CRITIQUE – La nouvelle pièce de la dramaturge met en scène un groupe d’amis qui règlent leurs comptes. Savoureux.
Le regard pensif, décoiffé, en jogging et chaussons, Théophile (François Vincentelli) fume devant le miroir d’un salon bourgeois. Il y a quelques années, il a été un auteur célèbre, mais il est en panne d’inspiration. Encouragés par son éditeur, Irène, sa femme (Caroline Anglade), et son meilleur ami (Éric Laugérias), le somment d’écrire un nouveau livre pour renouer avec le succès.
Est-ce parce qu’il est le père de jumelles ? « Théo » s’attelle à un « petit conte métaphorique » sur un bigorneau orphelin qui a perdu sa coquille… À son insu d’abord, ses proches s’identifient aux personnages, soit des fruits de mer ! Ce qui va provoquer des disputes tumultueuses au cours d’un dîner.
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Avec L’Effet miroir, Léonore Confino, à qui on doit Le Village des sourds récemment donné au Théâtre du Rond-Point, signe une pièce singulière, mâtinée de fantastique et d’absurde notamment grâce aux musiques de Pierre Tirmont. Le miroir qu’a acheté Théophile date du XVIIe siècle et semble refléter des choses dérangeantes chez son épouse et son ami.
Ménager la crevette et le coquillage
Il les renvoie à leurs névroses, à leurs peurs, à leurs manques et à leurs propres désirs. Chacun se cherche à travers les crustacés. L’auteur franco-suisse connaît bien la nature humaine et ses faiblesses. Plus son entourage va mal, mieux Théophile se porte. Enfin, pas tout à fait. Il a provoqué un cataclysme avec son manuscrit et devra en payer le prix (on pense à Edgar Poe).
Julien Boisselier met en scène ces êtres ordinaires fracassés avec maestria, laissant libre cours à leurs fantasmes et à leurs égarements. En empathie avec leurs personnages, les comédiens sont prodigieux. De son côté, le public est à la fois surpris et ravi. Il les a déjà rencontrés, Théophile et les siens. Gestionnaire de métier, Irène subvient aux besoins de la famille, mais n’admire plus son poète d’époux. Volontiers caustique, Jeanne semble détachée de tout, mais souffre en silence. Quant à son mari, il lui est entièrement dévoué et essaie de ménager la crevette et le coquillage.
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Les répliques sont des uppercuts et incitent le spectateur à s’interroger sur le sens de sa vie et le temps qu’il a peut-être perdu en effectuant les mauvais choix. Mais il rit également beaucoup. Souvent jaune et non sans arrière-pensées. Ce n’est pas de lui qu’il s’agit ici ? Ouf ! Agrémenté de quelques gouttes de citron, le plat de Léonore Confino se déguste avec délice. Il a la fraîcheur requise chez le poissonnier et le goût salé de l’océan.
L’Effet miroir, au Théâtre de L’Œuvre (Paris 9e), jusqu’au 13 janvier 2024. Loc. : 01 44 53 88 88.
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