Simon Durivage fête ses 80 ans ce mardi. Le journaliste émérite s’est fait discret depuis qu’il a quitté l’antenne en 2015, mais sa passion pour l’information demeure. Et ce qui est bien de la retraite, c’est qu’il s’autorise enfin à dire ce qu’il pense de l’actualité, maintenant affranchi de la sacro-sainte objectivité journalistique qu’il s’était toujours efforcé de respecter du temps qu’il était l’un des piliers de la salle de rédaction de Radio-Canada.
À quelques jours de son anniversaire, Simon Durivage a accepté de nous recevoir chez lui. En ouvrant la porte, l’ancien animateur vedette de RDI nous apparaît en pleine forme, bien qu’un peu amaigri.
Certes, Simon Durivage porte aussi depuis trois ans des appareils auditifs pour mieux entendre. Mais ce n’est rien pour l’empêcher de jouer du piano, comme il l’a toujours fait.
Toujours actif, il planifie même de faire le tour des Maritimes en voiture l’été prochain avec sa femme, avec qui il parcourt le monde depuis son départ du petit écran.
« Pour l’instant, tout va bien. Mais 80 ans, ça reste une grosse étape. Là, c’est vrai qu’il en reste moins devant moi. Statistiquement, on sait que c’est la décennie où tout peut basculer. Où on peut se mettre à vieillir très rapidement. Où on peut attraper quelque chose qui va nous tuer », observe-t-il avec lucidité et sagesse.
La faute aux réseaux sociaux
L’avenir inquiète Simon Durivage. Et ce n’est pas qu’à cause du vieillissement. L’actualité des dernières semaines n’augure rien de bon, selon lui. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche le dépasse. Et il est consterné de l’éventuelle arrivée au pouvoir au Canada des conservateurs de Pierre Poilievre.
Cette montée du populisme partout en Occident, Simon Durivage l’impute en grande partie partie aux réseaux sociaux, qui évacuent la nuance et favorisent les opinions les plus radicales et simplistes, plus susceptibles d’être résumées en 140 caractères.
Les réseaux sociaux ont créé des frustrations qui ne sont pas vraiment collées au réel. C’est ce qui s’est passé il y a 10 ans avec [Donald] Trump, c’est ce qui est en train de se passer au Canada avec Poilievre.
Simon Durivage
« Les gens ont l’impression que tout va mal. Je comprends que le gouvernement Trudeau est usé et qu’il a fait des erreurs. Mais il va falloir m’expliquer ce qui va si mal que ça au Canada, bon dieu ! On vit dans un pays qui fait l’envie de beaucoup de monde sur la planète », s’emporte Simon Durivage, qui se revendique comme « un fier Canadien » de centre gauche.
Contre les chambres d’écho
L’ancien présentateur de bulletin de nouvelles exècre les réseaux sociaux, sur lesquels il est aux abonnés absents, d’ailleurs. Il demeure attaché aux médias traditionnels. Quotidiennement, il lit les journaux et regarde les chaînes d’information en continu. CNN entre autres, mais aussi MSNBC, la chaîne la plus progressiste dans l’écosystème américain, parfois qualifiée de pendant démocrate à Fox News.
C’est sur MSNBC, et un peu sur CNN, qu’il a suivi assidûment au printemps dernier le procès de Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels. Il y a trouvé des analystes qui le confortaient dans sa vision du monde. Puis, Simon Durivage a décidé de prendre ses distances, parce qu’il avait de plus en plus le sentiment de basculer à son tour dans une chambre d’écho, comme celles sur les réseaux sociaux qu’il dénonce.
Je me rends compte aujourd’hui du parti pris que les journalistes avaient quand ils parlaient de Trump. Avec le recul, je réalise que je me suis peut-être laissé influencer.
Simon Durivage
Il poursuit, au sujet de Donald Trump. « Il n’est pas un ange, c’est clair. Son retour au pouvoir m’inquiète au plus haut point. Mais est-ce que c’est le bandit qu’on nous décrit depuis des années sur CNN et encore plus sur MSNBC ? Quand je vois les accusations qui tombent les unes après les autres contre lui, j’en suis de moins en moins convaincu », avance-t-il avec introspection.
Une belle et grande carrière
L’abondance d’opinions dans les médias aujourd’hui n’enchante pas l’ancien animateur du Club des ex, l’émission qui aura permis ironiquement à une kyrielle d’anciens élus de se recycler en analystes politiques.
Simon Durivage ne peut s’empêcher d’être nostalgique de l’époque où la couverture journalistique primait le commentaire dans les médias. Celui que le public a découvert à la barre du très populaire magazine Consommateurs avertis dans les années 1970 est conscient d’avoir connu « l’âge d’or » de la télévision. Sa prolifique carrière, qui s’est échelonnée sur près de 50 ans, en atteste.
De ce parcours, Simon Durivage garde surtout de bons souvenirs, à l’exception de « l’année abominable » qu’il a vécue en 1983 en coanimant Le point avec la bouillante Denise Bombardier. L’inimitié entre ces deux figures phares de l’information au Québec est connue.
Dans son autobiographie publiée en 2018, la regrettée polémiste dépeignait son ancien collègue comme un personnage grossier qui avait l’habitude d’insulter les membres de l’équipe. À l’époque, Simon Durivage n’avait pas souhaité riposter. Aujourd’hui, il défend sa réputation, tout en demeurant diplomate.
Je ne suis pas une mauviette, c’est vrai. J’ai du caractère. Je peux être impatient. Mais colérique ? Non.
Simon Durivage
Or, et même s’il reconnaît que le milieu des médias est constitué d’ego, les petites rivalités, les trahisons, les déceptions… Tout ça n’a aujourd’hui que peu d’importance, tient-il à préciser. « Je veux que les gens retiennent que j’ai eu une belle carrière. J’ai eu une belle vie », insiste-t-il, au moment où il en entame le dernier chapitre.
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