L’homme de théâtre grec d’origine albanaise Mario Banushi multiplie les images fortes dans sa pièce Taverna Miresia – Mario Bella Anastasia. Sans pour autant toucher les cœurs.
Présentée sur la scène de chez Duceppe dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), cette offrande théâtrale s’avère, il faut le dire, une expérience picturale étonnante. Campée dans le décor d’une salle de bain carrelée de blanc, cette pièce sans paroles évoque le deuil d’une famille éprouvée par la mort du père. Devant le vide, les réactions sont diverses. La tristesse et la rage côtoient la régression et l’incompréhension.
Sur la scène, autour de Mario Banushi, quatre femmes qu’on imagine être sa mère, ses sœurs, une tante. Dans cette salle de bain où les masques sociaux n’ont plus leur raison d’être et où l’intimité toute crue s’expose, les personnages se succéderont dans un ballet parfois hypnotisant, mais qui m’a semblé souvent inutilement provocateur.
Car oui, Taverna Miresia est de ces pièces à la nudité assumée où les corps s’exposent dans leurs moindres replis, sans qu’on nous offre toujours la clé pour justifier le tout. Autotétage de mamelon accompagné de forts bruits de succion, miction feinte ou réelle (les avis divergent) sur une vétuste toilette turque, crachats envoyés par l’une au visage de l’autre…
La courbe dramatique ne gagne pas en force par le simple enchaînement de ces scènes dérangeantes. Certes, elles déstabilisent et poussent celui qui regarde hors de sa zone de confort. Mais il en faut plus pour réellement émouvoir, pour captiver.
Sortir d’une salle de théâtre en me sentant larguée par une histoire à laquelle je n’ai pas pu me raccrocher n’est pas une impression que je juge agréable ni même nécessaire à l’ouverture de quelconques œillères. Pas besoin de tout comprendre, certes, mais il faut bien en retirer quelque chose. Une émotion fugace, une palpitation plus vive qu’à l’accoutumée. Sinon, aussi bien aller voir ailleurs si j’y suis.
Ce qui sauve la donne ici ? Certains tableaux arrivent à s’accrocher aux rétines par leur beauté esthétique. Un drap rouge sang couvrant un corps meurtri. Un miroir renvoyant une image déformante de celle qui le brandit. Une femme nue et maculée de boue qui tournoie comme un derviche en transe pour retrouver l’exaltation de la vie. La forme l’emporte indéniablement sur le fond dans cette proposition.

PHOTO THEOFILOS TSIMAS, FOURNIE PAR LE FTA
L’utilisation de la lumière est magique par moments.
L’utilisation de la lumière et du son est aussi magique par moments. Dans une pièce sans répliques, ces éléments prennent une grande importance. On entend le choc de la cuillère au fond du bol. Le bruit de l’eau qui coule est amplifié. Et les chants de la mère (en langue albanaise) remplissent l’espace de façon oppressante.
La lumière qui joue sur les murs et qui finit par entrer dans cette salle de bain étouffante est accueillie avec soulagement. Elle est porteuse de vie et nous mène au-delà de l’absence. Au-delà de la mort. Mais elle est arrivée tardivement, et sans pour autant me sortir de la confusion. Voire de l’ennui.
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Taverna Miresia – Mario Bella Anastasia
Texte et mise en scène de Mario Banushi. Avec Mario Banushi, Katerina Kristo, Eftychia Stefanou, Chryssi Vidalaki et Savina Yannatou.
Théâtre Duceppe, dans le cadre du FTA, Jusqu’au 31 mai
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