Ce trio de grands noms du secteur diffuse autour du monde ce chic milanais inégalable, avec des créations aussi sobres que sculpturales, aussi libres que luxueuses, aussi singulières que distinguées. La preuve par trois.
Si l’Italie est l’autre pays de la mode, elle est aussi l’autre pays de la joaillerie. D’abord parce qu’une grande partie de la production de bijoux précieux vendus par les maisons françaises historiques y est fabriquée, notamment dans la région de Valenza et de Vicenza. Ensuite parce que l’un des plus grands joailliers au monde, Bulgari, est né à Rome et s’est imposé en faisant rêver des générations d’actrices de Cinecittà. Mais aussi parce qu’un trio de grands noms du secteur, Pomellato, Vhernier et Buccellati, diffusent autour du monde – chacun à leur façon – ce chic milanais inégalable, avec des créations aussi sobres que sculpturales, aussi libres que luxueuses, aussi singulières que distinguées. La preuve par trois.
Pomellato, le bijou de mode
C’est à Milan que, depuis 1967, Pomellato bâtit son identité. Son fondateur, Pino Rabolini, nourri par la créativité des artistes qu’il rencontre au bar Jamaica et la liberté de vivre de la capitale italienne du prêt-à-porter, introduit, à l’avant-garde, la notion de bijou de mode dans le monde conservateur et traditionnel de la joaillerie. Le design unique de ses créations, leurs formes généreuses et les associations de couleurs qu’il injecte séduisent vite la donna chiquissime de la cité lombarde. En juillet dernier, sa quatrième collection de haute joaillerie, sous la houlette de son directeur de création, Vincenzo Castaldo, marque un tournant dans son esthétique. Le joaillier aiguise les angles de ses sautoirs et manchettes pour rendre hommage à l’architecture de la ville et exprimer sa skyline avec des lignes pures et géométriques ; la réflexion de la lumière sur ses buildings en spinelles, tourmalines et tanzanites. « Cette collection, Ode à Milan, célèbre notre appartenance à la ville et notre héritage, explique celui qui est le directeur artistique depuis vingt ans. Des lignes simples, moins attendues, certes, mais toujours relevées par le volume des pierres de couleur. C’est la signature de Pomellato et notre secret pour donner aux bijoux de la sensualité une fois portés. »
Même son de cloche pour la joaillerie fine, dans les ateliers de la Casa Pomellato, via Neera, à Milan – où les créations sont façonnées -, la femme à laquelle Vincenzo Castaldo s’adresse a rajeuni. « La Milanaise a une idée de l’élégance pudique et sobre. C’est une silhouette spontanée mais très chic. Une attitude construite sur des vêtements forts, comme ceux de Prada, une gestuelle et des bijoux non pas show off mais plutôt discrets, intimes. » Si, sur les établis, entre les doigts des orfèvres, les fameux solitaires dodus Nudo continuent de prendre des couleurs, ils font aussi de la place à d’autres créations au design minimaliste. À l’image de ses bracelets maillons Iconica dont un seul forçat est « poussiéré » de diamants selon la technique du pavage irrégulier Sabbia, ses bagues liens Together ou ses chaînes ludiques Catene à accumuler sur le cou ou à détacher en bracelets. « Nous sommes un peu l’adolescent de la place Vendôme, sourit-il. Une marque anticonformiste dans un milieu conservateur qui met en valeur un savoir-faire hautement traditionnel sur des bijoux colorés ou tout or, mais jamais ostentatoires pour des femmes émancipées et modernes. »
Vhernier, le bijou au design singulier, à l’élégance discrète
Vhernier, de son côté, est ce qu’on appelle en mode une marque d’initiées, avec des collections assez radicales, une diffusion contrôlée et des clientes libres et sûres d’elles qui aspirent à se démarquer. Depuis sa création, en 1984 par Angela Camurati, passionnée de gemmes et artiste, la marque revendique une approche singulière avec des collections pensées comme des sculptures d’or et de pierres. Des bijoux puissants, mais qui ne veulent pas représenter un signe de pouvoir, des pièces d’une grande sensualité mais pas tapageuses. Ce qui n’est pas très éloigné des contours du style de la ragazza de Brera ou de la Via Monte Napoleone. « Ce qui est très milanais, selon moi, dans nos collections, réside dans les volumes affirmés, les formes singulières et les couleurs fortes mais très rarement mélangées, soit un mix de design et d’élégance discrète qu’incarne cette ville, résume Isabella Traglio, elle-même Milanaise pur jus, directrice de la création et du développement produits de cette marque rachetée par son père et son oncle en 2001. Un bijou Vhernier est différent. Nous ne sommes pas des suiveurs. D’ailleurs, souvent, nos clientes n’aiment pas la joaillerie traditionnelle, et nos collections ne sont pas faites pour toutes les femmes. »
Résultat, les adeptes de la griffe, qu’elles soient milanaises, parisiennes ou californiennes, sont souvent des inconditionnelles qui finissent par porter exclusivement ces divines bagues comme des rubans d’or, ces boucles d’oreilles géométriques serties d’une tranche de pierre dure recouverte de cristal de roche qui fait exploser la couleur ou encore ces trésors pavés de diamants selon un sertissage donnant un rendu velouté addictif. Elles se laissent aussi séduire par les matériaux alternatifs comme le titane ou l’ébène, et se montrent vite fanatiques de ses formes ergonomiques qui les rendent très confortables malgré leur volume. Elles savent aussi pertinemment que cette simplicité apparente n’existe qu’au prix d’un travail acharné, de la création à la fabrication.
Buccellati, le bijou ode à l’artisanat milanais
Ce tour non exhaustif des joailliers de Milan ne serait pas complet et sérieux s’il n’incluait pas Buccellati, le « prince des orfèvres ». Cette maison familiale fondée dans la capitale lombarde il y a un peu plus d’un siècle a été rachetée par le groupe Richemont en 2019, qui a laissé aux postes clés plusieurs membres de la troisième et de la quatrième génération. Même si sa boutique la plus performante est historiquement celle de Paris, le joaillier déploie des collections qui sont une ode à l’artisanat milanais. L’architecture de la Renaissance ainsi que les étoffes des princes demeurent la source d’inspiration principale de ses bagues formant des tulles d’or obtenus au prix de plusieurs centaines d’heures de travail, ou de ces manchettes gravées de motifs damassés.
Le succès ne se dément pas depuis deux décennies. « L’entreprise n’a jamais compté autant d’employés qu’aujourd’hui, la demande est de plus en plus forte, mais la productivité chez nous est un vrai sujet, car une très grande partie des bijoux sont faits à la main, souligne Andrea Buccellati, directeur de la création et de la production, entré dans la société familiale il y a presque cinquante ans. Nous adaptons nos capacités de fabrication, mais sans jamais faire de compromis sur la qualité et le style. On reconnaît de loin un bijou Buccellati, c’est notre force la plus précieuse. » Dans les nouveaux locaux du siège, à Milan, les ateliers reçoivent donc aussi des artisans en formation. Ils apprennent ici et pourront bientôt, comme le veut l’organisation de la société, travailler chez eux en indépendants. Et faire rayonner l’excellence milanaise.
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