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Taylor Swift, l’irrésistible ascension d’une country girl qui vaut de l’or

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PORTRAIT – Longtemps petite fille sage, la chanteuse a été désignée personnalité de l’année par Time. Instinctive, persévérante et proche de ses fans, comment l’Américaine de 34 ans a-t-elle construit sa carrière, pas à pas.

«J’ai l’impression que c’est le moment décisif de ma carrière, à 33 ans. Et pour la première fois de ma vie, je suis assez solide mentalement pour accepter ce qui vient avec». Taylor Swift a été désignée ce mercredi 6 décembre personnalité de l’année 2023 par le Time magazine . Un joli cadeau alors qu’elle vient de fêter ses 34 ans le 13 décembre. D’autant qu’elle est la première artiste à recevoir ce titre prestigieux.

Taylor Swift est bien plus qu’une artiste pop aux mélodies sucrées et aux chorégraphies léchées. C’est une redoutable guerrière qui collectionne les records. Elle assure jusqu’en 2024 une tournée gigantesque des stades : 146 concerts, traversant 20 pays avec en moyenne 52.000 spectateurs! Le show monumental dure 3 heures chaque soir. Le tout à guichets fermés. La tournée a battu le record du plus grand nombre de billets de concert vendus par un artiste dans le monde en une seule journée, soit 2,4 millions.

Elle s’est retrouvée en octobre star de cinéma avec Taylor Swift, The Eras Tour , la captation de ses concerts donnés en août à Los Angeles. Et star du box-office américain, générant plus de 130 millions de dollars de recettes. L’artiste aux 50 millions de disques vendus, détient le record féminin du plus grand nombre de disques classés numéro 1 des ventes.

En tant que pop star, elle est placée par les médias américains dans la même catégorie que Madonna, Elvis Presley ou Michael Jackson. En tant qu’auteure-compositrice, elle a été comparée à Bob Dylan, Paul McCartney et Joni Mitchell. La chanteuse américaine a fait trembler la terre lors d’un de ses concerts à Seattle (des vibrations de magnitude 2,3 sur l’échelle de Richter ont été mesurées) et a boosté la croissance américaine selon les propres mots de la Fed. Son aura est telle que cette féministe pro-LGBT et anti-Trump a poussé toute une jeune génération de fans à s’inscrire sur les listes électorales et à voter. À l’approche de la présidentielle américaine, les démocrates espèrent la voir soutenir le président actuel Joe Biden pour qui elle a voté en 2020. Même si ce dernier l’a récemment confondue avec Britney Spears.

Alors, comment cette jeune femme à la simplicité revendiquée a-t-elle conquis les foules pour devenir la patronne de la pop? Rien n’est dû au hasard. Taylor Swift, c’est un storytelling ficelé à la perfection. Celui d’une blondinette, catholique, originaire de Pennsylvanie, qui rêve de devenir une icône de country à la Dolly Parton. À 11 ans, cette fille d’un banquier de Merrill Lynch, qui déménagea sa famille à Nashville pour que Taylor puisse faire carrière, écrit ses premières bluettes et chante The Star-Spangled Banner avant un match des Philadelphia Sixers en 2002. Elle devient la plus jeune artiste signée par le label Sony/ATV Tree qu’elle quitte à 14 ans pour Big Machine. À ses yeux, Sony ne lui propose pas assez d’opportunité. Ce changement de maison de disques la met en piste. Mais se révélera être 15 ans plus tard un vrai cauchemar.

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Son premier album country Taylor Swift (2006) sort alors qu’elle n’a pas encore 17 ans. La star Kenny Chesney la veut pour assurer ses premières parties. Tout tombe à l’eau, au dernier moment, lorsqu’une marque de bière devient le sponsor de la tournée du musicien. Taylor est mineure et ne peut pas jouer pour une marque d’alcool. Mais mentor généreux, Chesney lui fait un chèque conséquent pour qu’elle puisse payer ses collaborateurs et continuer de composer. Dès le départ, l’adolescente surprend par sa facilité d’écriture, sa capacité à coucher en rimes et en rythmes le moindre détail de son quotidien.

L’Amérique conservatrice se reconnaît immédiatement dans cette gentille fille aux santiags qui tranche avec les starlettes sexualisées et provocatrices des années 2010, comme Britney Spears ou Lady Gaga. Une décennie durant, Swift et ses producteurs joueront de cette image de gamine sage et fragile qui lui ouvre un créneau peu exploité dans le paysage musical. «J’avais besoin d’être considéré comme quelqu’un de bien», témoigne-t-elle en 2020 dans le documentaire Miss Americana.

Après des disques country à succès (Fearless, Speak Now), la carrière de Swift amorce un virage pop avec Red (2012) et décolle avec 1989 (2014), qui s’écoule à plus de 12 millions d’exemplaires et dans lequel elle se moque de sa réputation de briseuse de cœurs. Cette versatilité deviendra sa marque de fabrique. Elle parle de ce qui la tracasse pour connecter avec les autres. À chaque disque, son genre. «Son tube planétaire Shake It Off la propulse sur la scène internationale et l’installe durablement dans la pop musique», estime Morgane Giuliani, journaliste et auteure de Féminismes et musiques, la pop de Madonna à nos jours. L’album a permis à la star de nouer une nouvelle relation de proximité avec ses fans, notamment par ses paroles à la fois intimes et universelles. Sur scène, la jeune femme ne se prend pas au sérieux: elle fait des clins d’œil et des mimiques drôles dont raffolent ses fans.

