Pour reprendre les mots de Peter Peter, « oui, je l’ai vu, c’est une super comédie ». Les amateurs de BD en général et ceux de Samuel Cantin en particulier, seront ravis de retrouver sur scène l’humour absurde de Whitehorse, dans une mise en scène inventive de Simon Lacroix.
Même si à la lecture de cette BD sortie en 2015 aux éditions Pow Pow, on pouvait deviner le potentiel de transposition à la scène (ou au cinéma), le danger est toujours grand lorsqu’on quitte le confort de sa case… Surtout quand il s’agit d’humour absurde. Pensez à l’adaptation cinématographique de Zaï zaï zaï zaï, de Fabcaro, jouée tellement « gros ».
Au théâtre, cette démesure ou ce cabotinage passe mieux, mais il faut quand même trouver un juste équilibre pour éviter de tomber dans le piège de la farce ou de la caricature à outrance qui fait rouler des yeux.
C’est ce que l’équipe de création de Whitehorse a réussi à faire. D’abord grâce à l’adaptation signée par Samuel Cantin lui-même, avec l’aide de Sébastien Tessier, qui contient plusieurs références actuelles — émissions télé, pubs, etc. Puis, en confiant la mise en scène à Simon Lacroix, qui a su diriger les acteurs avec justesse jusqu’à la frontière de ce qui est plausible.
La pièce est centrée sur le personnage de Sylvain Pastrami (hilarant Guillaume Laurin), cinéaste narcissique avec un certain charisme, mais également libidineux notoire, qui attire vers lui une cour d’admirateurs, sans doute par intérêt, mais quand même prêts à toutes les bassesses pour décrocher un rôle dans son prochain film, qu’il compte tourner à Whitehorse. Sans oublier son assistant (impayable Éric Bernier).
Dans son sillage, on retrouve Laura (très bonne Charlotte Aubin) une actrice qui auditionne pour le rôle principal dans ce faux documentaire, où des caribous sont menacés d’extinction par l’arrivée d’une compagnie pharmaceutique (!). Pastrami ne se gênera pas pour lui faire des avances, malgré le fait que Laura est en couple avec Henri (Sébastien Tessier, pitoyable à souhait), un auteur raté hyper contrôlant et jaloux, qui ne supporte pas de la savoir loin de lui et surtout pas auprès de Pastrami.
Ici, on a envie de vous dire : toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence. En tout cas, mercredi soir, lors de la première, de nombreux membres de l’UDA étaient présents et ça riait fort. C’est que la description que Cantin fait du milieu artistique est assez juste, malgré le grossissement à la loupe des situations qui y sont jouées.
Sonia Cordeau, qui interprète le rôle de Nathalie, la meilleure amie de Laura, qui auditionne elle aussi pour un rôle dans le film de Pastrami, mérite à elle seule une mention. Découragée par ses déconfitures, cette actrice au chômage qui a pour fait d’armes (récent) d’avoir tourné une pub de kombucha décide d’enseigner le théâtre corporel (par vidéo).
Elle sera contactée par un enfant acteur (Oscar Desgagnés, très distrayant), lui aussi refusé initialement par Pastrami, pour confronter le réalisateur excentrique.
Nous ne vous avons même pas parlé de la Dre Von Strudel (spectaculaire Frédérike Bédard) et de son perroquet diabolique, qu’Henri consulte à la suite de violentes convulsions et qui lui diagnostique une maladie horrible : le syndrome de la tortue. Une affection qui fait en sorte que sa jambe droite rapetisse, tandis que sa gauche allonge. Idem pour les bras. Sans parler du cou, qui rentre dans l’abdomen, et de l’inversement des genoux et des coudes, qui fait en sorte qu’il marchera à reculons…
Déchirée entre l’amour étouffant de son chum et les manières rustres de ce réalisateur mégalonarcissique, la pauvre Laura ne saura plus où donner de la tête.
Un mot tout de même sur la mise en espace de cette comédie bédéesque, où les changements de décor se font de façon très ludique. On passe par exemple de l’appartement de Nathalie et de son copain (Vincent Kim, très bon) au parc par un simple claquement de doigts. Dans une autre scène, Laura prend un Uber, en sautant dans les bras d’un collègue qui porte un t-shirt où c’est écrit UBER. Sans oublier ces petits clins d’œil à la bédé. Par exemple la bouteille de champagne est une illustration en carton. On adore.
Est-ce le climat sociopolitique actuel si sombre qui nous a poussés à rire autant durant ce spectacle d’une absurdité quasi juvénile ? C’est possible. Il reste qu’il y a trop peu de (bonnes) comédies sur nos planches. Espérons que le succès de cette pièce (que nous prédisons) encouragera d’autres créateurs à se lancer dans l’arène, avec intelligence et beaucoup de sérieux.
Whitehorse
De Samuel Cantin et Sébastien Tessier. Avec Sébastien Tessier, Charlotte Aubin, Guillaume Laurin, etc. Mise en scène Simon Lacroix.
À la Cinquième Salle de la PdA, Jusqu’au 16 décembre
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