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Sylvain Bélanger | Une saison dans la tête d’un directeur artistique

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L’invitation est arrivée il y a un an, presque jour pour jour : suivre le directeur artistique Sylvain Bélanger pendant toutes les étapes de création de la saison 2024-2025 du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, pour démystifier ce travail crucial accompli loin des projecteurs. Ce que Sylvain Bélanger ne savait pas en invitant La Presse, c’est que les mois qui allaient suivre auraient des airs de montagnes russes.




L’automne des imprévus (12 octobre 2023)

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Sylvain Bélanger

D’ordinaire, à cette période de l’année, la saison qui vient est largement décidée. Mais cette année, tout est compliqué pour Sylvain Bélanger.

Il a appris en juin 2023, cinq jours avant ses vacances, que le spectacle qui devait ouvrir sa saison 2024-2025 dans la grande salle Michelle-Rossignol n’aurait pas lieu. La dramaturge Édith Patenaude – nouvellement nommée à la direction d’Espace Go – a préféré se retirer, faute de temps pour mener le projet à bien. En septembre, il n’a pas vraiment pu se pencher sur la question, trop occupé par la pièce Les mutant.es, qu’il a codirigée avec sa complice de longue date Sophie Cadieux.

Le voici donc, au mitan d’octobre, avec une saison à laquelle il manque un gros, gros morceau : la pièce qui ouvre le bal.

Ce n’est pas simple. Le Théâtre d’Aujourd’hui présente des créations québécoises. Je ne peux pas sortir de ma poche une pièce étrangère à traduire !

Sylvain Bélanger

« Devancer un spectacle prévu plus tard dans l’année ? Ça risque de mettre beaucoup de pression sur les créateurs. » Et ça ne règle pas tout : il y aura toujours un trou à remplir…

Le spectacle qui viendra s’ajouter doit aussi, dans la mesure du possible, s’inscrire dans la ligne directrice de la saison. Les spectacles se répondent souvent entre eux et font parfois écho à ce qui se passe dans la salle intime, la salle Jean-Claude-Germain. « Je souhaite aussi respecter la parité hommes-femmes, qui est très importante pour moi. »

Une semaine après notre rendez-vous, une autre tuile tombe sur la tête du directeur artistique. Une grossesse surprise et des problèmes de santé forcent deux autres annulations dans la programmation. « C’est une situation inhabituelle et déstabilisante. »

La saison 2024-2025 peut paraître loin, mais le temps est compté pour Sylvain Bélanger. « En novembre, je présente normalement le contenu de la saison à mon équipe. J’espère pouvoir le faire cette année. En janvier, on commence à travailler sur le matériel promotionnel. » Le dévoilement se fait d’ordinaire au début de mai.

Bref, en ce début d’automne pas comme les autres, le tic-tac de l’horloge résonne fort dans le bureau de Sylvain Bélanger…

Une mer de textes à lire (27 novembre 2023)

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Sylvain Bélanger a reçu de nombreuses demandes pour le Fonds de dotation Michelle-Rossignol.

Quatre-vingt-dix. C’est le nombre (record) de demandes que le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui a reçues pour le Fonds de dotation Michelle-Rossignol, qui offre chaque année 100 000 $ en bourses pour soutenir des projets en développement. C’est donc 90 textes que Sylvain Bélanger et son équipe doivent lire pour dégager les pépites dans cette mer de mots.

« Comme les différents conseils des arts peinent à répondre aux besoins, j’ai l’impression que plus de dramaturges se tournent vers nous », lance le directeur artistique. Dans le lot des textes reçus, il remarque des tendances : les deux tiers des textes ont été écrits par de jeunes femmes et une quinzaine viennent de dramaturges issus de la diversité.

Cette année, la chasse au trésor est particulièrement importante, puisque la programmation du théâtre n’est toujours pas ficelée.

Devant cette situation, Sylvain Bélanger prend une décision inhabituelle : diminuer le nombre de productions présentées dans la grande salle de cinq à quatre. « Toutefois, l’une de ces pièces est un spectacle d’envergure, avec 16 acteurs qui interprètent une centaine de personnages. Il s’agit d’un texte de Sébastien David intitulé Une fin. C’est un gros coup de cœur, un texte crédible et hyper touchant, mais pour lequel je me disais qu’il faudrait deux budgets… » Bref, les astres se sont alignés pour permettre la présentation de ce projet ambitieux, en coproduction avec le Théâtre PàP, l’une des plus importantes et des plus anciennes compagnies de recherche théâtrale au Québec.

