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Et si… Les rôles qu’ils n’ont pas eus | Savoir encaisser et passer à autre chose

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Dans cette nouvelle série, des comédiens parlent d’un rôle qu’ils n’ont pas décroché et imaginent comment cet engagement aurait changé leur carrière et leur vie.




L’an dernier, Anglesh Major a passé une audition pour jouer le beau-frère de François Bellefeuille dans Temps de chien. Bien qu’il n’ait pas décroché le rôle, le comédien garde un excellent souvenir de l’expérience. Et pas seulement parce qu’il s’agissait d’un casting daltonien.

Avant d’aller plus loin, prenons quelques lignes pour définir « casting daltonien » ou « casting sans couleur » (en anglais, « color-blind casting »). Aux États-Unis, cette expression a intégré la culture populaire en 2005 quand Grey’s Anatomy est entré en ondes. La créatrice du populaire feuilleton médical, Shonda Rhimes, avait retiré des premiers scénarios chaque description physique des personnages, afin qu’un large éventail d’acteurs et d’actrices puissent les défendre, peu importe leurs origines ethniques.

Au Québec, cette méthode serait – encore aujourd’hui – peu répandue.

En entrevue, Anglesh Major raconte avec fierté son audition pour Temps de chien, cette comédie de Radio-Canada articulée autour d’un vétérinaire vedette en déroute. Après s’être illustré dans plusieurs drames (Je voudrais qu’on m’efface, King Dave, Larry, Cerebrum, Aller simple), le diplômé de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM (cuvée 2017) était simplement heureux d’enfin pouvoir montrer une autre facette : son potentiel comique.

« Et ce n’est pas parce qu’ils avaient besoin d’un Black », précise l’interprète de Marco dans STAT.

PHOTO KARINE DUFOUR, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

François Bellefeuille et Éric Bernier dans Temps de chien

Anglesh Major raconte avoir passé « une super belle audition ». En apprenant l’identité de l’acteur sélectionné pour camper l’homme d’affaires Jean-Philippe Bélanger, il s’est même senti « honoré » d’avoir participé au processus. Parce qu’il s’avouait vaincu devant Éric Bernier, un pro des comédies, comme en témoignent ses victoires aux Gémeaux, pour Tout sur moi, notamment.

J’ai l’impression d’avoir gagné une médaille. Parce que j’ai déjà joué avec Éric [Bernier] au théâtre. Je sais ce qu’il est capable de faire. C’est quelqu’un d’extrêmement talentueux.

Anglesh Major

Des doutes

En début de carrière, Anglesh Major entretenait un rapport compliqué avec l’audition ciblée, celle pour laquelle on convoquait uniquement des acteurs noirs pour incarner un personnage dont l’héritage culturel n’entrait aucunement en ligne de compte. Même s’il possédait les compétences et l’expérience requises, Anglesh Major souffrait souvent du syndrome de l’imposteur lorsqu’il était plongé dans pareil contexte.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Anglesh Major aborde aujourd’hui avec confiance les auditions auxquelles il prend part.

Quand j’arrive en audition et que je vois mes amis noirs en sortir, alors qu’on est complètement différents, qu’on n’a pas du tout la même énergie, je suis comme : “OK, ils ont vraiment fait une offre pour tous les Noirs de Montréal.”

Anglesh Major

Au fil des années, Anglesh Major a réussi à chasser ses doutes. Aujourd’hui, il arrive aux auditions beaucoup plus calme et confiant. Avec son CV bien garni, il sait qu’il mérite sa place, peu importe la situation.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Patrick Emmanuel Abellard incarne Patrick Grimard dans Plan B.

Mais terminer deuxième, troisième ou quatrième demeure décevant, surtout quand on sent qu’on s’est bien tiré d’affaire. Anglesh Major a vécu ce type d’émotions en auditionnant pour jouer Patrick Grimard, l’acolyte policier d’Anne-Élisabeth Bossé dans Plan B. Au bout du compte, Patrick Emmanuel Abellard s’est emparé du rôle. Et comme toujours, aucune explication n’a été donnée au finaliste.

Parfois, Anglesh Major souhaiterait savoir pourquoi sa candidature n’a pas été retenue. Mais le plus souvent, cette envie finit par passer.

« Je pourrais aller chercher l’information, mais après, qu’est-ce que ça m’apporterait ? Ça peut être pour toutes sortes de raisons… “Il est trop grand.” “Il n’est pas assez grand.” “Il n’a pas assez d’abonnés sur Instagram…” Si j’allais chercher le pourquoi, j’aurais peur d’être aigri du métier. »

Un choix politique

D’origine haïtienne, Anglesh Major raconte avoir refusé quelques petits rôles pour lutter contre certains préjugés. Il donne l’exemple d’une série dans laquelle on voulait qu’il campe « un proxénète qui viole et drogue les filles ».

« J’ai donné le bénéfice du doute et j’ai posé quelques questions par rapport au personnage : “Mais il devient quoi ? Qu’est-ce qu’il est ?” On m’a dit : “Non, non. C’est juste ça.” »

Quand je joue un rôle, malgré moi, ça devient un choix politique. Si j’accepte de jouer tel personnage ou tel type de rôle, ça veut dire que j’accepte encore que l’homme noir soit perçu comme ça.

Anglesh Major

« Ce que je fais peut influencer une communauté. J’en suis conscient. Des fois, je pense que c’est juste à propos de moi, mais quand je vois les gens dans la rue, quand ils viennent me voir, je réalise à quel point je peux être un exemple pour eux. »

Un boxeur

Lorsqu’on lui demande pour quel type de rôle il rêverait d’être convoqué en audition, Anglesh Major répond – après seulement quelques secondes de réflexion – un athlète ou « n’importe quel personnage qui demande d’avoir une forme physique de haut niveau ». Comme les acteurs hollywoodiens qui incarnent des superhéros de Marvel, il souhaiterait suivre un entraînement rigoureux, le genre qui requiert non seulement des centaines d’heures en gymnase, mais aussi un régime strict.

« C’est un défi qui m’intéresserait. Pour jouer un boxeur, par exemple. J’imagine qu’une fois que ton corps est shapé, tu dois avoir plus de facilité à trouver l’état d’esprit qui vient avec. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Anglesh Major aimerait incarner un personnage qui lui demande de suivre un entraînement rigoureux.

Anglesh Major glissera une autre allusion au boxeur durant notre entretien. Elle surgira quelques minutes plus tard, en expliquant comment il parvient à surmonter une déception professionnelle, un refus suivant une audition.

« On peut le gérer, mais je n’ai pas l’impression qu’on peut s’y habituer. C’est un peu comme un boxeur qui reçoit des coups. Certains font plus mal que d’autres. Quand tu en reçois un, tu dois l’encaisser et passer à autre chose. »

C’est ce qu’on appelle manifester un désir.

Son histoire

Anglesh Major

Audition
Temps de chien

Rôle
Jean-Philippe Bélanger (obtenu par Éric Bernier)

Années de diffusion
2023-aujourd’hui

« C’est rare qu’on m’offre la chance d’auditionner pour des rôles comiques. Et pourtant, dans la vie, je suis très comique. Mes meilleurs amis, ils savent. Quand ils me voient à la télé, ils sont : “Tu fais tellement ton sérieux, man.” Si seulement les gens savaient… »



Content Source: www.lapresse.ca

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