« Mon nouveau spectacle, il faut le voir, parce que c’est une femme de 82 ans qui fait ça et ce n’est pas soft, c’est rock », promet Édith Butler en parlant de sa venue au Théâtre Outremont, samedi. Toujours aussi rieuse, l’autrice-compositrice revisite ici les moments glorieux et loufoques d’une des carrières les plus riches de la francophonie, dont le point final est loin d’avoir été écrit. « Moi, je veux être la Janette Bertrand acadienne. Je veux vivre au moins jusqu’à 100 ans. »
La chanson dont vous êtes le plus fière
C’est l’Hymne à l’espoir [1978]. C’est une chanson qui tient le coup depuis très, très longtemps. Elle a été traduite dans plusieurs langues, en arabe, en hébreu. Les chorales ont chanté ça, les camps d’été, aussi. J’en suis fière, parce qu’on en a besoin d’espoir, actuellement.
Extrait de l’Hymne à l’espoir
Moi, j’ai des hauts et des bas sur l’espoir, avec tout ce qui se passe du côté du climat, des guerres ou en culture. C’est comme si depuis quelques années, on était dans un gros orage et qu’on attendait que ça passe. Donc, il doit en rester, de l’espoir, parce qu’on est encore là, à attendre que l’orage finisse.
La chanson que vous préféreriez ne pas avoir enregistrée
C’est Vot’ti chien madame [1985]. Je n’ai jamais voulu la chanter, mais à l’époque des Partys [sa série d’albums festifs des années 1980], c’était beaucoup le producteur qui choisissait le répertoire. Et il avait bien choisi, parce que ç’a fait des gros, gros hits.
Extrait de Vot’ti chien madame
En spectacle, les gens crient encore Vot’ti chien madame et moi je réponds : « Ah, votre petit chien, madame, il est mort ! » [Rires] Je l’ai chantée il y a quelques semaines à En direct de l’univers pour Sophie Prégent et je lui ai dit : Je la chante pour toi et après, c’est fini.
La chanson que vous n’en pouvez plus de chanter
Souvent, les gens vont me demander : t’es pas tannée de chanter Paquetville ? Mais non ! Je l’ai chantée des milliers de fois et c’est toujours nouveau. Parce que je vois les gens taper des pieds, chanter avec moi. Et parce que dans Paquetville, je chante mon coin de pays, je chante mon village, je me chante moi.
Votre album méconnu préféré
C’est Madame Butlerfly [2003], un album que j’ai fait avec Catherine Lara, qui est un génie de l’orchestration. Les guitares ont été jouées par Sylvain Luc [grand guitariste français], qu’on a perdu en mars. Je ne sais pas pourquoi ça n’a pas marché.
Catherine Lara et moi, on s’est rencontrées en 1973, on avait la même compagnie de disques, on se retrouvait sur les mêmes plateaux de télé en France et ici. On est devenues amies et on ne s’est jamais lâchées. On s’était toujours dit qu’on ferait quelque chose ensemble.
Puis, au début des années 2000, Lise [Aubut, son imprésario] a croisé Catherine en France et elle lui a dit que je déprimais un peu. La réaction de Catherine, ç’a été de lui demander si je voulais faire un album avec elle. Quand Lise est rentrée et m’a annoncé ça, j’ai dit oui, oui, oui, je veux, je veux, je veux.
Votre spectateur le plus marquant
C’est le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Richard Hatfield. J’étais au festival Mariposa [important évènement folk en banlieue de Toronto] en 1971, c’était l’époque des beatniks, tout le monde était assis dans l’herbe, à fumer de l’herbe et à manger du granola. Et tout à coup, je vois un homme avec un habit très chic, les souliers vernis, venir s’asseoir en plein milieu des poteux. Je me suis dit : c’est qui, ce gars-là ? Après le spectacle, il vient me voir. C’était mon premier ministre ! Il est resté mon ami toute sa vie. Quand il venait à Montréal, on sortait ensemble dans les boîtes à chansons.