Deux autres pièces sont déjà programmées pour la grande salle. Mais il reste un os et il est de taille : la pièce qui doit ouvrir la saison 2024-2025 n’est toujours pas trouvée…

Porteur d’héritages (23 janvier 2024)

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Sylvain Bélanger dans son bureau

Dans le bureau qu’il considère davantage comme une maison que comme un lieu de travail, Sylvain Bélanger s’agite. La saison dans sa grande salle est bouclée, Dieu merci, mais il lui reste encore des cases à remplir dans la petite salle Jean-Claude-Germain.

« J’ai peu de temps pour réfléchir à la façon dont je me sens, je suis dans l’action », avoue le directeur artistique.

En cette belle journée d’hiver, il sait qu’il va arriver à poser à temps la dernière pierre à sa programmation 2024-2025. Il en a déjà trouvé le grand thème : ce qui reste. « On n’arrête pas de nous parler de fin du monde et j’ai eu envie de répondre en parlant de ce qu’on a, non pas de ce qu’on veut. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Sylvain Bélanger devant son tableau d’ambiance (mood board) de la saison dernière

Pour ne jamais oublier cette voie qu’il veut suivre, Sylvain Bélanger a épinglé des images qui illustrent chaque pièce de sa saison 2023-2024 sur le babillard qui fait face à la grande fenêtre de son bureau. C’est son mood board, dit-il.

PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI

Le bâtiment où loge le théâtre abritait jadis un cinéma porno.

Tout à côté, on peut voir une photo du 3900, rue Saint-Denis à l’époque où le bâtiment abritait un des nombreux cinémas pornos qui essaimaient en ville. Une citation d’Édouard Glissant trône bien en évidence : « Agis dans ton lieu, pense avec le monde. » En dessous de ces mots, une photo du groupe de Refus global.

Pour Sylvain Bélanger, impossible de regarder devant sans garder en tête ce qui est advenu avant.

C’est pour cette raison qu’il conserve dans son bureau plusieurs ouvrages – des recueils de poésie surtout – ayant appartenu à Michelle Rossignol, directrice du théâtre de 1988 à 1998.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Parmi les documents que Michelle Rossignol a légués au théâtre : un exemplaire du programme d’une représentation de Speak White

« Je suis très inspiré par les bâtisseurs, lance ce grand amateur d’histoire. Pour moi, la notion de filiation a toujours eu beaucoup d’importance. La poursuite de chantiers inachevés est un des aspects qui m’inspirent dans mon métier. Michelle Rossignol était très concernée par l’écriture des femmes. Et j’ai été content de constater que lors des sept dernières années, 68 % des pièces présentées ici ont été écrites par des femmes. »

Le directeur artistique du Théâtre d’Aujourd’hui s’est promis une chose : aussi compliquée soit l’élaboration de la saison 2024-2025, il ne mettra pas la rigueur de côté. « Il a fallu tenir le gouvernail pendant la tempête, mais aujourd’hui, je sais que la saison qui vient va bien se tenir. »

Une saison « plus posée » (21 février 2024)

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Les membres de l’équipe du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui sont rassemblés pour découvrir la programmation 2024-2025.

Nerveux. C’est ainsi que se sentait Sylvain Bélanger dans les minutes qui ont précédé sa présentation de la saison 2024-2025 à son équipe. C’est la 12e année qu’il se prête à cet exercice, mais le directeur artistique sent toujours poindre en lui un mélange d’inquiétude et de fébrilité.

Dans une salle de répétition, 20 personnes attendent avec impatience le dévoilement de cette saison si compliquée à mettre sur pied. D’ordinaire, cette rencontre se fait en novembre. On est en février. La responsable de la billetterie est là, tout comme les gens du marketing, les membres de l’équipe de production ou encore de celle qui se charge du financement et de la philanthropie. L’entreprise chargée des communications a dépêché quatre personnes pour l’occasion.

Pendant une heure, tout ce beau monde sera pendu aux lèvres de Sylvain Bélanger. Ce dernier va dévoiler cette saison qu’il imagine sous le sceau de l’intégrité et de l’honnêteté.

