Le pianiste Jean-Michel Blais présentera la semaine prochaine son album Aubades en version symphonique. Il fera aussi voyager le public à travers la musique qui l’a inspiré, un parcours instructif qui se fera en l’excellente compagnie de l’Orchestre de l’Agora et de son chef, Nicolas Ellis.
Jean-Michel Blais et Nicolas Ellis se sont connus il y a environ quatre ans. Mais quand on les rencontre ensemble à la Maison symphonique, là où auront lieu les concerts des 11 et 12 janvier, on les croirait amis d’enfance tellement ils sont complices, entre les blagues qu’ils se lancent constamment et le respect mutuel évident.
« Ça fait longtemps que je regarde ce que tu fais avec l’Agora, confie Jean-Michel Blais. J’ai un souvenir de t’avoir vu avec tes partitions dans un café où je travaillais, j’étais fasciné, tu incarnais le jeune chef qui étudiait. » « Tu me stalkais ? » Ils rigolent.
Moi, j’ai des souvenirs de vidéoclips de toi dans le Mile End. Je me disais : je vais sûrement le croiser. J’espérais te croiser.
Nicolas Ellis, au sujet de Jean-Michel Blais
Ces surprenantes confidences d’« admiration masquée » montrent à quel point ils étaient faits pour travailler ensemble. Ce qui est arrivé quand Nicolas Ellis a dirigé les musiciens qui ont joué sur Aubades, le magnifique album orchestral de Jean-Michel Blais sorti en 2021.
Ils parlent depuis plus d’un an de ce concert symphonique, qui est une occasion de se revoir et de se déposer. Jean-Michel Blais sort en effet d’une grosse année de tournée à l’international de 80 dates. « C’était intense, mais génial ! » Quant à Nicolas Ellis, qui est à 32 ans une vedette montante du milieu de la musique, il vient d’être nommé directeur artistique de l’Orchestre national de Bretagne.
« L’an prochain, j’ai des projets en Finlande, au Luxembourg, en Belgique, et aussi en France où je vais retourner régulièrement. Je suis à un moment dans ma carrière où plein de choses vont se passer. »
Fin de cycle
Ce concert symphonique marquera la fin du cycle Aubades – il sera présenté aussi en mars à Québec avec l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ), dirigé par Dina Gilbert. L’an dernier, Jean-Michel Blais avait ramené les pièces de l’album à une version simplifiée piano-voix. Elles connaîtront maintenant leur point culminant, « dans l’apogée » d’un orchestre de près de 50 musiciens. « C’était dans la nature de l’œuvre de l’amener là », dit le pianiste et compositeur de 39 ans. Mais ce n’était pas assez pour lui.
« C’est un plaisir coupable, mais on est ici avec un orchestre, ce n’est pas vrai que je vais juste contempler mes propres pièces arrangées. »
Le compositeur s’est inspiré d’une foule de morceaux du répertoire classique pour composer Aubades, il était normal d’en inclure quelques-unes et d’expliquer pourquoi. Le concert établira un parallèle entre les époques en les imbriquant entre elles.
Cette vague, appelez ça le néo-classique, elle ne sort pas de nulle part. Elle vient d’une longue et riche tradition. Ce n’est pas vrai que je me lève un matin et que je crée à partir de rien.
Jean-Michel Blais, pianiste et compositeur
Pour Nicolas Ellis, l’objectif n’est pas tant pédagogique. C’est plutôt une manière de montrer comment les compositeurs s’approprient les œuvres des autres depuis toujours, et surtout, de « rentrer dans la tête » de Jean-Michel Blais. « C’est une introspection avec les œuvres de Debussy, Satie, Rachmaninov, qui vont être en dialogue avec sa musique. C’est un voyage unique, à la saveur de Jean-Michel, qu’on va pouvoir vivre. »
Mélange des genres
Si vous voulez faire fâcher Nicolas Ellis, parlez-lui de la « démocratisation » de la musique classique. « J’haïs pour mourir ce mot, parce que j’ai de la misère à trouver une forme d’art plus démocratique. » Que ce soit la rencontre entre Fred Pellerin et l’OSM ou celle de Jean-Michel Blais avec l’Agora, la mixité est partout maintenant, rappelle-t-il.
C’est difficile de faire mieux que la musique classique dans la rencontre avec d’autres genres.
Nicolas Ellis, chef d’orchestre
Jean-Michel Blais est d’accord, mais il a constaté lors de sa tournée européenne que le milieu est plus avancé ici que là-bas. « Ils sont surpris quand je leur parle de notre concert, ou du conte de Fred Pellerin avec l’OSM, par exemple. On a une liberté plus grande, peut-être parce qu’on a moins le poids de la tradition. Pour une fois, en Amérique du Nord, on est à l’avant-garde. »
Il espère d’ailleurs que tant ses fans que les habitués de la Maison symphonique seront au rendez-vous la semaine prochaine, pour ce concert unique dont les arrangements seront signés par François Vallières. Et il apprécie l’ouverture qu’a eue, dès le départ, Nicolas Ellis. Qu’est-ce qu’il aime du travail du chef d’orchestre ? « Rien ! » Ils rient beaucoup.
« Cette complicité est importante. Avec mon passé d’intervenant, quand je regarde ce qu’il a créé avec l’Agora, son implication dans des projets sociaux, ce que je vois, c’est l’authenticité, la véracité. Nico est audacieux, fonceur, c’est une main de cuir dans un gant de fer… »
Jean-Michel Blais hésite, on lui rappelle que la bonne expression est « une main de fer dans un gant de velours ». « Ah ouin, fer, c’est un peu fort… En tout cas, il est solide, il a une douceur, et les musiciens le respectent, pas parce qu’ils ont peur, mais parce qu’il installe un climat agréable. »
Nicolas Ellis s’insurge. « Non non, ils ont peur ! » Nouvel éclat de rire. Et lui, qu’aime-t-il de la musique de Jean-Michel Blais ? « Le lyrisme. Le piano, ce n’est pas comme un violon ou un instrument à vent, où on peut soutenir le son et le faire vivre. Je trouve que Jean-Michel fait ça dans sa musique. Et d’un point de vue technique, il a un très beau son, enrobé. C’est une musique très personnelle. »
La suite
Jean-Michel Blais va se retirer en 2024 pour composer son nouvel album, qui sortira « on ne sait pas quand ». Mais il ne sait pas ce qui s’en vient dans les prochains mois, sinon qu’il s’est prévu une journée de vacances !
« On finit le cycle Aubades en grande, ça occupe l’esprit. C’est difficile d’être intense dans le présent et de se projeter. » Pour l’instant, il a hâte au concert, et même, encore plus près, aux répétitions. « C’est excitant de découvrir comment ça va sonner. Tu as beau avoir les partitions, il n’y a rien comme un vrai orchestre. »
« Tu vas pleurer », glisse Nicolas Ellis. Jean-Michel Blais ne le contredit pas. « Ça va être émouvant. »
À la Maison symphonique, les 11 et 12 janvier, 20 h
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