À Genève, dans les allées du salon Watches and Wonders, les collections féminines, entre mode et métiers d’art, assument le plaisir de l’élégance.
La tendance se confirme clairement au fil des stands du salon genevois : les grands noms de l’horlogerie ne restent pas obnubilés par leurs prouesses techniques et savent également déployer des trésors de style et de créativité pour s’inviter au poignet d’amatrices de plus en plus nombreuses. L’exercice n’est pas si simple car ces dernières s’avèrent animées par des aspirations très hétéroclites. Les manufactures jouent donc sciemment sur des registres différents. L’époque où un trait de brillants sertis sur une lunette faisait basculer une pièce classique dans la catégorie des féminines est manifestement révolue. D’autant plus que, sous certaines latitudes, les modèles sertis changent facilement de genre.
Dans le cas de la spectaculaire Impériale de Chopard, c’est la figure tutélaire de Marie-Antoinette qui apparaît en filigrane du cadran en marqueterie de nacre et d’émail, incluant des saphirs padparadscha et des fleurs de nacre rose, se présentant dans un boîtier en or rose éthique serti de diamants. En effet, le motif reprend un élément de décor exécuté pour la reine de France dans l’une de ses villégiatures, la Chaumière aux coquillages à Rambouillet. Cette connaisseuse avant l’heure de belles mécaniques horlogères aurait sans doute été sensible à la présence du mouvement automatique Chopard 96.17-C bénéficiant de la technologie Chopard Twin à double barillet qui lui confère une autonomie généreuse avec 65 heures de réserve de marche. Soucieuse de répondre à l’aspiration actuelle de clientes de plus en plus désireuses de pouvoir compter sur des mouvements mécaniques, la manufacture familiale et indépendante multiplie le recours au remontage automatique dans la plupart de ses pièces féminines, comme le prouve aussi la nouvelle Happy Sport au boîtier en acier Lucent Steel de 33 mm équipée du calibre Chopard 09.01-C.
Van Cleef & Arpels fait aussi ce choix pour sa montre Lady Arpels Jour Nuit dont le mouvement est doté d’un module à disque rotatif 24 heures spécifique permettant de faire évoluer le décor du cadran sur un cycle d’une journée. « Nous avions lancé ces modèles en 2008 au sein de nos complications poétiques, explique Nicolas Bos, président de la maison. Il s’agit vraiment d’une complication très traditionnelle, mais nous sortons cette indication habituellement cantonnée à un petit guichet à 6 ou 9 heures pour raconter l’histoire sur l’intégralité du cadran. Au fil de la journée, le soleil en saphir jaune va se coucher et une nuée d’étoiles se développe. C’est une pièce que nous avons retravaillée avec un mouvement automatique et un fond ouvert. Nous avons aussi pu la proposer dans une boîte plus petite de 33 mm, avec un soleil en or guilloché. » Cette animation poétique trouve pour toile de fond un cadran précieux, en verre aventurine réalisé par des artisans de Murano, paré d’éléments en or blanc, or jaune, diamants et saphirs jaunes, et dominé par une coiffe en nacre blanche à l’effet guilloché évocatrice de la ligne d’horizon. Le propos est soutenu avec brio par une performance technique, qui touche à la fois la mécanique du mouvement mais aussi la réalisation virtuose des artisans d’art. « Cette année, nous voulions tout particulièrement mettre l’accent sur les savoir-faire et les techniques que nous utilisons à la création des cadrans, poursuit Nicolas Bos. Nous travaillons ces métiers d’art, notamment toutes les variations autour de l’émail, un peu comme certaines manufactures travaillent les mouvements. Pour nous, il ne s’agit pas d’un élément accessoire. C’est au contraire central. Quand nous avons redéveloppé nos collections de montres joaillières, nous sommes allés au-delà de cette tradition de bijoux qui donnent l’heure. Avec nos complications poétiques, l’idée est d’avoir des mouvements qui racontent des histoires, avec un travail sur les cadrans dépassant le simple décor. »
