Des bonhommes hiver du plancher au plafond, des invités spéciaux à la pelle et annoncés par le tintement des grelots, de l’ironie et des chansons tristes, Pierre Lapointe a offert un spectacle presque anti-Noël, jeudi, à la Place des Arts. La magie a néanmoins opéré : ce fut éclaté, touchant et rassembleur.
Avant même d’entendre une seule note de son album Chansons hivernales, il y a trois ans, on se doutait que ce n’était pas parce que Pierre Lapointe sortait un « album de Noël » qu’il rentrait dans le moule. Les guillemets comptent, ici, car il ne reprend aucun air connu sur ce disque composé surtout de chansons tristes « noëlisées ».
Il a expliqué son truc, jeudi, à la salle Wilfrid-Pelletier : pour faire une chanson de Noël à la Pierre Lapointe, il suffit en gros de mettre une peine d’amour dans le contexte approprié. Ainsi, changer le mot « novembre » pour « décembre » est un tour de passe-passe suffisant pour faire de sa belle chanson L’oiseau rare, une chanson de Noël.
On l’aura compris, Pierre Lapointe conviait son public à célébrer un Noël plus bleu que blanc, à la Place de Arts. Il s’appelait mélancolie, en effet, lorsqu’il chantait Ça va j’ai donné, Le premier Noël de Jules, L’oiseau rare et Toutes les couleurs, même si elle est portée par une musique plus légère rehaussée sur scène comme sur disque par des cuivres.
Un chanteur bien entouré
Le chanteur n’était pas venu fêter Noël seul. Il était entouré d’un groupe de cinq musiciens, ponctuellement appuyé par deux cuivres et même un quatuor à cordes (le Quatuor Molinari). Et ce n’est pas tout : Pierre Lapointe reçoit tout au long de sa tournée des artistes invités, qui arrivent tous « par hasard » du traîneau de mère Noël et sont annoncés un à un par un tintement de grelots. Pierre Lapointe feint la surprise chaque fois, nourrissant ironiquement l’idée que ce spectacle est totalement improvisé.
Il ne l’est évidemment pas et a touché plus d’une fois à la perfection. Le duo de Pierre Lapointe et de Patrice Michaud sur sa chanson Origami a été finement exécuté et d’une grande beauté. L’artiste atikamekw Laura Niquay a laissé une très forte impression en interprétant deux de ses chansons. Mitsou a fait sourire la salle en reprenant son succès Bye Bye mon cowboy et l’a fait lever en chantant Dis-moi dis-moi, chanson jadis accompagnée d’un clip jugé si sulfureux qu’il n’avait été présenté que très tard à MusiquePlus…
1/4
Curieusement, l’artiste avec laquelle le courant le moins bien passé en duo est la seule qui était à la fois du disque et du spectacle : Mélissa Laveaux. En solo, elle a pu faire valoir sa superbe voix, voilée et onctueuse. En duo avec Pierre Lapointe, par contre, ça ne collait plus. Les oscillations de l’une semblaient décontenancer l’autre, qui s’est d’ailleurs presque complètement effacé sur Noël Lougawou.
Échevelé et rassembleur
Chansons hivernales, le spectacle, a l’air d’un party de famille échevelé : on ne comprend pas toujours ce que tel ou tel invité fait là, ni pourquoi telle ou telle chanson est interprétée plutôt qu’une autre. Tout ça tient en fait aux coups de cœur de Pierre Lapointe et à l’humour dans lequel il enveloppe les choses. Même s’il a allégrement déconstruit la magie de Noël sur scène et invité des gens d’horizons extrêmement divers, il a réussi le tour de force d’en faire une soirée rassembleuse.
Il a aussi fait vibrer la corde de la nostalgie, qui est un puissant ciment. Pas seulement en ramenant Mitsou à l’avant-scène, mais par ses orientations musicales. Prouvant une fois de plus son attachement à la manière des années 60, il a marché dans les plates-bandes de Joe Dassin (Chaque année on y revient) et d’Aznavour (Le premier Noël de Jules), fait un clin d’œil à Michèle Richard (en reprenant Noël rock, adaptation française de Jingle Bell Rock) et chanté Le sentier de neige jolie chanson popularisée par Les Classels.
Avant de clore la soirée dans un esprit de fête avec Ce qu’on sait déjà, Pierre Lapointe a orchestré les moments les plus touchants de son spectacle. Il a interprété Le premier Noël de Jules (introduite par une longue et très comique présentation), Maman, Papa et une version chorale, mais très minimale de Deux par deux rassemblés, que la foule a entonnée à l’unisson. Ça ne faisait pas très Noël, mais magique, ce l’était.
Le spectacle Chansons hivernales est en tournée jusqu’au 22 décembre.
Content Source: www.lapresse.ca