Francis Degrandpré préfère la nature au béton des villes, ce qui ne l’empêchera pas de clôturer samedi dans le Vieux-Montréal la première édition du Festival Shérif. Rencontre avec la nouvelle vedette du new country, chantre de la chasse, de la pêche et de la petite froide.
La première chanson de Se laisser aller, son deuxième et plus récent album, s’intitule La saison des trophées, mais ne porte pas du tout sur ces quelques mois de l’automne durant desquels le showbiz local enfariné de paillettes – les Gémeaux, le Gala de l’ADISQ, le Gala Québec Cinéma – s’autocongratule à la télé.
« La 24 dans le coffre, le 12 dans le pick-up, six dans le chalet, pour trois jours de paix », énumère Francis Degrandpré dans cet hymne à la sérénité d’un long week-end passé en compagnie de ses « mêmes vieux chums, fidèles au rendez-vous », à chasser le canard, le chevreuil et les blues.
Il a beau avoir remporté le Félix de l’Album country de l’année en 2023, ainsi que trois statuettes Willie (dont Chanson et Auteur-compositeur de l’année) au dernier Gala country, les trophées qui lui importent le plus s’accrochent au toit d’une camionnette, davantage qu’ils ne se déposent sur le manteau d’une cheminée.
« Aussitôt que j’ai un petit off, je m’en vais dans le bois », raconte le gars de 32 ans de Berthierville, dont la cache se trouve à la pointe d’une île sur le lac Saint-Pierre. Ce dimanche, il s’y réfugiera pour une semaine. « Là-bas, on a la sainte paix. Je vais laisser mon cell dans le truck et je n’y toucherai pas une fois. »
Extrait de La saison des trophées, de Francis Degrandpré
Rien de fake
Mais d’ici là, notre homme avait à l’agenda de la présente semaine quatorze (!) entrevues ainsi que deux spectacles, dont un dans le Vieux-Montréal, ce samedi, à l’occasion de la première édition du festival Shérif.
Pompier de formation, vocation qu’il a pratiquée pendant quelques années, Francis Degrandpré tirera un trait en décembre prochain sur son boulot d’agent correctionnel, dont il a pris un congé sans solde il y a deux ans afin de se consacrer à sa nouvelle vie de chanteur new country.
Un virage aussi imprévu qu’imprévisible, qui s’est amorcé en 2020 grâce à La voix, un concours auquel il ne s’est inscrit que parce que ses indispensables chums l’en avaient convaincu. Il n’avait jusque-là comme expérience des planches que celle qui s’acquiert, assis sur une bûche autour d’un feu de camp, en gratouillant du Lapointe (pas Pierre), du Kaïn et du Cowboys Fringants.
La guitare ? Il a appris à en jouer à 13 ans, grâce à YouTube. Le country ? Il en aura fait son genre de prédilection à force d’entonner les refrains houblonnés de Luke Combs, avec qui il a en commun une inextinguible passion pour le bois et la broue. New country, dit-on, afin de surligner les fortes accointances pop de cette musique coulée dans le rock qui, de manière générale, a plus en commun avec le Bon Jovi de New Jersey qu’avec n’importe quelle mélodie de Waylon ou de Johnny.
Toujours heureux de monter sur scène, peu importe où elle se trouve, Francis Degrandpré l’avoue sans qu’on ait à lui tordre le bras (ce qui aurait été assez difficile de toute façon, compte tenu de ses biceps) : les citadins ne composent pas son public naturel. En visite à Montréal afin de rencontrer votre journaliste, il pestera (doucement) au sujet de la difficulté de garer sa camionnette au centre-ville.
Dans mes chansons, il n’y a rien de fake. Je parle des choses que j’aime et les gens qui sont comme moi se voient à travers ça. Et les gens qui sont comme moi, ce sont beaucoup des gens de région.
Francis Degrandpré
Il sourit. « On s’entend que quand je fais un show en Beauce, ça pogne. »
Une affaire de famille
Chasse, pêche et boisson sont effectivement les principales muses de Francis Degrandpré qui, dans sa chanson Récompense, évoque l’importance de ces « trois bacs de glace pour que la montagne reste bleue », et ce, même s’il agit comme ambassadeur pour la Saison libre d’Unibroue, et non pour Coors Light.
« C’est une bière légère, aux agrumes. Ça fait que sur scène, je ne me sens pas trop gonflé », confie-t-il, parce qu’il faut bien parler de l’essentiel. Écluser de la l’IPA en donnant un spectacle ? « Je l’ai fait une fois et c’est une des pires erreurs de ma vie. »
Mais à l’inverse, Francis Degrandpré n’aura jamais pris d’aussi lumineuse décision que celle de collaborer à la conception d’un nouvel être humain. La plus attendrissante chanson de Se laisser aller s’appelle La fille de ton père a été écrite alors qu’il attendait l’arrivée de la petite Billie, qui vient de célébrer ses 21 mois.
Le country, affaire de famille ? Serge et Lorraine, ses parents, le suivent presque partout en tournée, à bord de leur véhicule motorisé de 33 pieds. Vous les retrouverez la plupart du temps derrière la table de marchandises, où ils vendent t-shirts, CD et cotons ouatés.
Francis Degrandpré a donné 120 représentations de sa première tournée et a participé à 31 festivals cet été, dont celui, western, de Saint-Tite. C’était il y a deux semaines, à l’intérieur d’un aréna où s’étaient donné rendez-vous 1600 de ses chums de gars ou de filles.
« Écoute, résume-t-il, je ne te mentirai pas, l’adrénaline de la job de pompier, ça me manque un peu, des fois, mais quand tu as tout ce monde-là devant toi qui te crient tes tounes, c’est bien difficile de ne pas triper. »
Country
Se laisser aller
Francis Degrandpré
Productions Véronique Labbé
Le 21 septembre, avec Laurence Saint-Martin, au Festival Shérif
Content Source: www.lapresse.ca