Mais ce succès a aussi un prix. En grimpant dans les charts, la jeune femme devient un objet de fascination pour les tabloïds qui scrutent ses amourettes, souvent éphémères. Avec d’autant plus de délectation que Taylor Swift compose des chansons à clef où elle revient sur ses chagrins d’amour et en profite parfois pour régler ses comptes avec des soupirants indélicats. Joe Jonas, qui l’a quitté au terme d’une conversation de 25 secondes, inspirera Mr. Perfectly Fine. Harry Styles le tutélaire Style, les goujats John Mayer et Jake Gyllenhaal Dear John et le déchirant All Too Well, respectivement. La pression médiatique et des paparazzis est énorme pour Taylor Swift que ses détracteurs accusent d’être une midinette transformant son journal intime en chansons. Tous refusent de la prendre au sérieux.

En France, pourtant, Taylor Swift ne convainc pas vraiment. Lors de son premier Zénith à Paris en 2011, la salle était loin d’être comble. Quand elle présente Shake it Off sur le plateau de C à Vous en 2014, les chroniqueurs restent impassibles. «Le public français préfère les pop stars plus sexy comme Beyoncé ou Gaga, qui ne renvoient pas le cliché de l’Amérique puritaine et conservatrice comme le fait Taylor Swift», analyse Morgane Giuliani.

Qu’importe. Taylor Swift poursuit son ascension aux États-Unis. La chanteuse s’essaye à l’indifolk – mélange de rock et de folk – avec les albums miroirs Folklore (2020) et Evermore (2020) qu’elle sort par surprise à cinq mois d’intervalle. Cette collaboration avec le très respecté groupe de rock américain The National, touche un public plus large. Composés avec soin et l’idée maniaque de raconter à chaque fois une nouvelle facette de sa vie, les albums s’enchaînent : ils décrivent successivement une ado fleur bleue, une lycéenne amoureuse, une selfmade woman. Les jeunes filles s’identifient et grandissent avec elle, les années passant. «Mon truc à moi, c’est le storytelling, sans ça je n’en serai pas là aujourd’hui», revendique-t-elle sans fard.

Autrice-compositrice-interprète

Taylor Swift entend notamment faire la différence en écrivant et composant ses chansons d’amour, aux accents toujours très romantiques. Elle dissémine dans ses textes des anecdotes sur sa vie personnelle que les fans prennent plaisir à déchiffrer, comme l’on partage un secret. «Son titre All Too Well raconte la descente aux enfers d’une histoire d’amour tumultueuse qu’elle a peut-être vécu avec Jake Gyllenhaal », écrit Morgane Giuliani dans Féminismes et musiques, la pop de Madonna à nos jours.

Le phénomène a pris une telle ampleur que les paroles de ses chansons, qui filent les métaphores littéraires comme Wonderland – hommage à Lewis Carrol et son pays des Merveilles -, sont étudiées dans des universités du monde entier. «Emmène-moi vers les lacs où tous les poètes sont venus mourir/Je ne trouve ma place nulle part et, mon amour, toi non plus/Ces sommets autour de Windermere semblent être l’endroit idéal pour pleurer», écrit-elle dans The Lakes.

L’université de Gand, en Belgique, propose un séminaire de 70 heures sur la littérature anglaise «vu à travers le prisme de Taylor Swift». Celle de Melbourne a annoncé un symposium de quatre jours sur le phénomène Taylor Swift en février 2024, pour étudier l’impact de la star sur la culture, la question du genre, la littérature, l’économie et l’industrie musicale. Elle a obtenu en mai 2022 un doctorat honorifique de l’Université de New York. Joli pied de nez pour celle qui a vite interrompu ses études, embarquée dans une tournée des stations de radio quand elle était encore adolescente. «Je n’ai jamais eu l’occasion de vivre une expérience universitaire normale. Je suis allée dans un lycée public jusqu’en seconde, puis j’ai terminé ma scolarité avec des cours à distance que je travaillais dans les aéroports», témoigne-t-elle.

Une star des réseaux, simple et accessible

La chanteuse est restée fidèle à ses producteurs historiques comme Jack Antonoff. Affiche une loyauté sans borne à ses amies stars Emma Stone, Selena Gomez, jusqu’à l’ex de Joe Jonas Sophie Turner. Elle cultive avec soin son image d’artiste simple et accessible. La chanteuse aux 12 Grammy Awards reste la «bonne copine» que l’on prend plaisir à retrouver album après album. Une fille «normale» malgré ses 470 millions d’abonnés cumulés sur les différents réseaux sociaux. Elle y partage «contenus exclusifs», «aperçus de son quotidien» et des coulisses de scène. Ses chats y figurent en bonne place.

