Il y a 40 ans cette semaine, Marc Garneau est devenu le premier Canadien – et le premier Québécois – à s’envoler pour l’espace. Le documentaire Mission spatiale 84 revient sur cette aventure étonnante, présentée par l’ingénieure en aérospatiale Farah Alibay.
Il faut avoir au moins quelques cheveux blancs pour se souvenir de l’enthousiasme suscité par la mission STS-41-G, c’est-à-dire le premier vol spatial ayant à son bord un astronaute canadien. L’émoi était particulièrement palpable au Québec, puisque l’élu était l’un de nos concitoyens, Marc Garneau.
Le réalisateur Louis Asselin, aux commandes de Mission spatiale 84, présenté samedi à Historia, est trop jeune pour se rappeler ces évènements. Il a connu Marc Garneau comme ministre fédéral bien avant de prendre conscience de la place qu’il occupe dans l’histoire spatiale canadienne.
« Je ne m’attendais pas à découvrir une telle capacité d’émerveillement [chez lui], admet le cinéaste. Quand il parle de cette période de sa vie, il a des étoiles dans les yeux et on est à des années-lumière de la langue de bois des politiciens. »
Un élu sous pression
Mission spatiale 84 raconte de manière chronologique les évènements qui ont propulsé Marc Garneau en orbite autour de la Terre. Le documentaire revient sur les circonstances qui ont ouvert les portes de la NASA aux astronautes d’ici et le caractère exceptionnel du parcours de l’astronaute canadien, qui a été sélectionné parmi des milliers de candidats au pays et a par la suite été désigné comme le premier à partir dans son petit groupe d’élus.
« Quand j’ai été choisi, je me suis aperçu que mes responsabilités en tant que premier Canadien étaient encore plus énormes », dit-il face à la caméra. L’historien Claude Lafleur, dont les interventions sont toujours éclairantes, le souligne aussi : si Marc Garneau avait gaffé durant son parcours, il aurait pu remettre en cause la participation future du Canada aux missions de la NASA…
La trajectoire de l’astronaute né à Québec n’a pas été banale. La mission pour laquelle il avait été sélectionné ayant été devancée, il allait se retrouver dans l’espace après un entraînement d’à peine 10 mois, alors que d’autres se préparent pendant des années. David Saint-Jacques, sélectionné en 2009, n’a volé qu’en 2018, rappelle Claude Lafleur.
Mission à risque
Le récit mené par Louis Asselin, et présenté par Farah Alibay, parvient à bien ficeler les parts humaine et technologique de l’aventure de Marc Garneau. L’une ne va pas sans l’autre, en fait, lorsqu’il est question d’exploration spatiale. Au début des années 1980, les navettes volent avec des systèmes informatiques inventés à la fin des années 1970. Elles sont encore considérées comme des véhicules expérimentaux. Le risque fait partie de la mission.
Marc Garneau en est bien conscient le 5 octobre 1984 au matin. Il dit d’ailleurs qu’en attendant le décollage, harnaché dans la navette, il se demandait s’il avait assez dit à sa femme, à ses enfants et à ses parents qu’il les aimait…
Deux ans plus tard, Challenger explosait quelques secondes après le décollage, tuant les sept astronautes à bord. « C’était la même navette, insiste Louis Asselin. Les défauts qui ont mené à l’explosion [du vol de 1986] se trouvaient aussi dans celle où Marc Garneau a pris place. »
Mission spatiale 84 possède aussi un petit supplément d’humanité en raison d’un autre détail insolite : Philippe Garneau, le frère de Marc, apparaît aussi dans le documentaire, car il s’est improvisé journaliste et a suivi le parcours de son aîné jusqu’à Houston pour une radio montréalaise. Par un drôle de coup du hasard, il a même eu l’occasion de lui poser la toute première question adressée à l’équipage en orbite lors du vol de 1984.
« J’ai l’impression qu’il y avait quelque chose qui était plus de l’ordre du projet de société », songe le réalisateur, parlant des missions de la NASA dans les années 1980. De nos jours, la conquête spatiale ressemble plus de son point de vue « à un concours de celui qui pisse le plus loin », entre deux multimilliardaires, Jeff Bezos et Elon Musk, qui fabriquent tous deux des engins spatiaux.
Or, l’exploration spatiale, comme l’a vécue Marc Garneau, est tout le contraire d’une affaire d’ego. « C’est quelque chose qui nous transforme », confie-t-il au documentariste. Faire le tour de la Terre 16 fois par jour, voir tous les pays du monde et imaginer les conflits qui existent un peu partout incite plutôt à souhaiter que les humains s’unissent pour en prendre soin. « La Terre est notre seul habitat », rappelle l’astronaute, qui a volé de nouveau en 1996 et en 2000 à bord de la navette Endeavour.
Sur Historia, samedi, 20 h
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