Je me souviens, une fois, on était dans une place de hippies dans le Vieux-Montréal, on était assis à une table commune et les jeunes autour de moi s’étaient mis à me demander : Est-ce que c’est ton chum ? [Rires] J’ai dit : C’est pas mon chum, c’est le premier ministre du Nouveau-Brunswick ! Les jeunes riaient, ils ne me croyaient pas. Il a fallu que Richard sorte un papier de son portefeuille pour qu’ils le croient.
Votre spectacle le plus catastrophique
J’étais allée faire une tournée aux États-Unis et j’avais mis dans le spectacle une chanson que j’ai créée avec Clémence DesRochers qui s’appelle Le vendeur de char, qui est presque heavy métal. [Rires] Quand je suis arrivée avec ça aux États-Unis dans mon spectacle qui était sinon assez folklorique, personne n’a applaudi. C’était le silence total dans la salle. C’est comme si j’avais écrasé le monde. C’était trop heavy métal.
Extrait du Vendeur de char
Une de vos plus belles collaborations
C’est Libre [1977], l’album d’Angèle Arsenault que j’ai réalisé. Il y a cinq, six hits là-dessus. J’avais fait les arrangements, joué de quasiment tous les instruments. J’étais dans un état complètement inspiré. J’ai compris Angèle, parce que ça faisait longtemps que je la connaissais.
Votre rencontre professionnelle la plus marquante
J’ai rencontré Lise Aubut en 1973, justement parce qu’elle était l’agente d’Angèle. Elle travaillait aussi avec Barbara, Serge Reggiani. C’était la plus grande imprésario et il n’y en avait pas beaucoup à l’époque. Elle a d’abord été mon agente, mais elle est rapidement devenue mon amie. Ça fait 51 ans qu’on travaille ensemble. C’est une femme exceptionnelle.
Non seulement elle m’a fait grandir dans le métier, mais elle m’a fait grandir comme humaine. Quand je suis allée en France, tout le monde me disait : « Il ne faut surtout pas que tu parles comme tu parles, personne ne va te comprendre. » Et Lise, elle, m’a dit : « Non, il faut que tu parles ta langue. Il faut que tu sois toi-même, comme dans ta cuisine, comme dans ton salon. » Elle m’a aidée à comprendre l’univers, à comprendre la vie.
Ce que vous avez de plus acadien
Toute, toute, toute. Je charrie toujours ça avec moi. Quand je chante, ce n’est pas moi qui chante, c’est mon papa, ma maman, mes ancêtres. Quand je marche dans la forêt, je suis acadienne, quand je coupe du bois, je suis acadienne, quand je respire, je suis acadienne. C’est ma raison de vivre. Je suis la continuité d’un peuple qui a tellement été fort d’avoir survécu à toutes les difficultés.
Votre président de la République française préféré
Je n’en ai pas rencontré beaucoup, mais c’est Mitterrand que j’ai le plus aimé. Il était venu me voir au Festival de Marne et il avait aimé ma parlure. Il m’avait dit : Tu parles pareil comme ma mère. Après, quand il venait au Canada, il demandait toujours que j’aille chanter pour lui. Il m’a aussi invitée à aller manger à l’Élysée. On m’avait dit de ne pas chanter à table, mais on a fini par se chanter nos versions d’À la claire fontaine. On a eu ben du fun.
La chanson qui vous émeut le plus
C’est Un million de fois je t’aime. Un jour, j’ai trouvé une feuille sur laquelle Lise avait écrit cette phrase-là. Je suis descendue à mon piano et j’ai écrit la musique d’un seul trait. Je suis revenue voir Lise avec une cassette, sur laquelle j’avais enregistré la musique. Je lui ai dit : « Écoute ça et écris-moi le reste de la chanson. » Ça me touche tellement, parce que je suis pas mal sûre qu’elle avait écrit cette phrase-là pour moi. Je l’espère, en tout cas.
Extrait d’Un million de fois je t’aime
La phrase tirée d’une de vos chansons qui vous représente le mieux
C’est le titre de la chanson J’étions fille du vent et d’Acadie.
Le 9 novembre au Théâtre Outremont, dans le cadre de Coup de cœur francophone
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