Hélène Bourgeois Leclerc a auditionné pour plusieurs rôles dans Unité 9. Sauf pour Shandy. Ironie du sort, c’est celui qu’elle s’est fait offrir (et qu’elle a refusé) lorsque son interprète originale, Suzanne Clément, a quitté la série.
La comédienne garde un souvenir encore vif des auditions du drame de Danielle Trottier, en 2012. Une production de Fabienne Larouche, présentée à heure de grande écoute à Radio-Canada, qui plonge le téléspectateur au cœur d’une prison pour femmes ? Cette proposition inédite enthousiasmait beaucoup d’actrices.
« C’était la grosse affaire. Parce que c’était tous des rôles de femmes, c’était tous des rôles très forts. Ça créait un précédent. La ville de Montréal au grand complet voulait auditionner pour Unité 9 ! »
C’était vraiment quelque chose de particulier : une série en milieu carcéral… Il y avait quelque chose de très rude, très sexy, très nouveau. C’était très, très inspirant.
Hélène Bourgeois Leclerc
La comédienne est revenue bredouille du premier tour d’auditions d’Unité 9. Mais l’année suivante, le réalisateur Jean-Philippe Duval l’a contactée pour qu’elle remplace Suzanne Clément, qui délaissait le rôle de l’outrancière et impudique Shandy Galarneau.
Intégrer, sans avoir à passer d’audition, la distribution cinq étoiles d’une série immensément populaire (la première saison avait rallié 1 825 000 téléspectateurs) ? Cela aurait assurément enchanté plusieurs comédiennes. Mais puisque Hélène Bourgeois Leclerc avait campé une certaine Dolorès dans Les Bougon : c’est aussi ça la vie ! quelques années plus tôt, elle n’avait pas envie de retourner en terrain connu.
« Ce n’est pas parce que j’avais peur d’être typecastée [enfermée dans certains types de rôles]. Durant Les Bougon, j’étais aussi sur Annie et ses hommes, 450, chemin du golf… J’avais joué dans Aurore au cinéma… Je sentais juste que j’avais déjà donné en matière de femmes très sexuelles, très assumées, très frondeuses. Pour moi, il y avait quelque chose de Dolorès dans Shandy. Dans ses looks, dans ses gestes, dans son vocabulaire… J’avais l’impression d’avoir nagé dans ces eaux-là, de m’y être vautrée jusqu’à plus soif. »
Position privilégiée
La perspective de prendre le relais d’une autre comédienne, Suzanne Clément, qui avait mis son empreinte sur chaque facette du personnage, tracassait également Hélène Bourgeois Leclerc. Mais n’empêche. Dans un secteur d’activité aussi imprévisible, refuser un rôle (et conséquemment, un salaire) dans Unité 9, un phénomène télévisuel, n’est pas une décision qu’on prend à la légère.
« Je suis très consciente du privilège que j’avais – et que j’ai encore – de pouvoir choisir, de pouvoir mettre mon désir de l’avant, de pouvoir faire ce que j’ai le goût de faire, répond la comédienne. Mais pour vrai, même si j’avais eu faim, même si j’avais été sans emploi, ce n’est pas le fun d’avoir l’impression de refaire ce qu’on a déjà fait, mais avec moins de liberté, étant donné que c’était un personnage qui existait déjà. »
Au bout du compte, Catherine-Anne Toupin a hérité du rôle de Shandy, rôle qu’elle a défendu avec panache jusqu’en 2018, soit jusqu’à ce que l’auteure Danielle Trottier orchestre son suicide à Lietteville.
Saine compétition
Comme toute actrice, Hélène Bourgeois Leclerc a essuyé sa part de refus depuis ses débuts, au tournant du millénaire. Issue de l’option théâtre du cégep Lionel-Groulx, l’actrice raconte avoir souvent auditionné « contre » Julie Le Breton et Hélène Florent, des amies.
« C’est certain qu’il y a une petite compétition, parce qu’on est toujours trois, quatre du même casting à auditionner pour sensiblement les mêmes affaires, mais c’est toujours comme : “Si je ne l’ai pas, je souhaite que ce soit toi.” Quand c’est mon amie qui décroche le rôle, je suis contente pour elle. »
« Je n’ai jamais senti une compétition malsaine entre nous. Sincèrement. »
L’épisode La Bolduc
Pour mieux encaisser les déceptions professionnelles, Hélène Bourgeois Leclerc revient souvent au principe qu’elle ne peut s’attacher à quelque chose qu’elle n’a pas encore. C’est ce qu’elle a pensé en 2016, quand les institutions ont choisi de soutenir financièrement le projet de long métrage sur Mary Travers, alias La Bolduc, avec Debbie Lynch-White, au détriment du sien, auquel était attachée la cinéaste Lyne Charlebois.
« Je n’étais pas soulagée, parce que je suis une femme de défis. Et j’aurais vraiment tripé avec toute l’équipe. On avait fait des maquettes de chansons avec Martin Léon. On avait fait des looks… Mais quand j’ai su qu’au final, c’était Debbie qui allait le faire, j’ai pensé : “Ah oui, ça marche au bout !” Et puis, je voyais ça très, très, très gros, de jouer une vraie chanteuse qui turlute, avec une voix, un style particulier… »
Un kick d’adrénaline
Au cours des dernières années, Hélène Bourgeois Leclerc a bonifié son CV d’un nouveau titre : celui d’animatrice, par l’entremise d’émissions comme Projection privée, Sans rancune, La tour et Le restaurant. Télé-Québec l’a récemment recrutée pour piloter son nouveau magazine culinaire, qui prendra l’antenne la saison prochaine.
Hélène Bourgeois Leclerc continue également d’auditionner, une étape qu’elle a appris à apprivoiser. Oui, c’est stressant. Oui, sa « petite main peut shaker » quand elle donne sa réplique. Mais c’est aussi « un kick d’adrénaline tripant ».
Pour s’assurer d’apprécier le processus, l’actrice répète souvent la phrase suivante : puisque l’audition pourrait être son unique chance de jouer ce rôle (à moins qu’elle l’emporte), elle doit absolument en profiter.
« Je donne tout ce que j’ai, mais pas dans un élan de désespoir. Je m’efforce de vivre pleinement le moment, de savourer chaque seconde. Et pour vrai, ça m’aide à oublier la pression qui vient avec l’audition : celle d’être la meilleure, de briller, de rayonner, de faire la différence, d’être le coup de cœur de tout le monde, etc. Ça donne un côté un peu plus artisanal, moins “grosse business”. »
« Je m’en vais rencontrer du monde. Je m’en vais essayer quelque chose. Je m’en vais jouer. C’est ce que je me dis jusqu’à ce que je finisse par y croire ! »
La plupart du temps, cette technique fonctionne. Mais quand elle connaît des ratés, tout part en vrille, admet l’actrice. « Des fois, je suis comme : “Câline ! Je n’aurais pas pu être dentiste ou agente d’assurances à la place ?” »
Hélène Bourgeois Leclerc
Proposition : jouer dans Unité 9
Rôle : Shandy Galarneau (défendu par Catherine-Anne Toupin, en remplacement de Suzanne Clément)
Années de diffusion : 2012-2019
« J’ai refusé le rôle parce qu’après Dolorès [Bougon], j’avais l’impression d’avoir déjà joué ce type de femme. Mais aujourd’hui, peut-être que je l’accepterais. […] Probablement que j’aurais pu trouver une autre façon de l’aborder. »
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