Après avoir proposé L’Allegro, il Pensoroso ed il Moderato et Partenope de Haendel en 2022 et en 2023, William Christie et ses Arts florissants sont de retour pour la dernière de trois années de collaboration, cette fois avec le semi-opéra (inclut du théâtre parlé et/ou de la danse) The Fairy Queen de Purcell.
Quiconque aurait été déçu à chercher des têtes d’affiche parmi les huit solistes alignés samedi soir par Christie sur la scène de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay, à peu près inconnus au bataillon. C’est que le chef états-unien adopté par la France privilégie les artistes de son Jardin des voix, une académie de chant baroque pour jeunes chanteurs émergents. Émergents, mais déjà en pleine possession de leurs moyens.
On peut bien penser qu’on réentendra parler d’au moins la moitié d’entre eux. Notamment la soprano Paulina Francisco, bouleversante dans la « Plainte » du cinquième acte, ou le ténor Ilja Aksionov, raffiné et émouvant dans son intervention du deuxième acte.
Aucun des autres (les mezzo-sopranos Georgia Burashko, Rebecca Leggett et Juliette Mey, le délicat ténor Rodrigo Carreto, le baryton Hugo Herman-Wilson et le baryton-basse Benjamin Schilperoort) ne déçoit.
La qualité et l’homogénéité de l’ensemble de la proposition impressionnent. Il faut dire que le spectacle, qui vient d’être donné à la Scala de Milan et à l’Opéra royal de Versailles, est éminemment rodé.
Tellement que William Christie, placé dans le fond de la scène avec son orchestre, ne dirige peut-être que le quart de la soirée, admirant sereinement le reste du temps la beauté du spectacle dans lequel il est immergé.
Car il y a de quoi s’ébahir, en particulier avec la mise en scène et la chorégraphie du Français Mourad Merzouki. Les six danseurs accompagnant la distribution vocale en mettent plein la vue (même presque trop parfois !), habitant tout l’espace sans que la nécessité de décors ou d’éclairages élaborés ne se fasse ressentir à aucun moment.
La qualité stylistique de l’interprétation musicale, elle, est tout aussi impressionnante. Les chanteurs, dont une minorité seulement est anglophone, s’en tirent sans peine avec la langue de Shakespeare, qui n’est pas une des plus faciles à chanter avec ses nombreuses diphtongues et triphtongues. On s’étonne moins quand on apprend que c’est l’excellente chanteuse britannique Sophie Daneman qui est derrière le coaching linguistique.
Musicalement parlant, tout respire, tout est en souplesse, les chanteurs autant que les musiciens s’affranchissant de la barre de mesure, les noires et les croches devenant des unités de vie intensément vécues plus que des symboles mathématiques.
Vivaldi et Bach
Cette liberté totale n’était toutefois pas toujours au rendez-vous dans les Concertos brandebourgeois de l’Orchestre baroque de Fribourg, donnés en deux concerts, vendredi soir et dimanche après-midi. Cette dernière prestation, à laquelle nous avons assisté, en valait tout de même tout à fait la peine.
En particulier pour les trois brèves partitions de Vivaldi (concertos RV 156 et 577 et Sinfonia, RV 192) qui côtoyaient les Concertos brandebourgeois nos 1, 2 et 6, ce dernier ayant été interverti avec le no 5, joué plutôt vendredi pour des raisons de logistique (certains musiciens sont arrivés au Québec une journée en retard).
Est-ce parce que sa cheffe et violon solo Cecilia Bernardini est en partie italienne qu’il semble que l’orchestre allemand, dont la dernière présence au Festival remonte à il y a 15 ans, soit plus à l’aise chez Vivaldi que chez Bach ? Pourtant, le célèbre « Air » (dit « sur la corde de sol ») de l’Ouverture pour orchestre no 3, BWV 1068, de ce dernier, donné en rappel, s’épanouit dans la plus pure aisance.
Il y a toutefois une différence de taille entre ce morceau d’une texture simplissime et les roboratifs Brandebourgeois. C’est peut-être pour mieux cadrer cette profusion que Bernardini et ses troupes restent plus prudents que dans Vivaldi, un compositeur au contrepoint généralement moins dense que celui du Cantor de Leipzig.
Les satisfactions n’en sont pas moins nombreuses dans ce concert d’après-midi. Le bonheur, notamment, d’entendre un orchestre virtuose sur instruments d’époque. Ah ! ces enflés d’une solaire plénitude dans Vivaldi !
Si la cheffe brille dans chacun de ses solos de violon, on remarque également la sonorité charnue du hautbois solo Thomas Meraner et l’agilité de la flûtiste à bec Isabelle Lehmann. Le trompettiste Jaroslav Rouček s’en est également tiré honorablement dans son impossible partie du Concerto brandebourgeois no 2 en fa majeur, BWV 1047.
On retrouvera William Christie et sa bande ce lundi à 20 h à l’église Saint-Ambroise-de-Kildare dans des œuvres sacrées de Purcell et quelques-uns de ses contemporains.
Les frais d’hébergement pour ce reportage ont été payés par le Festival de Lanaudière, qui n’a exercé aucun droit de regard sur le contenu de cet article.
Content Source: www.lapresse.ca