Dans cette délicate plaidoirie, une employée de bureau introvertie voit son cocon bousculé.
Les spectateurs qui avaient laissé Daisy Ridley enfouissant dans le sable les sabres lasers de ses mentors au terme de la dernière trilogie de La Guerre des étoiles mettront du temps à reconnaître la comédienne britannique dans La Vie rêvée de Miss Fran. Elle campe ici une employée de bureau introvertie restant sur son quant-à-soi. Hors de question de se mêler aux collègues qui papotent autour de la machine à café ou de les retrouver pour des soirées jeux. L’experte en tableaux Excel préfère savourer seule ses sudokus et son fromage blanc.
Encline à se perdre dans son imaginaire, Fran échafaude mille et un scénarios baroques au terme desquels elle trouverait la mort. Non qu’elle souhaite mettre fin à ses jours. Ses songes de forêts et d’océans, de reptiles et d’insectes grouillants sont plutôt une échappatoire dans un quotidien qui la submerge. Toutefois, cette foisonnante vie intérieure se retrouve bousculée par la nouvelle recrue de l’open space: Robert ne peut s’empêcher de vouloir sortir Fran de son cocon protecteur.
Dose d’humour
Avec ce portrait austère et onirique du poids de la solitude, la réalisatrice Rachel Lambert embrasse la mélancolie de l’existence, mais ne la condamne pas. Son sujet est moins la dépression que la difficulté de nouer des liens et de s’ouvrir aux autres dans notre société moderne et bruyante. Le minimalisme de ce film indépendant, calibré pour les festivals de Sundance et de Deauville, est contrebalancé par une bonne dose d’humour et un décalage permanent. Fran, pour qui la grande faucheuse est presque une amie, se découvre des aptitudes insoupçonnées de convive de «murder parties». Ses visions morbides piochent autant dans la beauté du préraphaélisme que dans le grotesque des scènes de Brueghel l’Ancien. S’en dégage une forme d’apaisement, à l’image d’un film avare en dialogues qui soigne ses silences et laisse le temps s’écouler goutte à goutte.
La dichotomie entre la richesse de Fran et ce qu’elle projette m’a bouleversée. C’est une discrète. Être en société, pour elle, c’est comme être nue.
Daisy Ridley
Malgré son héroïne qui flotte, le film n’est pas déprimant. Au contraire. Invitant à l’introspection, il joue une petite musique de chambre singulière qui résonne dans notre monde de l’après-confinement. La pandémie a démontré à quel point l’isolement était un fléau universel. «La dichotomie entre la richesse de Fran et ce qu’elle projette m’a bouleversée. C’est une discrète. Être en société, pour elle, c’est comme être nue. Comment surmonter cette réticence pour établir la connexion, dont nous avons besoin pour prospérer? On peut avoir l’impression qu’il est impossible de trouver sa place, de toucher quelqu’un. Pourtant cette personne serait ravie d’avoir un soutien, une oreille», décrypte Daisy Ridley.
Certains seraient tentés de voir en Robert (Dave Merheje) un chevalier servant. L’actrice tempère: «La Vie rêvée de Miss Fran n’est pas une comédie romantique, même si certains jalons le laissent penser. Ce film rappelle que la vie est rarement une succession de feux d’artifice. Le cours des choses ressemble plutôt à une suite de petits et précieux moments, des braises dans l’âtre.» Une belle promesse.
«La Vie rêvée de Miss Fran», comédie de Rachel Lambert. Avec Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena. Durée: 1h31.
L’avis du Figaro: 2/4.
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