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Notre critique de L’innocence: l’enfance en plein sortilège

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Minato, orphelin de père, surprotégé par sa mère, et Yori, délaissé par un géniteur violent, vont découvrir qu’ensemble ils peuvent lâcher prise. 2023 Monster Film Committee

CRITIQUE – Kore-Eda déplace sa caméra du foyer à l’école pour raconter l’amitié amoureuse entre deux adolescents dans un Japon fermé aux sentiments. Un film subtil.

Ne jamais baisser la garde! S’il y a un conseil à donner aux spectateurs qui iront voir le dernier film du Japonais Kore-eda, c’est bien celui-ci, tant L’Innocence regorge de nuances et de détails qui ne prennent sens qu’en avançant dans le récit. Sur l’affiche du film, le visage de deux enfants maculés de boue interroge. Que leur est-il arrivé? Quel est le lien avec cette première séquence qui voit les pompiers débouler, toutes sirènes hurlantes, pour éteindre l’incendie survenu dans un bar à hôtesses? Une rumeur se propage: le professeur de Minato et de Yori fréquentait le lieu.

Et voilà que le jeune Minato, qui est élevé par sa mère seule, se met à lui raconter que ce professeur lui a dit qu’il avait un cerveau de porc. La mère furibarde débarque à l’école, demande l’équipe éducative. Il faut les voir faire des courbettes devant elle en s’excusant. Elle aimerait juste avoir des explications. Elle ne les aura jamais. Un questionnaire sera distribué aux enfants pour juger le prof qui sera soumis à une séance d’autocritique devant les parents avant d’être mis à pied. La Chine sous Mao? Non, le Japon contemporain.

C’est ce Japon-là, qui cache une violence sourde sous une placidité apparente, que le cinéaste veut nous montrer. Il y a donc dans toute une première partie du film un aspect rugueux qui ébranle. Les personnages semblent pétris de secrets, les mensonges volent et les rumeurs empoisonnent les relations.

Une structure en trois temps

La mère de Minato pense que son fils est harcelé mais c’est Yori, dans la même classe, qui est le bouc émissaire des autres enfants. La directrice est insondable depuis la mort accidentelle de sa petite-fille mais ses collègues l’affirment: c’est elle qui conduisait la voiture qui l’a provoquée. Le professeur de plus en plus désespéré se détend en débusquant les coquilles dans les livres publiés. Sa copine va finir par le quitter – on se croirait chez Murakami. Peu à peu, le suspense se lève comme le brouillard sur le mont Fuji.

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Sur un scénario de Yuji Sakamoto, qui fut primé en juillet au Festival de Cannes, Kore-eda renouvelle sa manière de faire un thriller. Il adopte une structure en trois temps: l’histoire est racontée successivement par la mère de Minato, par le professeur puis par l’enfant lui-même. Cette partie-là est la plus belle. De sombre, le film devient lumineux. Il gagne en douceur pour finir dans la lumière éclatante d’un lendemain d’orage. La musique de Ryuichi Sakamoto, disparu en mars dernier, s’accorde à merveille aux humeurs de la caméra virevoltante de Kore-eda.

Déroutant mais subtil, L’Innocence s’attache aussi à décrire l’éveil du sentiment amoureux chez les adolescents. Minato, orphelin de père, surprotégé par sa mère, et Yori, délaissé par un père violent, vont découvrir qu’ensemble ils peuvent lâcher prise. Un wagon abandonné sur une voie ferrée envahie par la forêt leur servira de refuge pour jouer. Les adultes tomberont les masques et deviendront des alliés. Dans une séquence renversante, Minato apprendra à souffler dans un trombone pour se délester de ce qu’il ne peut révéler. Kore-eda ou le magicien.

La note du Figaro : 3/4.

Content Source: www.lefigaro.fr

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