Le diamant de laboratoire est-il une innovation ? « Le Figaro » a posé cette même question à des entrepreneurs des « deux camps », celui du brillant naturel et celui des pierres fabriquées par l’homme, afin de confronter les points de vue, tout en évitant l’apologie et le dénigrement, d’un côté comme de l’autre.
OUI MAIS… : «Le luxe est intimement lié à la rareté»
Valérie Messika, présidente et fondatrice de Messika. – Pour moi,le diamant de laboratoire représente effectivement une innovation, mais la question reste de savoir si c’est une bonne innovation. Toute innovation a sa place dans un secteur, mais, personnellement, je ne suis pas une fervente du diamant synthétique. Dans mon esprit, le luxe est intimement lié à la rareté. Un diamant naturel est un produit que la terre a mis des millions d’années à façonner, ce qui lui confère une valeur unique et irremplaçable. Celui de laboratoire, en revanche, est reproduit comme une sorte de photocopie, dans des fours, avec des conditions très énergivores. Contrairement aux promesses initiales, il ne se révèle pas aussi écologique qu’affirmé. Par ailleurs, depuis plusieurs années, on observe un effondrement du cours du diamant synthétique, ce qui lui ôte encore davantage cette dimension élitiste et luxueuse. Le luxe repose sur le caractère exceptionnel, et pour moi, ce caractère n’est pas réplicable artificiellement.
À lire aussi
Messika dévoile le collier star de son prochain défilé, serti de sept diamants XXL
NON MAIS… : «Les vraies pierres et celles de laboratoire peuvent vivre ensemble»
Roberto Coin, fondateur de la marque à son nom et membre du conseil d’administration du World Diamond Council. – Depuis dix ans, j’essaie de faire passer le bon message à l’industrie de la joaillerie, mais surtout aux consommateurs. Je n’ai rien contre les diamants de laboratoire, ils peuvent tout à fait cohabiter avec les vraies gemmes, que chacun trouve sa place, à la seule condition que les consommateurs soient protégés par une notification correcte sur les pierres qu’ils achètent. Ceux de laboratoire ont un prix beaucoup plus bas et il sera peut-être difficile de les revendre à l’avenir. Chez Roberto Coin, nous n’utilisons que des diamants naturels et si jamais nous devions envisager un jour d’utiliser des pierres de laboratoire, ce sera forcément sous le nom d’une nouvelle marque, pas celle de Roberto Coin.
NON : « Les diamants sont l’un des plus beaux cadeaux de la nature »
Céline Assimon, directrice générale de la marque De Beers.- Chez nous, l’innovation passe par le savoir-faire, la transformabilité des créations, et bien sûr la rigueur de la sélection des plus beaux diamants de la nature, non traités et parfois sous leur forme brute. Nous savons d’où vient chacun d’entre eux, l’impact positif qu’ils ont sur leurs lieux d’origine et les caractéristiques uniques qui rendent chaque pierre extraordinaire. Les diamants sont l’un des plus beaux cadeaux de la nature. Ils possèdent également un pouvoir qui leur permet de créer un avenir meilleur.
À lire aussi
« Mais quelle vie mène celle qui peut s’offrir un bijou à 40 millions ? » : bienvenue dans l’ultra haute joaillerie!
OUI : «Le diamant de laboratoire est une innovation majeure»
Philippe Nobile, président d’Unsaid. – D’abord, c’est une innovation scientifique qui permet de disposer d’un diamant de haute qualité. Ensuite, c’est une innovation durable car ce processus de création peut être réalisé sans empreinte carbone, sans abîmer la nature, sans gâcher et polluer l’eau. Enfin, c’est une innovation qui galvanise le savoir-faire et la créativité en permettant des tailles de diamants uniques. Cela marque une étape décisive dans la joaillerie qui peut enfin s’affranchir de nombreuses contraintes et endosser les habits d’un luxe responsable, créatif, innovant et au savoir- faire encore plus pointu.
À lire aussi
Cadeaux de Noël : notre sélection de petits bijoux en diamants de grands joailliers
NON : «Leur popularité décline déjà»
Masanobu Ebisutani, expert diamantaire chez Tasaki et sightholder du groupe De Beers. – D’un point de vue gemmologique, une pierre précieuse doit répondre à trois exigences : elle doit être belle, elle doit être rare et enfin elle doit être durable. Les diamants cultivés en laboratoire ont été produits en masse au cours des dix dernières années et sont de moins en moins rares. Leur reconnaissance a augmenté rapidement, mais comme il s’agit de produits industriels, plus ils seront produits en masse, plus les coûts de production baisseront.
À lire aussi
Masanobu Ebisutani, un diamantaire aux yeux de lynx chez Tasaki
Déjà, leur popularité décline, comme leur valeur marchande. Pour preuve, il fut un temps où la moitié des brillants vendus sur le marché américain étaient des pierres cultivées en laboratoire, mais la tendance s’inverse à nouveau. En outre, aujourd’hui, la plus grande partie du coût des diamants de laboratoire est le coût des certificats spécifiques. Quand les consommateurs auront pris conscience de cette réalité, nous prédisons qu’ils subiront le même sort que les rubis, les saphirs et les émeraudes synthétiques.
Chez Tasaki, en tant que sightholder du groupe De Beers, nous bénéficions d’un accès privilégié aux pierres brutes les plus raffinées. Notre implication à chaque étape de la transformation d’une pierre brute, en diamant parfait, montre que nous comprenons la véritable nature des gemmes, et que nous assumons nos responsabilités tout au long de la chaîne de production.
NON : «Un processus industriel datant des années 1950…»
Mina El Hadraoui, directrice France du Natural Diamond Council. – Ce n’est pas une innovation, c’est une copie inventée pour l’industrie dans les années 1950… Les diamants synthétiques ne sont pas tous durables. Plus de 60 % sont produits en Chine et en Inde, où l’essentiel de l’énergie du réseau provient du charbon. Totalement artificiels, ils nécessitent des températures similaires à 20 % de la température de la surface du soleil et apportent peu de revenus aux communautés locales.
Le processus de formation naturelle des diamants (étalé sur des milliards d’années) induit qu’ils sont intrinsèquement rares. Au Botswana, plus de 80 % de la valeur du diamant vendu reste dans le pays pour développer l’économie, les infrastructures et les services publics. Ainsi, le diamant naturel est le moyen de subsistance de plus de 10 millions de personnes à travers le monde. L’industrie du diamant naturel s’est engagée sur la voie de la décarbonation, conformément aux objectifs climatiques mondiaux. Des projets de compensation des émissions de carbone sont en réalisation pour la plupart des entreprises.
Content Source: www.lefigaro.fr