« Il y a des gens qui se laissent imposer une vie dont ils n’ont pas voulu… Comme un vêtement trop petit. Ils voient bien que ça ne leur va pas, mais ils le portent quand même », dit en voix hors champ la narratrice d’Une vie de femme, un spectacle étrange et déroutant, à l’affiche du Théâtre Espace Go.
Avec sa deuxième pièce qu’elle a aussi mise en scène, Marie-Laurence Rancourt s’intéresse à la difficulté de concilier nos désirs avec la réalité. Le spectacle est constitué d’une mosaïque de courts tableaux, sans véritable fil rouge, hormis le fait que toutes les femmes se nomment Marie. Outre leur prénom, ces héroïnes partagent leur envie de fuir le réel, insatisfaites de leur vie, de leurs amours, avec le désir de recommencer, de repartir à zéro.
Avec ce canevas, la jeune autrice aborde une succession de thèmes existentiels, dont la part du mystérieux et de l’ambiguïté dans nos vies, la recherche de soi ; et aussi le rapport entre fiction et réalité. Cette quête de sens des multiples Marie est saupoudrée d’humour et de légèreté. Entre les lignes, l’autrice laisse passer la lumière dans les zones d’ombre qu’elle explore.
Chacune des scènes d’Une vie de femme, qui défilent en un acte de 90 minutes, se termine sans résolution. Ces vignettes, bien qu’inégales, nous mettent souvent un sourire au visage ; même si le propos n’est pas toujours gai. Et nous rappelle que… « la vie est juste une succession d’erreurs, de toute façon ».
L’amour en fuite
Pour la création de son texte à Espace Go, Marie-Laurence Rancourt peut compter sur une solide distribution. La magnifique Annick Bergeron nous prouve encore la mesure de son immense talent. L’actrice joue plusieurs personnages à contre-emploi, comme une policière affable. En prime, elle livre un grand numéro avec une chanson expressionniste et déchirante. Larissa Corriveau, Martine Francke (qui s’est fait rare au théâtre ces dernières années), Roger La Rue et Maxim Gaudette sont aussi très bons.
Ces interprètes évoluent dans un décor sombre et dépouillé d’Odile Gamache, éclairé par les éclairages de Chantal Labonté, qui mettent en valeur les très beaux costumes d’Oleksandra Lykova. Une mention spéciale à Mehdi Cayenne, pour la musique, et à Daniel Capeille, à la conception sonore, d’où jaillit parfois la voix de Maria Callas, au milieu d’une scène.
Tiens, une autre (célèbre) Marie, dont l’ardent désir de fuir la réalité a consumé sa vie de femme.
Une vie de femme
Texte et mise en scène de Marie-Laurence Rancourt.
À Espace Go., Jusqu’au 8 février 2025.
Content Source: www.lapresse.ca