Avec légèreté et malice, Chanel invite régulièrement l’univers de la mode dans son vocabulaire horloger. Tweeds ou chaînes savent se glisser habilement dans les inspirations des pièces créées sous la direction d’Arnaud Chastaingt. Comment ne pas remarquer cette saison, dans une collection soutenue par le thème narratif intitulé Couture O’Clock, la ravissante petite montre Première dont le bracelet en chaîne galonné de cuir noir, comme celle des sacs à porter à l’épaule, s’agrémente d’espiègles pendentifs porte-bonheur en acier plaqué or et en laque noire, en forme de dé à coudre, de bobine de fil, d’épingle de sûreté ou d’un mannequin d’atelier, sous la supervision d’une Gabrielle Chanel dont le portrait est traité à la manière d’un émoticone ? Un principe d’ailleurs inspiré par Karl Lagerfeld, ayant lui-même emprunté ces pampilles à Gabrielle Chanel, qui les adorait. Et soudain, un vent très rafraîchissant, très 1980, semble souffler sur les poignets… « La marque a débuté dans l’horlogerie en 1987, rappelle Arnaud Chastaingt, directeur du studio de création horloger depuis déjà une décennie. Nous avons toujours assumé le fait d’être une maison de couture, et je suis très fier de cette horlogerie de style et d’excellence. » Aux côtés des pièces de haute horlogerie, de sautoirs d’exception et d’une horloge musicale unique, la nouvelle collection Capsule (déclinaisons de J12, de Boy.Friend, de Première, de Mademoiselle Privée…) s’inspire résolument des ateliers de la rue Cambon. « Les histoires transversales font partie de notre ADN. Nous dévoilons cette année une collection de vingt créations qui racontent les différentes facettes de l’horlogerie Chanel : mouvements à complication, haute joaillerie horlogère… C’était par exemple assez drôle de jouer sur la notion de “mesure du temps”, avec la Première Ruban Couture. »
Chez Hermès, cette année, l’air du temps est aux antipodes de la très masculine ligne H08. Le sellier du Faubourg joue la surprise et coupe court au temps, ou du moins au boîtier, avec une toute nouvelle collection féminine, baptisée Cut, dotée pour la première fois d’un mouvement manufacture, le calibre H1912, à découvrir au travers du fond saphir. Fidèle à son vocabulaire de la géométrie, la maison a ici fait d’une forme simple, le cercle, un design complexe, en taillant légèrement les lignes rondes de la montre à 3, 6, 9 et 12 heures. Résultat : sa quasi-rondeur contraste d’autant plus avec le cercle très précis de la lunette biseauté. À cela s’ajoute le travail de finition, entre poli et satiné, tandis que la couronne se démarque en étant placée à 1 h 30. Ici, pas de date, pour ne pas venir perturber la typographie sur mesure du cadran. L’idée – très Hermès – consiste en effet à épurer les lignes afin de ne garder que l’essentiel, de tendre vers des formes simples, telles les sculptures de Brancusi. D’un diamètre de 36 mm, la nouvelle Cut à l’esprit urbain et sportif est étanche à 100 mètres. « Nous avons également joué sur l’interchangeabilité, précise Laurent Dordet, directeur général Hermès Horlogerie. Ses bracelets sont très faciles à changer.» En acier comme en combinaison bicolore acier et or rose, très réussie, elle se décline ainsi en huit couleurs de bracelet caoutchouc (blanc, orange, gris perle, gris étain, glycine, vert criquet, bleu jean et capucine, à partir de 5 400 €) et bracelet métal.
Dans un autre registre, Hublot repense les proportions de sa montre emblématique, la Classic Fusion Original. Le diamètre des boîtiers est ramené à un sage 29 mm, qu’ils soient en titane ou en King Gold, cet alliage d’or spécifique à la marque. Avec pas moins de 22 déclinaisons avec ou sans diamants autour de cadrans allant du vert au bleu en passant par le noir et le gris, la manufacture de Nyon fait le rêve d’une femme qui n’est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre…
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