En Indonésie, Denica Riadini-Flesch, nouvelle lauréate du Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, change la façon dont les vêtements sont fabriqués et vendus, en ravivant la transmission de l’artisanat traditionnel.
C’est le côté obscur de la mode : alors que l’Indonésie est l’un des plus grands producteurs de textiles au monde, moins de 2% des ouvriers, dont une majorité d’ouvrières, gagnent un salaire décent. Denica Riadini-Flesch, qui a quitté l’Indonésie pour suivre des études d’économie du développement aux Pays-Bas, « s’est sentie coupable de bénéficier de cette chance que la majorité des Indonésiennes n’a pas ». En 2016, l’économiste revient dans son pays natal, pour y créer SukkhaCitta (« bonheur ») : « Ces femmes, qui travaillent depuis chez elles, sont les personnes les plus marginalisées de l’industrie mondiale de la mode, parce que leur travail est sous-traité par d’innombrables intermédiaires », estime-t-elle. Désormais, grâce à elle, les artisanes de SukkhaCitta ont vu leurs revenus augmenter en moyenne de 60 % en vendant directement aux clients les tissus magnifiques qu’elles produisent. « De la ferme à l’armoire », ces vêtements de haute qualité conçus artisanalement sont proposés en ligne et dans un réseau de détaillants, dans plus de 30 pays. SukkhaCitta, dont la fondatrice vient de se voir attribuer un Prix Rolex à l’esprit d’entreprise, permet également aux femmes qui y travaillent de se former en artisanat et en design, et même d’acquérir des compétences commerciales et en gestion de l’environnement. Alors que de jeunes mères se forment auprès d’artisanes plus âgées et expérimentées, c’est à une véritable renaissance sociale et culturelle que contribue ce système de mentorat, qui reproduit la transmission de l’artisanat traditionnel de mère en fille.
De plus, alors que l’industrie de la mode utilise couramment des teintures toxiques et que presque tout le coton d’Indonésie est importé, Denica Riadini-Flesch fait appel aux anciennes cultivatrices indonésiennes de coton, qui se souvenaient comment leurs grands-mères intégraient le coton dans l’écosystème de la forêt. SukkhaCitta a ainsi commencé à cultiver son propre coton en pratiquant l’agriculture régénérative, mélangeant les plants de coton avec 23 autres espèces pour maintenir la biodiversité et restaurer la santé des sols. Pour colorer les tissus, l’entreprise fabrique et utilise des teintures naturelles produites à partir de plantes cultivées par les agricultrices. « Le plus beau est qu’il ne s’agit même pas d’une nouvelle technologie sophistiquée. C’est un savoir-faire local éprouvé depuis des générations en Indonésie. »
Fondée par seulement trois femmes, SukkhaCitta travaille désormais directement avec plus de 400 artisanes et agricultrices et a, à ce jour, impacté la vie de 1500 personnes. Faire partie de l’Initiative Perpetual Planet de Rolex devrait l’aide à tripler le nombre d’écoles et offrir de nouvelles perspectives à 10000 personnes d’ici 2030. « Recevoir ce prix va nous permettre de faire connaître notre modèle à plus grande échelle en intervenant dans les écoles, mais aussi en numérisant notre programme pour pouvoir toucher davantage de femmes en Indonésie. »
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