Pour travailler à la maison, sortir le chien ou… dormir la nuit, les Français en quête de tenue stylée, redécouvrent le pyjama en popeline. Tradi mais chic.
À la toute fin du XXe siècle, les hommes « brûlent » leur pyjama jugé vieillot, régressif ou bourgeois, pour se glisser (comme les Apollons des pubs de l’époque) en caleçon ou même nus sous les draps. Et puis, vingt ans après, l’épidémie de Covid et ses confinements successifs, en forçant les gens à travailler de chez eux, ont revalorisé le confort et l’allure de ce que l’on enfile quand on doit rester chez soi. Les premiers temps, ce fut le boom du survêtement. Mais sans doute en réaction à l’omniprésence du sportswear et du streetwear dans l’espace public, ces messieurs ont redécouvert les vertus d’une tenue d’intérieur chic et classique.
Il n’est ainsi désormais plus rare de lire, dans les médias anglo-saxons ou ailleurs, des articles célébrant les meilleurs « looks », illustrés par des icônes en pyjamas comme Montgomery Clift, Warren Beatty, Elvis dans Love Me Tender en 1956, James Stewart et l’incroyable collection de son personnage dans Fenêtre sur cour de Hitchcock (1954). Et les hommes, en particulier les 20 à 50 ans qui n’en ont jamais porté, de s’en inspirer…
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Candice Fauchon a lancé en 2020 sa marque de modèles mixtes haut de gamme en popeline, garnis de liserés et de boutons de nacre. Au comptoir de sa boutique parisienne, rue de Grenelle (Paris 7e), elle confirme cet intérêt masculin croissant : « Mes clients prétendent se moquer du côté tradi du pyjama, même si ça leur plaît au fond. Ils s’imaginent surtout bien l’enfiler chez eux le week-end. » Mathias, 38 ans, confirme : « Longtemps, j’ai traîné à la maison en survêtement le soir et le week-end. Et puis il y a quelques années, j’ai eu envie de quelque chose de plus léger, et je suis passé au pyjama, d’abord trouvé chez GAP, puis on m’a offert un modèle de la marque anglaise Sunspel, marine, en coton très doux. Je ne le quitte plus ! »
Alban, 42 ans, privilégie ceux de la griffe scandinave Tekla « dont le bas est assez large, en popeline sèche et légère, ce qui tranche avec les matières plus lourdes que je porte la journée ». Comme Diego, qui a jeté son dévolu sur un ensemble rose il y a presque deux ans, « coupé aux ciseaux en bas, et associé avec un tee-shirt que j’aime bien ». Marc, quant à lui, a développé au fil du temps une véritable collection, qu’il détaille avec un enthousiasme sincère : « Deux Brooks Brothers en popeline achetés dans une fin de stock il y a presque vingt ans, un Charvet marine et un Candice Fauchon bleu ciel, plus récents. Je les mets plutôt avec un tee-shirt ou un sweat, mais je ne m’interdis pas de passer la chemise, pour les grandes occasions! »
En matière de pyjama, il existe presque autant de versions que d’hommes… Ainsi, Sega, qui enfile au coucher « un débardeur blanc côtelé de l’armée italienne rentré dans une jupe-culotte vintage noire, serrée à la taille, large sur la jambe et plissée sur toute la longueur. Et quand je veux encore une couche de confort, j’enfile une robe de chambre en soie vintage Saint Laurent. Là, c’est régressif, la dernière étape avant la couette. »
Reste une interrogation centrale : quand l’enfiler ? Pour Alban et Diego, fiers propriétaires de chiens, il faut attendre que le compagnon à quatre pattes ait effectué sa dernière sortie avant de se changer. Pour d’autres, il s’impose dès le retour à la maison, façon « tenue d’intérieur ». Mathias, par exemple, ne dort même pas avec. « Une fois déchaussé et changé, je me sens vraiment chez moi », pose Sega, en évoquant la dichotomie intérieur/extérieur chère aux Japonais. Marc précise : « Je suis souvent en rendez-vous dehors, parfois en costume, et je rentre pour travailler à la maison. Ça pose la question de la façon de se représenter dans cet espace où je passe finalement une bonne partie de ma journée. Plutôt que de traîner en jogging ou en caleçon, je vois dans le pyjama un moyen digne de lutter contre l’affaissement visuel d’un couple qui dure (Rires). »
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Être habillé dans son intimité a évidemment ses avantages dans les interactions plus au moins accidentelles du quotidien : facteur, livreur, concierge, voisins… Quand on reçoit ou quand on voyage, aussi. « Je suis content chaque fois que je pense à l’emporter dans ma valise, je retrouve un peu du confort de la maison où que je sois », raconte Diego. « Au petit-déjeuner, c’est quand même plus digne quand tu as des invités, ou encore mieux, quand tu es invité », sourit une des compagnes issues de notre panel. Sondées, les moitiés semblent, elles aussi, convaincues. « Peut-être pas en week-end en amoureux, nuance l’une d’entre elles. Mais c’est mignon. »
En revanche, bien que les pyjamas soient désormais légion sur les tapis rouges et les podiums de mode, ils ne sont pas si faciles à porter dans la vraie vie, à l’extérieur. « Il m’arrive de garder le haut de mon pyjama et d’enfiler un vieux jean et un blouson pour aller acheter le pain, j’aime autant l’allure que l’idée », confie Marc. Évidemment, plus le vêtement est beau, voire luxueux, plus l’audace sera aisée. « Un soir de grande fatigue, j’ai sorti le chien en pyjama et trench, c’était à la fois incongru et libérateur », confie Diego. Assumé hors de la chambre à coucher, l’habit de nuit se pare ainsi d’un soupçon de transgression. Ce n’est pas pour rien que Kurt Cobain le portait en public, sur scène, quand il recevait dans sa chambre, et même le jour de son mariage avec Courtney Love en 1992.
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