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Critique | Robert Charlebois délirant et… vulnérable

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Savoureusement lyrique, délirant, drôle et très touchant, le concert pop symphonique mettant en vedette Robert Charlebois et l’Orchestre symphonique de Montréal a été riche et beau. Un évènement musical qui a tout pour être le point culminant d’un parcours artistique à nul autre pareil.


On a vu Charlebois dans toutes sortes de contextes au fil des ans. En formation rock, surtout, avec une ou deux batteries, brassant et rebrassant les arrangements de ses chansons pour leur donner un certain vernis de nouveauté, même s’il chante plusieurs d’entre elles depuis plus de cinq décennies.

On l’a vu plus récemment en « Charleboiscope », c’est-à-dire dans un spectacle à grand déploiement où le visuel jouait un rôle important. Peut-être est-il logique qu’après ça, ce soit la musique qui reprenne le plancher. Ce qui fut le cas, jeudi, lors du premier des trois concerts de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) dont Garou premier du nom était l’invité.

Dire qu’on lui a déroulé le tapis rouge serait un euphémisme : en plus de l’orchestre lui-même, Charlebois était par moments accompagné par le Chœur de l’OSM et deux chanteurs lyriques : le ténor Frédéric Antoun et la contralto Rose Naggar-Tremblay. Cette dernière a joué un rôle capital dans ce concert intitulé Charlebois symphonique – on y reviendra.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

L’OSM a virevolté et déliré sur les chansons de Robert Charlebois, jeudi, à la Maison symphonique.

Hugo Bégin, qui a conçu les arrangements pour chœur et orchestre, avait de quoi s’amuser : bon nombre de chansons de Robert Charlebois misent déjà, en version rock, sur des orchestrations généreuses dont l’instrumentation est proche de la musique classique. C’est l’avantage de collaborer avec un iconoclaste issu du tournant des années 1970, époque où bien des musiciens cherchaient à enrichir et magnifier le langage du rock.

L’esprit de Charlebois

L’arrangeur a effectué un travail extraordinaire, ne se contentant pas de souligner les passages les plus lyriques avec plus de cordes ici ou d’ajouter du tonus avec des cuivres épiques là : il est entré dans l’esprit de la musique de Charlebois, épousant ses élans de tendresse comme ses délires psychédéliques, parvenant à faire décoller et « décaler », si on peut dire, l’OSM. C’était à la fois fin et imaginatif, mené de surcroît avec un enthousiasme contagieux par le chef Jacques Lacombe.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le chef Jacques Lacombe (à droite) dirige le concert Charlebois symphonique.

Charlebois symphonique fut par ailleurs l’occasion de sortir des évidences. La feuille de route comptait en effet des chansons qui ne font pas partie des concerts habituels du chanteur comme Deux femmes en or, La fin du monde et Terre Love, en plus d’évidences comme Fu Man Chu/Chu d’dans (formidable avec l’apport du chœur), Avril sur Mars, Ordinaire (particulièrement habitée) et Je reviendrai à Montréal (grandiose).

Et Charlebois, comment était-il ? Difficile à entendre, en début de concert. Sa voix manquait tellement d’amplification qu’on peinait à saisir les paroles de ses chansons et ses interventions. Il s’est aussi beaucoup trompé dans le texte de Mourir de jeunesse. Plaisir incomplet, donc, lors des quatre ou cinq premiers morceaux. Une fois cet important problème de sonorisation réglé, on a pu constater qu’il était en voix. Un peu « tout nu », comme il le dirait sans doute, entouré de violons au lieu des guitares, mais juste, caressant nos oreilles de son chant traînant, aussi inimitable que ses mélodies.

Délires et sanglots

Ce qui est plus rare, c’est que Charlebois fut particulièrement émouvant. On l’a senti plus vulnérable dès les premiers morceaux, peut-être en raison du contexte inhabituel dans lequel il se produisait. Et s’il fut joueur lorsque Rose Naggar-Tremblay s’est jointe à lui pour chanter, de sa voix de contralto, la partie féminine de Madame Bertrand, on a aussi remarqué combien il était reconnaissant de voir des chanteurs et musiciens d’aussi grande qualité lui ouvrir les bras comme ça.

La cantatrice est réapparue souvent sur scène tout au long du concert, prenant un plaisir évident à se glisser dans les chansons du vieux rockeur psychédélique tout en gardant sa superbe d’artiste lyrique. Son sérieux, et celui du ténor Frédéric Antoun, ont donné du poids à la charge antimilitariste qu’est Terre Love : leur superbe à tous les deux tournait en ridicule la patriotisme déjà raillé par les mots d’Alfred Jarry.

Aux premières notes de Lindberg, on se demandait déjà si la cantatrice elle allait mordre dans les « crisse » comme Louise Forestier jadis. Non seulement elle l’a fait, mais elle a aussi offert un délire de haute voltige à la fois immensément drôle et musicalement époustouflant à la fin de la chanson. À ses côtés, Charlebois semblait béat d’admiration.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Robert Charlebois, 80 ans, a terminé son concert avec deux chansons qui parlent de la mort. Des moments immensément émouvants.

Le plus inattendu est toutefois survenu à la toute fin. Robert Charlebois a conclu avec deux chansons qui parlent de la mort : Ne pleure pas si tu m’aimes, sur des mots puisés chez Saint-Augustin, puis Et voilà, où il s’adresse assez directement à ses fils. Qu’un chanteur de 80 ans aborde la question de sa finalité sur scène, c’est déjà quelque chose. Qu’il le fasse de manière aussi frontale, mettant son âme à nu comme jamais auparavant, c’était immensément émouvant.

« Et toi tu vas continuer à briller sans moi/C’est la vie, c’est comme ça/Oui, toi tu vivras longtemps après moi/Les enfants savent que c’est souvent comme ça », dit la chanson Et voilà, que Charlebois n’a pu terminer sans ravaler des sanglots. Lui, si habitué à jouer son propre rôle, ne jouait plus du tout. On ne l’avait jamais vu comme ça. Il n’était pas le seul dans la Maison symphonique à avoir le motton.

Charlebois symphonique est encore présenté vendredi et samedi, 20 h, à la Maison symphonique.



Content Source: www.lapresse.ca

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