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Critique de La femme qui fuit | Le prix de la liberté

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Près de 10 ans après sa publication, le roman La femme qui fuit, d’Anaïs Barbeau-Lavalette, est transposé avec brio sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) dans un spectacle choral qui crée un véritable tableau vivant. Et un pur objet de beauté.


« Ma vie ressemble à une toile automatiste », dit Suzanne Meloche, dans La femme qui fuit, le spectacle adapté du roman à succès de sa petite-fille, Anaïs Barbeau-Lavalette. L’artiste et poétesse (Aurores fulminantes) évoque ainsi son existence sur près d’un siècle. Libre et chaotique, lumineuse et fragile, courageuse, anarchique et… autodestructrice.

Après la mort de sa grand-mère, Anaïs Barbeau-Lavalette a écrit ce livre pour tenter de comprendre cette femme qu’elle n’a pas connue et qui a abandonné ses responsabilités en même temps que ses jeunes enfants. Le roman expose aussi la vie d’artistes durant la Grande Noirceur, une époque étouffante durant laquelle la création, au Québec, se faisait au détriment des valeurs du cœur et de la bienveillance. On ne fait pas de révolution artistique sans casser des liens…

Un objet de beauté

Sous la superbe direction d’Alexia Bürger, avec la partition fluide signée Sarah Berthiaume, ce spectacle condense avec intensité le récit d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Pour en faire une œuvre chorale, portée par un collectif de dix-neuf interprètes (dont deux jeunes actrices qui jouent en alternance) et de brillants concepteurs.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

La scénographie, signée Simon Guilbault, est d’une rare beauté.

D’emblée, soulignons la qualité de la scénographie réalisée par Simon Guilbault. Elle forme un immense canevas blanc, avec de grands escaliers où se déploie le chœur, dans une mise en place impeccable. Les éclairages splendides de Martin Labrecque se déposent, comme des taches de couleurs vives, sur ce décor d’un blanc immaculé. Si on ajoute les très beaux costumes de Julie Charland, cela donne un tableau vivant et coloré. Un objet scénique d’une rare beauté !

Dans le rôle de la narratrice et alter ego de la romancière, Catherine De Léan fait preuve d’assurance et de réserve, en bonne observatrice qui cherche à recréer la vie de sa grand-mère.

Sans la juger. Suzanne Meloche est jouée par cinq interprètes, de l’enfance à la vieillesse, dont trois grandes actrices de théâtre : Marie-France Lambert, qui a une scène mémorable, Louise Laprade et Eveline Gélinas.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Zoé Tremblay-Bianco (au centre) incarne Suzanne Meloche dans la vingtaine.

Proche des Automatistes dans sa vingtaine, la poétesse a été la première femme du peintre Marcel Barbeau, interprété avec une gestuelle expressionniste par l’acteur-danseur Jacques Poulin-Denis. On croise d’autres figures majeures de ce mouvement, dont Borduas, défendu par le toujours juste Alex Bergeron et un pétaradant Claude Gauvreau, incarné par la merveilleuse Olivia Palacci. Mentionnons aussi le jeu de Daniel Parent, très touchant, dans la peau du fils malade, François Barbeau.

Un siècle en une pièce

Cette adaptation théâtrale arrive à survoler une époque riche en un acte de moins de 90 minutes, sans temps mort. On a peu de réserves, sinon l’usage d’un danseur lorsqu’Alex Bergeron livre un extrait du manifeste Refus global. C’est un texte déjà très chargé de sens, pas besoin d’y ajouter des gestes.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Alex Bergeron (à droite), livrant avec beaucoup d’aisance des extraits de Refus global

La livraison du chœur peut sembler un peu froide, déclamée, par moments… Mais rien pour diminuer ce spectacle fort réussi et touchant.

Le soir de la première, jeudi, en voyant monter sur la scène Alexia Bürger, Anaïs Barbeau-Lavalette et Sarah Berthiaume pour le salut final, on ne pouvait que se réjouir avec elles. Un siècle après la naissance de l’héroïne de La femme qui fuit, voilà trois femmes/mères/artistes accomplies qui ont accouché d’une production splendide, d’un objet théâtral hors du commun.

À l’instar du roman, la pièce vient mettre un baume sur les blessures et les souffrances de nos grands-mères. Et de toutes ces femmes anticonformistes qui, au milieu du siècle dernier, ont payé cher le prix de leur liberté.



Consultez la page de la pièce

La femme qui fuit

La femme qui fuit

D’Anaïs Barbeau-Lavalette

Mise en scène : Alexia Bürger. Avec Catherine De Léan, Marie-France Lambert, Eveline Gélinas et 16 autres interprètes. , Au TNM, jusqu’au 11 octobre

8/10



Content Source: www.lapresse.ca

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