques pour la plupart désespérantes, quoique certains apprécient le registre citadin, vues de villes modernes, pavois républicain. « L’impressionnisme ? Il se nettoie, il met des gants. Bientôt il dînera en ville », avait écrit Charles Tardieu. Caillebotte, avec sa rage de vaincre, s’était glorifié des quinze mille quatre cents entrées. Mais, comme les années passées, ça ne leur avait pas donné de réel succès, et aucunement rempli leur carnet de commandes. La gloire d’un instant ne nourrit pas un homme. Et puis Camille est morte, quelques semaines après, un 5 septembre. Il a cru devenir fou. Comme un désespéré et peut-être pour comprendre, ou pour se raccrocher à la seule chose qu’il sache, comme un dernier hommage à son plus beau modèle, il l’a peinte comme ça, la tête entourée du linge blanc qui retenait sa bouche. La femme de la Robe verte n’avait que trente-deux ans.

Six mois ont passé et Caillebotte à nouveau l’a supplié, lui qui pense que Monet leur est indispensable. Cette fois il a dit non. « La cinquième exposition faite par des artistes indépendants » (Degas et sa manie de vouloir se défaire du terme impressionniste…) se fera donc sans lui. Ah ! il n’est pas vraiment fier de faire cavalier seul, mais il faut bien survivre et nourrir les enfants. Et puis il y a la perspective de cette exposition particulière qu’il prépare pour la galerie La Vie moderne. Il y succédera à Manet. Georges Charpentier, l’éditeur de Zola et Huysmans, avait d’abord fondé la revue du même nom où écrivent Armand Silvestre, Alphonse Daudet, Théodore de Banville, Edmond Duranty et le frère de Renoir. Et puis Edmond Renoir a eu l’idée de ces expositions. Ils ont commencé par De Nittis et ça a été un vrai succès : plus de deux mille visiteurs. Renoir a eu la sienne en juin 1879.

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Aujourd’hui, c’est Manet qui y présente surtout les élégances parisiennes. En juin, ce sera lui. Il a présenté au Salon une chose plus sage et plus bourgeoise que d’habitude, le Lavacourt, qui a été accepté. Le thème du cours d’eau, l’ambiance bucolique plaît. Daubigny, il y a deux ans, est mort millionnaire… Même Chennevières, l’ancien directeur des Beaux-Arts, a eu un mot aimable : « l’atmosphère lumineuse et claire [de Lavacourt] fait paraître noirs tous les paysages voisins dans la même galerie ». Les journalistes se sont gaussés : « Parmi les impressionnistes, Renoir et Monet se distinguaient comme les deux cariatides du temple. Le temple va-t-il s’effondrer parce que les deux cariatides ont abandonné leur poste ? » Rewald a même pu dire que sans Renoir, sans Monet, sans Cézanne, sans Sisley, ça n’était plus vraiment là une exposition impressionniste. Ah ! il n’a pas bien regardé Cassatt et Pissarro… Monet a vu sans plaisir les démêlés du groupe ; Degas qui cherche toujours à imposer ses amis, comme ce Raffaëlli, un brin envahissant. Au mois de janvier 1881, Caillebotte tentera même de continuer sans lui : « Degas a apporté la désorganisation parmi nous. (…) Il a un immense talent, c’est vrai, je suis le premier à me proclamer son admirateur. Mais restons-en là. »

Impression, soleil levant par Claude Monet
Musée Marmottan Monet, Studio Baraja

Paris 1874. Impressionnisme, soleil levant, Le Figaro Hors-Série. 14,90 €, disponible en kiosque et sur Figaro Store.

Content Source: www.lefigaro.fr

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