Elle invite chez elle les Swifties – nom donné à ses fans – pour des sessions d’écoute, commente leurs publications sur les réseaux sociaux, vient à leur rencontre dans des conventions, porte les bracelets qu’ils lui fabriquent. «On en oublierait presque qu’elle est milliardaire et qu’elle mène une vie luxueuse de pop star», rappelle Morgane Giuliani. Elle finance les frais d’inscription de scolarité de certains fans, offre des primes de 100.000 dollars à ses employés, réserve des suites de luxe pour ses équipes techniques.

Taylor Swift s’est construite en maîtrisant totalement sa communication via les réseaux sociaux et en n’accordant que peu de place à la presse, qui couvre pourtant avec assiduité chacun de ses mouvements. USA Today et The Tennessean disposent même depuis septembre d’un reporter chargé exclusivement de couvrir l’actualité de la chanteuse.

Taylor Swift et ses fans lors des MTV Video Music Awards en 2019. DIA DIPASUPIL / Getty Images via AFP

Combattante

Au fil des années, elle a su défendre ses intérêts, soutenant avec pugnacité les droits des artistes. En 2015, Apple Music annonce ne pas rémunérer les artistes pendant les premiers mois d’essai? Elle rédige une lettre ouverte et fait plier la firme. Sans rancune, elle a été désignée artiste de l’année 2023 par Apple Music.

Il n’est cependant de bon storytelling sans descente aux enfers. En 2017, avec Reputation, elle casse son image de gamine sage avec des titres flirtant avec le rap et règle publiquement ses comptes avec Kanye West, le rappeur aux mille polémiques. Depuis longtemps déjà, les deux se cherchent. En 2009, à la soirée des MTV Video Music Awards, West était monté sur scène pour expliquer que Swift ne méritait pas le prix du meilleur clip. Dans Famous, sorti en 2016, il chante «J’ai rendu cette garce célèbre». L’épouse de Kayne West; Kim Kardashian, mettra en ligne un enregistrement illicite et tronqué d’une conversation entre les deux musiciens suggérant que Swift est une menteuse. Leurs échanges venimeux défrayent la chronique. Dans le long portrait que lui consacre ce mois-ci le Time, Taylor Swift confiera avoir touché le fond après le scandale. Elle quitte les États-Unis, s’installe à l’étranger, vit recluse pendant un an dans une maison de location. «Je me suis sentie annulée, annihilée, lapidée par cette querelle, glissant au bord de la folie, ma carrière tuée».

Un second coup de semonce survient en 2019 quand le catalogue de son premier label Big Machine est vendu au controversé producteur Scooter Braun. Elle perd les droits d’exploitation de ses chansons. «Tout le monde mérite d’être seul propriétaire de ses créations artistiques», martèle-t-elle. Pour se réapproprier ses morceaux, elle réenregistre, sur une suggestion de la pop star Kelly Clarkson, un par un ses albums, les assortissant au passage de titres inédits non retenus lors des sorties originelles. Les arrangements sont légèrement modifiés, la voix plus maîtrisée et endurante de Taylor bonifie de nombreux titres. Les fans sont aux anges. Une nouvelle génération de mélomanes la découvre.

Ces «nouvelles versions» se classent en haut de vente, relançant même les versions Big Machine. Fearless, Speak Now, Red, 1989 connaissent une nouvelle jeunesse. Ce voyage dans sa discographie inspire à Taylor Swift son concept de The Eras Tour, qui reprend les tubes de chaque période. Les afficionados attendent désormais avec impatience une annonce concernant la réinterprétation de l’iconique Reputation. Ce travail d’auto-reprise a poussé les maisons de disques à durcir leurs contrats pour éviter que leurs artistes phare fassent de même et grignotent sur leurs profits en se réappropriant leurs masters.

Enfin adoptée par la France

Taylor Swift, qui apparaît sur de nombreuses bandes originales (Hunger Games, Là où chantent les écrevisses), s’essaye aussi au cinéma. Avec des résultats mitigés. On l’entraperçoit dans la désastreuse comédie musicale Cats et dans le drame vilipendé par la critique Amsterdam de David O’Russell.

Malgré ces revers, le succès musical ne se dément pas. Dans le sillage de Lover (2019), traversé par son idylle avec la vedette de Stars At Noon Joe Alwyn, son dernier disque Midnights (2022), récit de ses insomnies et de la désintégration de sa relation avec le comédien anglais, renoue avec une pop malicieuse et électro. Plus sûre d’elle-même, moins cœur d’artichaud, celle qui a longtemps protégé sa vie privée, s’affiche désormais aux matchs de football américain de son compagnon Travis Kelce.

Une maturité et un apaisement qui lui permettent d’élargir encore son public, ainsi en France. Pour la première fois, son dernier disque Midnights s’est hissé en tête du top albums hexagonal à sa sortie en octobre 2022. La star a prévu 6 dates dans l’Hexagone en 2024, à Paris La Défense Arena les 9, 10, 11 et 12 mai 2024 et les 2 et 3 juin à Lyon. En 2024, ses fans français seront aux anges.

Content Source: www.lefigaro.fr

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