L’influence la plus étonnante de Chansons hivernales
Depuis plusieurs années, je suis obsédé par l’idée d’essayer d’écrire de nouvelles chansons qui sonnent comme de vieux classiques. Et j’ai l’impression d’avoir mis le doigt dessus avec Au premier Noël de Jules. C’est de la mélancolie lumineuse, de la lucidité clair-obscur.
Et à la fin, les pa-pa, pa-pa, c’est Gilberto de Diane Tell, qui est une pièce maîtresse de la chanson francophone et un bel exemple d’une chanson qui sonne comme un nouveau classique. Ça sonne comme de la grande bossa-nova, mais on sent aussi la signature de Diane Tell.
L’influence la plus bizarre de Chansons hivernales
Dans Ce qu’on sait déjà, il y a un peu de l’album de Noël de Phil Spector, mais il y a surtout le saxophone de See My Baby Jive [1973] du groupe Wizzard. Ç’a été un méga hit en Angleterre, une sorte de mélange étrange de glam rock et de musique des années 1950. Le chanteur avait des souliers plateformes et une barbe multicolore. Ça pourrait donner quelque chose de mauvais goût, mais comme les musiciens avec qui je travaille sont bons et qu’ils ont de l’autodérision, ça passe toujours bien.
L’artiste qui a participé à Noël sans pluie que tu aimerais le plus revoir en spectacle
[En 2005, plusieurs membres de l’écurie Audiogram enregistrent façon We Are the World cette chanson écrite par Pierre Lapointe.]
C’est drôle, parce que moi, je la ferais disparaître, cette chanson-là, même si c’est un peu la genèse de l’album Chansons hivernales. Je l’avais écrite deux ou trois ans avant de signer avec Audiogram, et à un moment donné, la maison voulait amasser des fonds pour Jeunes musiciens du monde, alors on a demandé à tout le monde d’être là pour l’enregistrer : Ariane Moffatt, Daniel Bélanger, Pierre Flynn, Mara Tremblay, Karkwa, etc.
J’en étais encore à mes débuts, je ne comprenais pas tout ce qui m’arrivait, mais c’était la première fois que je me sentais comme au sein d’une famille artistique, une famille qui était composée de toutes mes idoles.
Et il y avait Lhasa [de Sela] qui était là. J’ai dû la voir en show au moins dix fois en Outaouais, parfois dans des salles où je n’avais pas le droit d’entrer, parce que je n’étais pas majeur. Je me souviens qu’un soir, Yves Desrosiers [l’acolyte guitariste de Lhasa] nous avait fait entrer par la loge, parce qu’il trouvait que ça n’avait pas rapport qu’on ait été refoulé à la porte. Durant un concert de Lhasa, on était toujours tous en transe.
Ton album de Noël préféré
Ella Fitzgerald’s Christmas (1967) d’Ella Fitzgerald. C’est à la fois très joyeux et solennel, les arrangements sont magnifiques.
Le pire album de Noël que tu as entendu
Celui des Jingle Cats. C’est la chose la plus drôle et la plus dégueulasse au monde. Mais respect à ces chats, qui doivent faire de très bons chiffres sur Spotify durant les Fêtes.
Le plus beau témoignage reçu au sujet de la chanson Maman, papa
J’en ai reçu des tonnes. Je dirais que pour 95 % des personnes de la communauté queer, le coming-out ne s’est pas bien passé et a eu un impact sur la relation avec les parents qui, heureusement, finit souvent par se replacer.
Et je suis tanné de ça. On essaie de se faire croire que tout est arrangé, que tout va bien, mais il y a encore des pays où les homosexuels sont brûlés, il y a encore ici des parents qui renient leurs enfants parce qu’ils sont homosexuels. Je ne sais pas trop comment réagir à ça, sinon en étant triste et aussi, par moments, très fâché.
C’est une de mes chansons de Noël que je joue même en plein mois de mai.
Ton plus précieux moment vécu avec Nathalie Simard
Nathalie Simard, pour moi, c’est l’enfance. Une des premières chansons que j’ai apprises par cœur, c’est Donne la patte Chibouki.
Quand elle est venue participer à mon émission Deux par deux rassemblés [sur ICI Musique], elle était très stressée et elle m’a demandé en arrivant : « Est-ce que je peux te prendre dans mes bras ? » Elle m’a pris dans ses bras et il y a eu une connexion interstellaire qui s’est produite, cosmique. Elle avait peur de ne pas être à la hauteur, peut-être parce que je dégage une image qui n’est pas en phase avec qui je suis.
Et quand on a chanté ensemble… Oh, my God ! Son sourire ! Tout son corps s’anime quand elle chante, elle a une voix de feu. Ça paraît qu’elle a beaucoup chanté dans sa vie. Ce qu’elle a, c’est rare.
Un des albums pop québécois les plus sous-estimés
C’est El Mundo [1988] de Mitsou, dont on va souligner le 35e anniversaire pendant le spectacle, même si ce ne sont pas des chansons de Noël. Il est sous-estimé, peut-être parce qu’elle arrivait avec des looks sexy qui ont accaparé l’attention. Pour moi, un bon album, c’est quatre chansons fortes, et il y en a plus que quatre sur cet album et sur Terre des hommes [1990]. Ils méritent d’être réécoutés.
Ton pire spectacle extérieur, l’hiver
C’était à Whistler, durant les Jeux olympiques de Vancouver en 2010. Chaque soir, sur la scène où on remettait les médailles, il y avait un artiste canadien qui jouait, comme Nelly Furtado et… Pierre Lapointe. Et Pierre Lapointe, à Whistler, il est connu auprès de quelques francophones et francophiles, mais sinon, tout le monde n’en a rien à foutre.
L’aréna était gigantesque et il y avait peut-être 30 personnes. C’est là que j’ai appris qu’un public qui applaudit avec des mitaines, ça ne sonne pas ben ben. J’ai eu des fous rires, pendant le spectacle, mais des fous rires ! Je me demandais : Qu’est-ce que je suis en train de vivre ?
Avant la dernière chanson, j’ai dit : « Bon, là, la gang, ce qui s’en vient, c’est probablement le plus gros feu d’artifice que vous aurez vu de votre vie. Vous allez avoir pour environ 15 000 $ de feu d’artifice chacun, profitez-en. »
C’est pour ça que je dis souvent que celui qui fait ce métier et qui a la grosse tête, c’est un con, parce qu’il y a constamment quelque chose qui te rappelle que tu as beau être connu quelque part, tu ne l’es pas ailleurs.
La phrase tirée de ton œuvre qui décrit le mieux ton rapport aux Fêtes
[Dans Chaque année on y revient]
La famille a ce je-ne-sais-quoi qui fait du bien
Même si elle nous dégoûte parfois
Chaque année, on y revient
Paraît qu’on appelle ça la magie de Noël
J’ai beaucoup d’amour et de respect pour ma famille, mais on dirait que dans le temps des Fêtes, tout le monde s’obstine à tenter de recréer une chimie qui n’est pas nécessairement évidente avec l’ajout des blondes, des chums, des enfants. On veut recréer quelque chose de pas naturel dans un contexte très précis, durant une période intense où on arrive tous fatigués.
Mais il y a quand même de la magie à Noël, il y a quand même des moments extraordinaires. J’aime quand même voir les gens que j’aime.
Ce mélange-là décrit bien ma façon de voir la vie en général. Je ne suis jamais vraiment triste, jamais vraiment content.
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