Le spectacle de lancement du producteur montréalais Apashe, au lendemain de la sortie de son second album, a été un triomphe. La Presse a passé l’après-midi au MTelus pour assister à la longue préparation de ce concert d’envergure.
Dans le MTelus bondé, la sueur perle sur le front des spectateurs qui dansent et sautent au rythme impétueux de la musique. L’ambiance est survoltée, l’air est électrique, les murs et le plancher vibrent sous le poids des basses. Sur scène, ce samedi soir-là : le producteur Apashe. Entouré d’un orchestre de cuivres, le Québécois d’origine belge alterne entre ses compositions et quelques séquences de DJ set où il fait jouer des airs populaires arrangés à sa manière.
Près de deux heures durant, jusqu’à presque minuit, l’extase ne se dissipe jamais. Nous avions rarement vu cette salle à ce point remplie de cette énergie euphorique. « Je ne réalise pas vraiment tout ce qui m’arrive, je ne réalise pas la chance que j’ai, nous a confié Apashe, quelques instants avant de monter sur scène. Je n’ai pas encore très bien défini le sentiment en moi. Tout ce que je sais, c’est que c’est incroyable. »
Apashe (John de Buck, de son vrai nom) a fait paraître le vendredi précédent son deuxième album, Antagonist, un objet de tous les possibles qui ne sonne comme rien d’autre, entre la musique classique, la pop et l’électro. Le lendemain, l’album a pris vie au MTelus de la plus belle des manières.
1/5
Rien n’est laissé au hasard… ou presque. Apashe nous explique qu’il aime garder dans sa performance une touche d’improvisation, pour y aller selon l’humeur, la sienne et celle de la foule. Pour un spectacle où il est entouré de musiciens, il est impératif que son apport à la performance soit bien préparé d’avance et millimétré.
Ça dépend toujours du contexte du show, mais pour celui-ci, vu qu’on est en hybride, je fais jouer plein de petites séquences que j’assemble.
Apashe
Ainsi, ses stems (soit les éléments séparés qui forment une production) sont tous découpés d’avance et il peut ensuite « envoyer les différentes séquences » pendant la performance. La préparation est l’élément le plus important. « Il faut s’arrimer aux musiciens, mais aussi à la lumière et aux vidéos. » S’il lui arrive de donner des performances où il joue avec les pièces pour créer un moment chaque fois unique, la marge de manœuvre est moins grande ici. « Je ne peux pas changer la production en live comme je le fais parfois, explique-t-il. Mais je me garde du jeu, je peux jouer une track ou une autre selon le moment, avec la même structure, pour amener une légère variation. Eux peuvent jouer la même chose, mais moi, je peux y trouver un petit plaisir, vu que tout le reste est pas mal figé. »
L’album Antagonist est percutant et lourd. Il fait vibrer les tympans et danser sans retenue. Celui qui a accumulé plus d’un milliard d’écoutes sur les plateformes de musique en continu sort un disque qui a déjà une dizaine de millions d’écoutes sur Spotify en quelques jours seulement, sur lequel collaborent notamment Busta Rhymes, le pianiste Sofiane Pamart, le Montréalais Geoffroy, EarthGang (sur une pièce coproduite par High Klassified), Rhita Nattah, Wasiu et LIA.
J’aime créer des univers avec les vocalistes. Je travaille avec des gens qui me sont un peu complémentaires, qui offrent quelque chose que je ne pourrais jamais offrir. Je veux mettre leur registre en valeur et qu’on puisse joindre nos forces, pas juste qu’ils mettent leurs voix sur les productions. C’est ce qui m’inspire.
Apashe
1/4
Les influences classiques, toujours aussi fortes dans son œuvre, sont rendues par les orchestres philharmonique de Prague et symphonique bulgare. Et si l’écoute du disque nous ravit, rien ne vaut d’entendre ces pièces en concert…
Extrait de Renaissance Live
Samedi soir, 22 h. Le contraste entre le froid à l’extérieur et la chaleur intense entre les murs du MTelus est frappant. Le public est réchauffé. On y est enfin, après tous ces préparatifs : le spectacle commence. Après les premières parties assurées par YMIR et Wasiu, le moment que tous attendaient survient. Ça s’entend, la foule est en liesse dès les premiers instants.
Du haut de sa plateforme, Apashe exsude toujours la force tranquille que l’on a perçue en lui plus tôt dans la journée. Mais le producteur est aussi pris d’une énergie folle qui se rend jusqu’à la foule et que le public lui renvoie. Les envolées musicales donnent des décharges électriques au public, qui se déchaîne à chaque drop.
Avant le spectacle, alors qu’il cherchait à décrire toutes les émotions qui l’habitent, John nous avait dit qu’il s’attendait à réaliser ce qui lui est arrivé quelques jours seulement après le spectacle. « Avoir des milliers de personnes devant toi en show, ce n’est pas normal, ce n’est pas la réalité, dit-il. C’est comme être sur nuage, dans un rêve. Je le vis et je vais comprendre plus tard. »