DES MONTRES ET DES STARS (2/5) – Chez les «Royals», les garde-temps se transmettent de reines en princesses pour pérenniser la couronne. Signes de contrôle ou de loyauté pour les unes, d’émancipation pour les autres, hautement symboliques pour toutes.
Il y a de l’eau dans le gaz entre Charles et Diana ! Les amateurs d’horlogerie l’ont deviné bien avant les tabloïds. Depuis son retour d’Inde en février 1992, où elle a posé seule et triste devant le Taj Mahal pour les clichés du Daily Mirror, la princesse ne porte plus sa Patek Philippe. Pourtant, les Anglais savent ô combien elle était attachée à sa Calatrava 3618 en or, gravée et offerte par son mari à l’occasion de ses 21 ans, alors qu’elle allait devenir mère pour la première fois. Au point de n’avoir jamais adopté la Vacheron Constantin, cadeau d’État serti de diamants de la reine. Et encore moins le modèle Asprey offert par la famille royale saoudienne pour leur mariage en 1981, dont elle a fait remonter les saphirs assortis à sa bague de fiançailles en ras-du-cou sur un ruban de velours.
Elle qui ne quittait plus son fétiche, semble désormais lui faire des infidélités… avec une Cartier ! « Une Tank sur bracelet en alligator noir qui surgit au début des années 1990 et dont on n’a jamais vraiment su la provenance, pensant un temps qu’elle lui venait de son père, le comte Edward John Spencer, raconte Katia Alibert, rédactrice en chef adjointe de Gala, spécialiste du gotha et auteur du livre Lady Diana, une princesse en héritage (Éditions First). C’est une sorte de “Revenge Watch”, pendant horloger de la fameuse “Revenge Dress”, (robe de la revanche – trop sexy pour le protocole – qu’elle porte en 1994 après que l’adultère de Charles a été officialisé, NDLR). Ce grand classique de l’horlogerie correspond à son esprit d’indépendance naissant. Un bijou loin du style de sa Patek Philippe assortie à la Calatrava de son prince, qu’elle gardait en duo au poignet lors de ses matchs de polo pour lui porter chance. » Lady Di l’a bien compris, c’est par le biais de son image, c’est-à-dire en jouant avec ses vêtements, sa coupe de cheveux et ses bijoux qu’elle clamera son émancipation.
Elle ajoute ainsi à sa collection, une nouvelle Tank, Française, en or jaune, clinquante et plus moderne, dans l’esprit de la Santos d’une autre figure familiale peu conventionnelle, la sœur d’Elizabeth II, Margaret. « Malgré ce qu’a voulu relater la série de Netflix The Crown, ce modèle dans l’air du temps ne lui a pas été offert par son amant Dodi al-Fayed, reprend Katia Alibert. À sa mort tragique, puisque rien n’avait encore été écrit sur testament, le partage de ses bijoux se fait entre ses fils : William hérite de cette Tank et Harry choisit sa bague de fiançailles. Plus tard, lorsque l’aîné se fiancera, ils échangeront leurs biens d’un commun accord. La Tank en or est aujourd’hui au poignet de Meghan. Ce qui est un symbole fort quand on sait que les deux princesses ont toutes les deux désiré quitter la “Firme” et regagner leur liberté. » Avec son salaire d’actrice de la série Suits, Meghan s’était déjà offert une Tank bicolore, gravée au dos d’un «To M. M. From M. M.» (« Pour Meghan Markle de Meghan Markle ») pour célébrer son indépendance. Elle confesse même alors aux médias espérer la transmettre à sa fille si elle en a une un jour…
Chez nos futurs roi et reine, l’horlogerie touche au sentimental et au pathos : William ne cesse d’ailleurs de rendre hommage à sa mère regrettée à travers les parures de son épouse
Katia Alibert, rédactrice en chef adjointe de «Gala»
Pour les Windsor plus qu’aucune autre famille, un bijou sert à pérenniser la monarchie. Traditionnellement offerte aux 21 ans, la montre, hautement symbolique, s’accroche au poignet comme un apparat. La plus noble et emblématique est évidemment la 101 de Jaeger-LeCoultre, un trésor d’horlogerie offert par Charles de Gaulle à la reine Elizabeth, pour son couronnement le 2 juin 1953. Elle sera rééditée soixante ans après, pour son Jubilé de diamant. « C’est le plus petit calibre du monde, reprend la spécialiste. De forme baguette, il pèse tout juste un gramme mais on ne voit que ça, avec ses 110 diamants. Associée à sa couronne, elle avait tout pour imposer le respect et asseoir son statut de monarque, malgré son très jeune âge, 25 ans. Ce jour-là, cette Jaeger signifiait qu’Elizabeth maîtrisait son agenda, le temps – et était même au-dessus puisque rappelons que les têtes couronnées n’ont pas le droit de regarder l’heure en public. Leurs gardes du corps sont là pour s’assurer du bon déroulé de leurs sorties officielles minutées. »
Dans l’intimité de Balmoral, lorsqu’elle promène ses corgis un fichu sur la tête, la reine délaisse l’objet précieux pour une Rolex, une Omega en acier et ses quelques Patek Philippe à la précision, selon elle, à nulle autre pareille. La minutie de l’horlogerie la fascine et, en passionnée de mécanique – elle qui rejoint l’armée en 1944 et a rapidement appris à changer des pneus et bidouiller des moteurs de voitures -, elle sera une des premières à porter des montres masculines. Dont une Tank (elle aussi) Cintrée, affichant deux fuseaux horaires sur un cadran unique et deux couronnes : un chef-d’œuvre chargé de symboles qui l’accompagne lors de ses visites dans les pays du Commonwealth, comme pour assurer à son peuple qu’elle ne perd jamais le contrôle.
Si les férus de garde-temps et de la reine comptent une quinzaine de modèles à son poignet au fil de sa vie, on suppose que ce n’est que la face émergée de son coffre-fort. « Il y a les joyaux de la Couronne et les bijoux personnels, que l’on voit dans les médias et qu’on suit au fil des générations et des héritages, mais il y a aussi de nombreuses pièces intimes. Si l’avènement des réseaux sociaux fait que ces personnes donnent davantage à voir, accordons-leur quelques secrets. » Une question cependant : qui héritera de la fameuse 101 ? « Kate probablement lors de son couronnement, parie notre experte ès royals. Elle qui se prépare déjà dans son rôle de future reine. »
Pas de Tank pour Catherine Middleton, non, mais tout de même une Cartier. De quoi faire perdurer ce surnom « joaillier des rois et roi des joailliers » donné par Édouard VII en 1902 alors qu’il lui commande 27 diadèmes pour son couronnement. Une Ballon Bleu ronde, classique, intemporelle, dont la couronne cannelée ornée d’un saphir reprend le bleu de la pierre birmane à son annulaire gauche. Depuis que William lui en a fait cadeau pour leurs trois ans de mariage, Kate ne l’a jamais retirée. « À l’instar de William et l’Omega offerte par sa mère. Chez nos futurs roi et reine, l’horlogerie touche au sentimental et au pathos : William ne cesse de rendre hommage à sa mère regrettée à travers les parures de son épouse, qui les mélange régulièrement avec des pièces à 30 euros de chez Zara, pour montrer qu’elle a la dignité d’une future reine et demeure proche de son peuple. »
Content Source: www.lefigaro.fr