ad

Entrevue avec Anne-Élisabeth Bossé | Le jeu comme une drogue

Share

- Advertisement - ad

Anne-Élisabeth Bossé s’apprête à livrer une « partition titanesque » chez Duceppe. La vedette d’Indéfendable et de Nos belles-sœurs est heureuse de retrouver sa famille du théâtre. Portrait d’une comédienne à la recherche de sa vraie nature.




Le Centre de création de Duceppe est niché au troisième sous-sol de la Place des Arts. Avant d’entrer dans la salle, on passe à travers un salon mal éclairé, meublé de tables et de sofas « vintage » et de vieilles affiches de spectacles de la compagnie. C’est là que le metteur en scène donne ses « notes » aux interprètes, après les répétitions, à quelques jours de la rentrée chez Duceppe.

Anne-Élisabeth Bossé écoute les commentaires, en observant les visages de Jean Duceppe, Michel Dumont, Denise Pelletier, Viola Léger et… Maude Guérin. « Maude apparaît sur quelques affiches. Je me sens privilégiée de travailler avec cette grande actrice ! », dit-elle, en entrevue devant une pinte au restaurant La Cage, après le premier enchaînement de la pièce.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

Anne-Élisabeth Bossé et Maude Guérin en répétition au Centre de création de Duceppe

Retrouver sa « gang de théâtre »

Pour son retour au théâtre après six ans d’absence, Anne-Élisabeth Bossé ne fait pas les choses à moitié. Elle tient le rôle principal dans la version française de People, Places and Things, une pièce de Duncan Macmillan, créée au National Theatre à Londres, en 2015. Elle incarne une actrice toxicomane en pleine déroute. Sur scène du début à la fin, Bossé est entourée de Maude Guérin (qui joue sa thérapeute et sa mère), Fabien Piché, Charles Roberge et sept autres interprètes.

La production (qui sera aussi présentée au Trident en janvier 2025) occupera près de six mois de l’horaire de la vedette de Nos belles-sœurs. « Ça me fait du bien de retrouver ma gang de théâtre, de retourner aux sources », dit la comédienne, diplômée du Conservatoire d’art dramatique en 2007. En répétant avec le metteur en scène Olivier Arteau, cet été, elle a constaté que « la plante avait besoin d’eau ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anne-Élisabeth Bossé discute avec le metteur en scène Olivier Arteau, avant un enchaînement de la pièce.

En juin dernier, l’actrice a terminé le tournage de Menteuse, le prochain long métrage d’Émile Gaudreault, dérivé de son film Menteur. « Anne-Élisabeth est une virtuose qui peut jouer autant le drame que la comédie. C’est ce qu’elle devait faire dans Menteuse, et elle l’a fait avec brio ! Elle n’était pas qu’une interprète sur le plateau, c’était aussi une précieuse collaboratrice à tous les niveaux », affirme le cinéaste. La sortie en salle de Menteuse est prévue à l’été 2025.

Au Conservatoire, Jean-Simon Traversy était dans la même cohorte qu’Anne-Élisabeth Bossé. Comme l’étaient Ève Landry, François Arnaud et Cynthia Wu-Maheux. « Dès la première année, Anne-Éli [comme on l’appelle] se démarquait », se souvient le codirecteur artistique de Duceppe. « Par son énergie, sa répartie, son leadership. On dirait qu’elle se connaissait déjà, comme actrice, en arrivant à l’école. En classe, elle était entière, présente… Ardente ! »

Drogue dure

La pièce Les gens, les lieux, les choses, qui prend l’affiche le 12 septembre, s’annonce comme une belle et longue aventure pour la femme qui a eu 40 ans en juillet. Pour ce rôle exigeant, elle a changé sa chevelure.

Je voulais un look un peu punk, les cheveux peroxydés avec une bonne repousse.

Anne-Élisabeth Bossé

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

La comédienne Anne-Élisabeth Bossé en répétition

Le texte, traduit par David Laurin, multiplie les parallèles entre le théâtre et la thérapie, entre l’art et la dépendance. L’auteur aborde le rude chemin vers la sobriété. Sans morale ni prêchi-prêcha. Avec authenticité. Emma, une actrice ​polytoxicomane, a besoin d’aide. Car sa vie a dérapé lorsqu’elle a perdu le fil au beau milieu d’un spectacle.

