CRITIQUE – Anne-Marie Lazarini a imaginé un spectacle autour du journal satirique du génial Pierre Dac. À savourer.
Pourquoi ce titre, L’Os à moelle ?, demandait-on à Pierre Dac. « Pourquoi pas ? », répondait le rédacteur en chef de ce journal « du tac au tac », raconte Emmanuelle Galabru dans le spectacle conçu par Anne-Marie Lazarini, la directrice de l’Artistic Théâtre, à Paris. Avec la bénédiction de Jacques Pessis, biographe et légataire universel du génial humoriste et chansonnier disparu en 1975, cette passionnée met en scène un spectacle qui ressuscite l’esprit d’un humoriste aussi aiguisé dans le registre absurde que pour le sens de la repartie.
Sur le plateau, des unes agrandies de son fameux journal écrit par des rédacteurs rompus à l’exercice de la farce (Francis Blanche en faisait partie). Quatre pages « Pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour. » Né André Isaac, d’un boucher et d’une mère au foyer, Pierre Dac fonde « l’organe officiel des loufoques », un « substantif pouvant être employé comme adjectif », le 13 mai 1938.
Antihitlérien, L’Os à moelle, ne manque pas de rappeler la visite dans ses locaux du dictateur en soulignant qu’il a oublié de payer sa cotisation. Le non-sens ne résistera pas à l’ennemi. La publication s’arrêtera le 7 juin 1940, après 109 numéros, une semaine avant l’entrée des Allemands dans Paris. « Ce qui m’est arrivé est parfaitement logique. Il est bien connu que l’os à moelle se décompose au contact du vert-de-gris », analyse le caustique Pierre Dac.
«Saine plaisanterie»
Trois comédiens pince-sans-rire interprètent éditos, chroniques sur l’actualité, petites annonces, concours, courrier des lecteurs et recettes de cuisine, tous plus délirants les uns que les autres, autant de témoignages d’une « saine plaisanterie ». « On demande cheval sérieux connaissant bien Paris pour faire livraisons tout seul », « Camion deux tonnes, libéré service militaire et ayant horreur des responsabilités, demande place remorque »…
Lectrice de tous les écrits de Pierre Dac, Anne-Marie Lazarini a le don d’en retransmettre la truculence et l’intelligence dans une mise en scène simple, mais efficace. Elle a de nouveau fait confiance à des fidèles pour restituer les mots de l’inventeur du Bigloton et du feuilleton radiophonique Signé Furax. Côté cour, Emmanuelle Galabru se montre à la fois curieuse et dubitative face aux propos de ses deux comparses placés côté jardin, Cédric Colas et Michel Ouimet. La fille de Michel Galabru apporte une touche féminine bienvenue. Ses partenaires occupant pleinement le terrain de la blague.
Cédric Colas est toujours juste quand il explique les jeux inventés par les journalistes à l’imagination débridée, et Michel Ouimet incarne un Pierre Dac plus vrai que nature. En sortant, on ne peut s’empêcher de penser que le créateur de l’hebdomadaire satirique manque beaucoup aujourd’hui. « Redis le moelleux. »
«L’Os à moelle», à l’Artistic Théâtre (Paris 11e), jusqu’au 31 décembre. Loc. : 01 43 56 38 32
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