La saison 2023-2024 était celle de l’énergie punk ; la prochaine sera marquée par une énergie plus posée et des écritures très précises.

Sylvain Bélanger

Plusieurs textes en sont déjà à leur version finale, ce qui est rare dans un théâtre de création comme le Théâtre d’Aujourd’hui. Certaines pièces ont déjà été présentées. C’est le cas de Là où la poussière se dépose, qui a été accueillie au Centre national des Arts au printemps 2023. C’est cette pièce de Julien Morissette et Karina Pawlikowski qui ouvrira d’ailleurs la saison dans la grande salle – « celle de Michelle », comme dit tendrement Sylvain Bélanger.

Pour la saison qui vient, pas moins de 16 spectacles se succéderont dans « la Michelle », la « Jean-Claude » (la petite salle Jean-Claude-Germain) et le hall du théâtre. Une pléthore d’artistes vont y présenter leur vision du monde : Stephie Mazunya, Iannicko N’Doua, Mani Soleymanlou, Sébastien David, Tamara Nguyen, Sébastien Dodge, Carolanne Foucher…

Parmi les sujets abordés : l’éloignement, la relation père-fils (ou mère-fils), l’imminence d’une possible fin du monde, l’identité ou encore l’insécurité linguistique. « J’avais aussi depuis quelque temps envie de parler des inégalités qui ne cessent de s’accentuer. C’est une des choses qui me font le plus peur aujourd’hui… »

Lorsque les derniers mots sont dits, l’équipe applaudit avec chaleur le travail effectué par Sylvain Bélanger et Johanne Haberlin, qui l’aide à la direction artistique. André Morissette, le vétéran responsable de l’accueil du public, laisse échapper : « Ça va être une belle saison. »

Bien vite, on sort les flûtes et le mousseux. Ève Lepage, coordonnatrice aux communications et au marketing, a préparé des choux au caramel pour tout le monde. Le temps est à la célébration. Mais chacun sait que le compte à rebours est lancé avant le dévoilement public de la saison en mai, puis la première prévue en septembre. Personne autour de cette table ne va chômer.

Ls artisans au travail (3 avril 2024)

En attendant la première de la saison 2024-2025

  • Jacynthe Legault, cheffe guichetière au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, s’affaire à programmer les ordinateurs en prévision de la mise en vente des billets pour la saison à venir. Il faut dire que les plans de salle changent d’une production à l’autre. Il faut que le système informatique soit fin prêt lors de la mise en vente des billets.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Jacynthe Legault, cheffe guichetière au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, s’affaire à programmer les ordinateurs en prévision de la mise en vente des billets pour la saison à venir. Il faut dire que les plans de salle changent d’une production à l’autre. Il faut que le système informatique soit fin prêt lors de la mise en vente des billets.

  • Johanne Haberlin est le bras droit de Sylvain Bélanger à la direction artistique. Pour l’élaboration de la saison prochaine, elle a lu quelque 100 textes. Une fois les spectacles choisis, elle participe aux premières lectures des spectacles à venir pour transmettre ses notes et ses observations. « On est les premiers spectateurs des productions, dit-elle. Il n’est pas rare que je lise quatre versions d’un même texte. »

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Johanne Haberlin est le bras droit de Sylvain Bélanger à la direction artistique. Pour l’élaboration de la saison prochaine, elle a lu quelque 100 textes. Une fois les spectacles choisis, elle participe aux premières lectures des spectacles à venir pour transmettre ses notes et ses observations. « On est les premiers spectateurs des productions, dit-elle. Il n’est pas rare que je lise quatre versions d’un même texte. »

  • André Morissette est le doyen des employés au Théâtre d’Aujourd’hui. Malgré sa retraite imminente, le directeur de l’accueil et de la billetterie doit faire les plans de salle en fonction de la configuration choisie par l’équipe artistique de chaque pièce. Au total, la saison 2023-2024 comptera 16 spectacles et évènements présentés dans les deux salles et même dans le hall.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    André Morissette est le doyen des employés au Théâtre d’Aujourd’hui. Malgré sa retraite imminente, le directeur de l’accueil et de la billetterie doit faire les plans de salle en fonction de la configuration choisie par l’équipe artistique de chaque pièce. Au total, la saison 2023-2024 comptera 16 spectacles et évènements présentés dans les deux salles et même dans le hall.

