Il n’est jamais trop tard est le premier album de chansons originales de Thomas Dutronc depuis neuf ans. Quand on lui dit qu’après une telle attente, l’album aurait pu s’intituler « Il n’est pas trop tôt », l’auteur-compositeur-interprète français éclate de rire.
« Ah ouais, c’est vrai ! C’est pas trop tôt ! », lance Thomas Dutronc, qui nous parle de sa voiture, alors qu’il est en chemin pour visiter son célèbre paternel, Jacques Dutronc.
Extrait d’Il n’est jamais trop tard
Neuf ans ont passé, mais Thomas Dutronc n’a pas chômé depuis la sortie en 2015 de son troisième album, Éternels jusqu’à demain. Une tournée acoustique a suivi, puis en 2020 est venu Frenchy, un album de duos avec des stars internationales qui a été « long à construire ». En 2022, il est revenu avec Dutronc & Dutronc, sympathique projet d’album et de tournée avec son père. « Je n’étais pas pour lui dire d’attendre parce que j’avais un disque de chansons à faire ! »
Thomas Dutronc nous rappelle également qu’en plus d’être chanteur, il est musicien. Celui qu’on a découvert en 2007 avec l’album Comme un manouche sans guitare aime accompagner d’autres chanteurs sur scène – Philippe Katerine, Manu Katché –, et joue même dans un groupe de jazz.
Je ne veux pas perdre cette casquette de guitariste. C’est ma façon de travailler la guitare, de rester à flot dans le milieu du jazz manouche.
Thomas Dutronc
C’est clair, son amour pour Django Reinhardt et ses héritiers est toujours bien vivant. « C’est vraiment une passion profonde. » Le musicien se produit régulièrement avec des virtuoses comme Rocky Gresset et Stochelo Rosenberg — ce dernier joue d’ailleurs sur trois pièces de l’album. Mais ce qu’il préfère de ces talentueux guitaristes, c’est justement… qu’ils peuvent tout jouer, autant « du swing à 320 à l’heure » qu’une intro à la Mark Knopfler.
Extrait des P’tits bonheurs
Le tout dans la bonne humeur et « sans souci », avec un côté artisanal qu’il aime bien. « C’est un peu comme ça aussi qu’on a bâti l’album, en binôme avec mon vieux copain David Chiron. On a pris le temps de bien travailler et de satisfaire à ma grande exigence, dont j’ai hérité, je pense, du côté maternel. »
Sa maman, l’icône française Françoise Hardy morte plus tôt cette année, on la sent dans cet album plein de mélancolie qui sait s’attarder aux jolies choses de la vie. Tout comme on reconnaît son papa dans un amour certain pour les jeux de mots, comme dans Katmandou.
« Ça vient aussi des jazzmen, ça, ils sont obsédés par les jeux de mots, à cause du son des mots. Mais évidemment qu’il y a un côté Dutronc que je revendique complètement sur cette chanson qui est rigolote. »
Thomas Dutronc a beau vénérer Hendrix et Brassens, ses deux parents ont « évidemment » une place particulière dans son panthéon personnel. « Mais je n’ai jamais cherché à copier. Je cherche à faire ressentir des émotions aux auditeurs, et j’écris forcément sur ce que j’ai vécu ces dernières années. »
Progrès
Il n’est jamais trop tard n’est pas un disque à la mode : en fait, il y a quelque chose de très intemporel dans les 11 jolies chansons qui y figurent. On sent que le commentaire fait un peu sourire Thomas Dutronc, mais surtout, que ça lui fait bien plaisir.
J’ai envie d’être de mon temps, mais quand j’ai essayé quelques effets sur mon troisième album, ce n’était pas tellement beau. Et puis, on s’en fout, des modes ! On travaille avec notre cœur, on cherche l’émotion, le sourire, la petite larme, le bonheur. Je ne cherche pas à calculer ce qui plaît.
Thomas Dutronc
Lui-même a passé l’été à écouter du Chet Baker, préfère l’album rétro de Bruno Mars et Anderson .Paak à la majorité des productions françaises, sur lesquelles règnent les machines électroniques, même sur scène. Il a lui-même choisi d’aller à contre-courant et partira en tournée avec huit musiciens.
« On ne va pas faire des solos de jazz chiants, mais il y aura des échanges, des prises de risque. De la vie, quoi. »
L’auteur-compositeur-interprète estime qu’il a monté la barre haut avec ce nouvel album. « J’ai fait des progrès en chant, en écriture, comme parolier, pour les arrangements… », dit Thomas Dutronc, qui croit qu’une bonne chanson rend « riche intérieurement », surtout si on fait son travail avec humilité et persévérance. Et il est fier du résultat.
« On a réuni de la fraîcheur et de la profondeur, sans que ce soit trop typé swing manouche. Chaque chanson a quelque chose, mais je crois qu’une des forces de l’album, ce sont les mélodies. » Jamais, dit-il, il ne pourrait chanter des choses « mélodiquement trop faibles ».
Extrait de Larguez les amours
« Parfois, ce qu’on entend dans les tops, on sent que l’amour de la mélodie, tout le monde ne l’a pas autant que moi. Après, on peut faire de belles mélodies et tout le monde s’en fout ! Mais en tout cas, il y a de belles mélodies. »
Il rit. Justement, que souhaite-t-il à cet album ? « J’espère qu’il va marcher, qu’il y aura un peu de bouche à oreille. J’aimerais qu’il cartonne comme le premier, ça me ferait plaisir. J’ai passé une étape sur ce disque, alors j’aimerais la passer avec le grand public aussi. C’est mérité, je trouve. »
Le trajet en voiture se termine en même temps que l’entretien. « Voilà, c’est la maison familiale », nous dit Thomas Dutronc, qui tourne son téléphone pour nous montrer les lieux. Aurons-nous la chance de le voir en spectacle au Québec ? « On n’en a pas parlé encore. On attend de voir ce qui se passera avec le disque. C’est vrai que ça fait trop longtemps : j’étais venu pour le premier aux Francos, et je ne suis jamais revenu. Mon rêve, ce serait de venir à l’automne, pour voir les jolies feuilles, et prendre le temps d’aller en forêt. » Une bien bonne idée.
Chanson
Il n’est jamais trop tard
Thomas Dutronc
Universal
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