Comme personne ne veut l’embaucher, la comédienne doit faire une cure dans un centre médical. Or, pour Emma, l’ivresse de la nuit reste un moyen d’oublier ses démons, son mal de vivre. « C’est pas évident d’être honnête, quand on ment pour gagner sa vie », ironise-t-elle au début de la pièce.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anne-Élisabeth Bossé a désormais un look « un peu punk » pour son nouveau rôle au théâtre.

Pour Anne-Élisabeth Bossé, jouer est aussi une drogue dure. Elle touche à tout : théâtre, télé, cinéma, impro, humour. « J’ai toujours été polyvalente. Mais je me suis éparpillée ces dernières années, croit-elle. Avec mon one-woman-show Jalouse, j’ai mis mon système nerveux à l’épreuve. »

Sentiment d’échec

Après des mois de rodage en 2021, Bossé a annulé la première médiatique à Montréal, puis la tournée du spectacle. Mais pourquoi est-elle allée dans cette drôle de galère ? « Je me l’explique encore mal. J’aime l’humour. J’avais un chum humoriste [Guillaume Pineault]. On aimait aller voir des shows au Bordel Comédie Club. Puis on est venu me chercher, en me donnant carte blanche… »

Et j’ai réalisé que je ne raffolais pas d’être seule en scène, de parler toujours au ‟je”, sans personnages.

Anne-Élisabeth Bossé

« Les producteurs m’ont demandé de faire un numéro avec mon personnage des Pays d’en haut. Or, c’est pas moi. Je lis de la poésie le soir à la maison ; j’ai fait trois ans de Conservatoire. Je suis une bibitte extrêmement sensible ! »

Depuis la fin abrupte de Jalouse, elle a l’impression d’avoir abandonné les siens… On lui rappelle que jadis, sous la pression, Michel Courtemanche a cassé sur scène un soir de première, au festival Juste pour rire. Connaître ses limites, c’est une force, non ?

« C’est gentil de me dire ça. J’ai terminé le Conservatoire à 23 ans. Mon métier a toujours pris la première place dans ma vie. Les gens me disent que je travaille trop, que je vais me brûler. Au contraire, jouer me fait tellement du bien ! Ma réplique préférée d’Emma, c’est “Je suis un cri à la recherche d’une bouche”. Ma bouche, c’est le jeu. Je ne peux pas trouver un meilleur endroit que la scène pour m’exprimer. Pour sortir cette anxiété qui m’habite depuis l’enfance… »

La vie est une fiction

On lui demande ce qu’elle préfère : la fiction ou la réalité ? « La fiction, assurément ! La vie fictive est plus intéressante. C’est la vie à la puissance mille ! Tous tes sens sont en éveil. C’est plein de dopamine ! Il y a une partie de moi qui voit la vie comme un grand buffet et qui veut prendre une petite bouchée de tout », dit-elle, en prenant une dernière gorgée de bière.

Il se fait tard. Elle doit retourner dans son loft (pas fini de rénover), où elle a emménagé après sa séparation. Et retrouver sa vie de célibataire « pas très rangée ».

J’ai 40 ans, mais j’ai l’impression d’être dans une seconde adolescence. D’où je viens [Sorel-Tracy], il y avait un seul modèle pour les femmes. Les gens sans enfants, pas mariés, ça faisait bizarre. Ils avaient une aura d’échec autour d’eux.

Anne-Élisabeth Bossé

« Longtemps, j’ai cru que ma vie commencerait après avoir rempli toutes ces cases : mariage, enfants, maison, piscine, etc. J’ai essayé de les remplir en couple, durant sept ans. Mais j’avais l’impression de me sacrifier pour avoir une vie rangée. Personne ne m’a rien imposé. J’étais prisonnière de mes propres préjugés. À un moment, j’ai explosé !

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

« Je pense avoir été prisonnière de mes propres préjugés », confie Anne-Élisabeth Bossé.

– J’ai l’impression d’entendre parler Maxim dans Les Simone…

– Ha, ha ! Mes personnages me poursuivent. Toutefois, ça m’aura pris dix ans de plus que Maxim pour mieux me connaître. »

Sur ces mots, Anne-Élisabeth Bossé reprend son bagage et nous salue. Dans un bel éclat de rire et une cascade de cheveux dorés.



Consultez le site de Duceppe



Consultez le site du Trident

Les gens, les lieux, les choses

Les gens, les lieux, les choses

Texte : Duncan McMillan. Mise en scène : Olivier Arteau.

Chez Duceppe, du 12 septembre au 12 octobre. Au Trident, à Québec, du 15 janvier au 8 février 2025.



Content Source: www.lapresse.ca

En savoir plus

advertisementspot_img

Nouvelles récentes