Pour la première fois, ce ballet, dansé par le Ballet de l’Opéra de Paris à Bastille, a été filmé en Imax. La captation est diffusée dans le monde entier dans les salles Pathé Live et Imax.
La danse à hauteur d’yeux. Vue de plus près que depuis le premier rang d’orchestre! C’est le pari tenté en première mondiale par l’Opéra national de Paris, Pathé Live et Imax pour une diffusion dans 2000 salles de la planète avec des débuts exclusifs en France du 8 au 12 novembre. Le résultat est vertigineux. Pour la première fois, la danse ne se résout plus à un jeu de lignes et de pas, accordés sur la musique et dans l’espace. Elle se donne à voir dans le regard des interprètes. Y sont-ils préparés ? C’est une autre affaire.
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« N’oublie pas pourquoi tu danses », répétait Liane Daydé, son remarquable professeur, à Aurélie Dupont qui en a fait le titre de ses Mémoires parues au printemps dernier chez Albin Michel. Entre Paul Marque (Siegfried), Sae Eun Park (Odette-Odile) et Pablo Legasa (Rothbart), suivre l’application de cette phrase est captivant.
La danse n’est pas que mouvement du corps, elle est jeu, des pieds à la tête, tant la matière dramatique qui se danse dans le Lac des cygnes est éprouvée : les hésitations de Siegfried, tout jeune prince tremblant devant sa mère, transparaissent dans le regard un peu flou de Paul Marque. La manipulation de Rothbart à son encontre se lit dans l’œil noir et sûr de Legasa qui donne au rôle un éclat Luciférien.
Impose son regard
Sae Eun Park laisse béat en Odette-Odile : ses métamorphoses partent de son regard, le corps suit simplement, au diapason, qui le prolonge. Certaines ballerines passent dans ce rôle de la femme à la putain. L’interprétation de Sae Eun Park est autrement moins simpliste. En Odette, c’est une femme cygne aussi immatérielle qu’un rêve et affolée qu’un oiseau.
Sa danse est si palpitante, si sensible, si perméable à l’imagination, qu’elle la révèle plus femme à la fin du 2e acte, quand elle pense échapper à Rothbart, et plus oiseau au 4e lorsque le stratagème de Rothbart se referme sur elle. Au 3e, en cygne noir, elle est simplement femme, sans vulgarité, mais avec ce qu’il faut d’abattage, et cela suffit à égarer Siegfried, tant il est immature et incertain.
On est d’autant plus pris que la réalisatrice Isabelle Julien suit le drame comme au théâtre et impose son regard au spectateur : plans rapprochés, danse saisie à 1 mètre des danseurs, accents dramatiques de la musique impactant les visages. On reste bouche bée et les deux heures trente du spectacle filent comme un songe.
Sans aucune intention
On est même scotché par cette captation Imax qui souligne aussi la vitesse du mouvement, donne la sensation d’espace, permet de mettre le nez sur la splendeur des costumes brodés et emperlés, conçus par Franca Squarciapino à la demande de Noureev. Vu de près, celui de Rothbart, dessiné pour lui, est d’une splendeur inouïe. La réalisatrice se permet aussi quelques plans vus de haut qui disent la géométrie taillée dans le diamant des actes blancs.
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« N’oublie pas pourquoi tu danses » : le corps de ballet ferait bien lui aussi de se poser la question. Son emploi bien compris est-il simplement de se mettre en lignes uniformes comme les militaires, juste avec des mouvements qui auraient plus de grâce ? On se pince de voir ces pas de trois, polonaises, danse espagnole exécutées impeccablement, mais sans aucune intention, avec des partenaires qui se décrochent juste pour la forme un sourire au début et à la fin !
La danse, c’est bien autre chose, une musique, un partenaire, une humeur qui allume les yeux, bouge le buste, porte les bras, meut les jambes : il serait temps que le corps de ballet travaille dans ce sens-là. Ce sont aussi les petits rôles qui font la grandeur d’une compagnie.
«Le Lac des cygnes», en Imax, du 8 au 12 novembre dans les salles Imax.
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