  • Xavier Côté, directeur technique, est à pied d’œuvre pour discuter avec les scénographes de la faisabilité de leurs projets à venir. « Je suis déjà en contact avec Pierre-Étienne Locas, qui signe la scénographie de la pièce Une fin. Les diverses configurations des salles soulèvent beaucoup de questions. Chaque configuration a ses contraintes et ses avantages. »

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Xavier Côté, directeur technique, est à pied d’œuvre pour discuter avec les scénographes de la faisabilité de leurs projets à venir. « Je suis déjà en contact avec Pierre-Étienne Locas, qui signe la scénographie de la pièce Une fin. Les diverses configurations des salles soulèvent beaucoup de questions. Chaque configuration a ses contraintes et ses avantages. »

  • Émilie Fortin-Bélanger et Marion Guillaume sont respectivement directrice des communications et du marketing et coordonnatrice aux communications et à la médiation du théâtre. Ensemble, elles travaillent à élaborer l’image de la prochaine saison. Cette année, plusieurs dizaines d’appareils photo jetables ont été envoyés aux interprètes, dont certains qui vivent à Moncton, à Gatineau ou à Québec. Les photos ainsi récoltées ont servi à créer l’identité visuelle de la saison.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Émilie Fortin-Bélanger et Marion Guillaume sont respectivement directrice des communications et du marketing et coordonnatrice aux communications et à la médiation du théâtre. Ensemble, elles travaillent à élaborer l’image de la prochaine saison. Cette année, plusieurs dizaines d’appareils photo jetables ont été envoyés aux interprètes, dont certains qui vivent à Moncton, à Gatineau ou à Québec. Les photos ainsi récoltées ont servi à créer l’identité visuelle de la saison.

  • Maia Loinaz est responsable du financement privé et philanthropique au CTd’A. Avec Étienne Langlois, codirecteur général et directeur administratif, elle planche sur la préparation de la soirée-bénéfice, présentée vers la fin de mai. Au Théâtre d’Aujourd’hui, les donateurs montent sur scène dans un spectacle créé pour eux.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Maia Loinaz est responsable du financement privé et philanthropique au CTd’A. Avec Étienne Langlois, codirecteur général et directeur administratif, elle planche sur la préparation de la soirée-bénéfice, présentée vers la fin de mai. Au Théâtre d’Aujourd’hui, les donateurs montent sur scène dans un spectacle créé pour eux.

  • Julie Raux-Moreau est responsable de la comptabilité. « Lorsque tous les contrats de la prochaine saison seront signés, c’est moi qui veillerai à faire les premiers versements. » Au total, entre 150 et 200 contrats ont dû être paraphés pour l’ensemble des artistes et artisans impliqués dans la saison à venir.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Julie Raux-Moreau est responsable de la comptabilité. « Lorsque tous les contrats de la prochaine saison seront signés, c’est moi qui veillerai à faire les premiers versements. » Au total, entre 150 et 200 contrats ont dû être paraphés pour l’ensemble des artistes et artisans impliqués dans la saison à venir.

  • À titre de directeur artistique et codirecteur général, Sylvain Bélanger ne fait pas qu’imaginer la programmation. Il offre son soutien aux artistes pour chaque spectacle produit entre les murs de l’institution, notamment en assistant à plusieurs lectures et répétitions. Il accompagne les équipes pour les aider à faire épanouir leur démarche, leur vision et leur proposition artistique… Cela compose une part importante de son travail au quotidien.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    À titre de directeur artistique et codirecteur général, Sylvain Bélanger ne fait pas qu’imaginer la programmation. Il offre son soutien aux artistes pour chaque spectacle produit entre les murs de l’institution, notamment en assistant à plusieurs lectures et répétitions. Il accompagne les équipes pour les aider à faire épanouir leur démarche, leur vision et leur proposition artistique… Cela compose une part importante de son travail au quotidien.

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Qui est Sylvain Bélanger ?

  • Sylvain Bélanger a suivi une formation en jeu à l’École nationale de théâtre du Canada, obtenant son diplôme en 1997.
  • Il s’est fait remarquer pour plusieurs de ses mises en scène, dont Cette fille-là (jouée plus d’une centaine de fois au Québec et en Europe).
  • En septembre 2012, il a été nommé directeur artistique et codirecteur général du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, succédant ainsi à Marie-Thérèse Fortin.



Content Source: www.lapresse.ca

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