Elle a 31 ans, mais semble tout juste sortie de l’adolescence. Les enfants lui lancent d’affectueux « Passe-Carreau ! » lorsqu’ils la croisent dans la rue. Malgré ses airs juvéniles, c’est à Gabrielle Fontaine qu’ont pensé les créateurs de la pièce de théâtre musicale La géante pour incarner Rose Ouellette – alias La Poune.
« J’ai été surprise », admet la principale intéressée. « Lorsque Rose Ouellette est décédée, j’étais très jeune. Pour moi, La Poune, c’était une vieille femme avec un chapeau de matelot et une voix de fumeuse. Je ne connaissais même pas son vrai nom. J’ai appris à découvrir son parcours et, aujourd’hui, c’est un honneur pour moi de l’incarner sur scène. Elle a brisé plusieurs plafonds de verre. »
Jade Bruneau, metteuse en scène de La géante et directrice artistique du Théâtre de l’Oeil Ouvert, avait déjà travaillé deux fois aux côtés de Gabrielle Fontaine, notamment dans la comédie musicale Grease. « Je ne pouvais pas choisir mieux. Gabrielle possède tous les ingrédients nécessaires pour incarner Rose Ouellette. Elle a l’aplomb et la légèreté en même temps. La Poune faisait rire, mais c’était aussi la première femme au pays à diriger deux théâtres. Il faut une poésie naturelle pour raconter cette histoire. Gabrielle a cette fraîcheur… Pour moi, elle incarne le printemps. »
Rose Ouellette avait aussi ce côté insatiable et gamin. Née en 1903 au cœur du Faubourg à m’lasse – au-dessus d’une taverne située coin Papineau et Ontario –, elle a dû s’engager dans une usine de chaussures à 13 ans pour aider sa famille à joindre les deux bouts.
« Elle jouait de l’accordéon pour divertir les autres ouvriers », dit Gabrielle Fontaine.
C’était une rassembleuse. J’y ai vu un parallèle avec l’amour des spectacles que j’avais déjà, enfant. Moi aussi, j’ai commencé ma carrière artistique à l’adolescence, dans des séries jeunesse. Mais Rose était plus clown, plus rebelle que moi !
Gabrielle Fontaine à propos de Rose Ouellette
Fille du chanteur Martin Fontaine, qui a personnifié Elvis sur les scènes du monde entier, et de la chanteuse-choriste Marie-Claude Lapointe, Gabrielle Fontaine a passé son enfance dans les coulisses des théâtres. « J’ai appris de mes parents qu’une carrière artistique est faite de montagnes russes et qu’il faut apprécier chaque projet quand il passe. »
Pour l’instant, la carrière de Gabrielle Fontaine est tout en haut du manège. Outre La géante, qui va l’occuper cet été, mais aussi en 2025, elle incarne Passe-Carreau dans la populaire série jeunesse Passe-Partout. Existe-t-il la moindre ressemblance entre l’interprète de vaudeville aux blagues salaces et ce personnage qui fait bouger les tout-petits ?
« Il y en a beaucoup. Toutes les deux sont restées connectées à leur enfant intérieur. Elles ont une étincelle dans l’œil. Ce sont des personnages lumineux, qui restent près de leur public. Elles se servent aussi de leur corps pour faire rire ou pour divertir. Et elles ont toutes les deux un petit côté garçonne ! »
S’inspirer sans imiter
L’œil pétillant et le sourire franc, Gabrielle Fontaine est sans conteste taillée du même bois. Mais il y a plus, dit-elle. « Comme Rose Ouellette, je suis quelqu’un qui fonce et qui n’a jamais eu peur du ridicule. La Poune a été tellement jugée par l’élite de son temps ! Elle s’en foutait. C’était naturel chez elle et j’étais aussi comme ça, enfant. »
La pression était grande lorsque Gabrielle Fontaine a chaussé (avec succès) les chaussures de Claire Pimparé dans Passe-Partout. « J’ai naïvement auditionné pour ce rôle comme pour tous les autres, dit l’actrice. C’est après que la peur est arrivée ! Mais je me suis dit que je ferais de mon mieux, que j’y mettrais tout mon cœur. En sachant qu’on ne peut jamais plaire à tout le monde. »
Dans La géante, Gabrielle Fontaine doit composer avec une autre mission délicate : incarner une artiste qui a marqué l’histoire de la scène québécoise. « C’est un grand défi. Rose Ouellette est une femme forte, qui fonce, qui dirige. J’ai dû aller chercher ce côté de ma personnalité, qui est naturellement plus douce. En plus, on la voit vieillir sur scène… »
La géante en répétition
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La pièce de théâtre musicale s’inspire davantage de la vie de Rose que du personnage public de La Poune. Il ne faut surtout pas s’attendre à un collage de sketchs ! Le burlesque sera présent, mais à petites touches.
On n’est pas du tout dans l’imitation, c’est de la fiction. Le texte de Geneviève Beaudet raconte l’histoire de Rose Ouellette en imaginant ce qu’on ne sait pas forcément : son enfance, son adolescence, ses débuts artistiques dans une période de grande précarité économique.
Jade Bruneau, metteuse en scène de La géante et directrice artistique du Théâtre de l’Oeil Ouvert
L’action se déroule des années 1910 aux années 1940 ; on passe d’une époque à une autre par un tramway magique… », dévoile Jade Bruneau.
N’empêche que certains faits sont bien réels, comme la relation amoureuse entre Rose Ouellette et Gertrude Bellerive, alias Gigi (interprétée par Jade Bruneau). « On n’a pas forcé le coming out de La Poune, lance la metteuse en scène. Beaucoup de gens le savaient et on a simplement décidé d’arrêter de le cacher. Mais ce n’est pas le cœur du spectacle. »
Elle conclut : « Raconter l’histoire de Rose Ouellette est un prétexte pour parler de la place des femmes au Québec, de leur importance au théâtre. La géante est un spectacle engagé et féministe. »
Au Centre culturel Desjardins de Joliette du 11 juillet au 10 août, puis au Carré 150 de Victoriaville du 15 au 31 août. Une tournée suivra. Elle s’arrêtera au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts le 5 juin 2025.
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