CRITIQUE – La comédienne trône en star dans ce vaudeville décapant sur les riches et les pauvres.
Lorsque la vieille milliardaire déboule en chaise roulante, robe en strass et cigarette au bec, elle balance sans crier gare une vacherie à la soubrette. Premiers applaudissements et premiers rires dans la salle. La vieille est interprétée par Amanda Lear et c’est elle, bien sûr, que le public est venu saluer. Les quatre autres (deux comédiennes et deux comédiens) rouleront pour elle. Ils seront son faire-valoir. Amanda Lear, sans filtre, trouve là un rôle à sa mesure ; elle ne fait pas dans la dentelle. C’est L’Argent de la vieille revue et corrigée façon Grosses Têtes. L’histoire tient sur un ticket de métro : chaque année, entre deux croisières, une richissime héritière remet en jeu sa fortune à la belote. Elle affronte un couple de loqueteux pas très futés qui se fait inlassablement plumer. La fille de ce couple de miséreux, Maurice (l’excité et fielleux Atmen Kelif) et Pierrette (l’énergique et retorse Marie Parouty), n’est autre que la bonne (la décontractée et révoltée Jeanne Perrin) de la vieille.
Succession de saynètes
Elle se prénomme Anastasia et elle a un défaut de fabrication : elle boite. Sa patronne n’en rate pas une pour l’humilier l’appelant tour à tour Natacha, Alabama, Chipolata, Chiquita ou encore Rachida (rires et applaudissement). Il y a un cinquième personnage, plus énigmatique : Georges, majordome de la milliardaire (le lymphatique Olivier Pagès). C’est une sorte de vieux beau, parasite alcoolique qui attend sa part du gâteau. La pièce est une succession de saynètes présentées par de courts extraits de chansons relatives à l’argent telles que Money, de Pink Floyd, ou encore le générique de la série culte Dallas. Le décor ? Un salon kitsch dans une villa kitsch de la Riviera kitsch. Sur le mur du fond du salon, un tableau moche derrière lequel se trouve un coffre-fort bourré de dollars.
La pièce va bon train au rythme des répliques assassines de la star roublarde et manipulatrice. C’est parfois amusant, c’est souvent lourdingue. Les deux pauvres font ce qu’ils peuvent pour subsister dans cette atmosphère étouffante. Ils moulinent, transpirent, s’agitent, tentent en vain de tricher et commencent à gagner des sommes de plus en plus considérables. Mais la joie ne dure qu’un temps. Ils repartiront encore plus pauvres qu’ils ne l’étaient.
Le personnage le plus intéressant est sans doute celui de la bonne ; Anastasia, représentante bancale de la lutte des classes, est la caution politique de cette noire comédie. La vieille observe les pauvres comme on s’extasie sur un couple de bonobos dans un zoo. Cruel ? Oui, mais pas que. La bêtise est, après tout, la chose la mieux partagée du monde. Si la vieille est infecte, Maurice et Pierrette ne sont pas en reste. La pauvreté les a pourris comme le fric a pourri l’héritière. L’Argent de la vieille n’est pas un spectacle inoubliable. Le public qui voulait voir la folle Amanda en a eu pour son argent. C’était le but du jeu.
L’Argent de la vieille au Théâtre libre, (Paris 10e). Tél. : 01 42 38 97 14.
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