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Critique de Trop humains | Dire à voix haute ce qu’on pense tout bas

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Le nouveau texte d’Étienne Lepage fait naître de nouveaux personnages sans filtre plutôt divertissants, qui risquent de provoquer froncements de sourcils… et hilarité. Une pièce mise en scène par sa complice Catherine Vidal construite à partir d’une série de monologues tragicomiques avec une efficacité variable.


Pour relayer toutes ces (soi-disant) vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, les dix personnages de Trop humains sont vêtus d’habits de clowns et portent tous un nez rouge. Un excellent flash, vu que c’est bien connu, un clown peut se permettre de dire à peu près n’importe quoi !

C’est ainsi que Trop humains s’ouvre sur le monologue d’un père de famille (sinistre Luc Bourgeois), qui explique à son fils l’importance de « payer » pour ce dont on a besoin… avant de tenter de lui vendre sa voiture usagée (en reprenant le capital de son régime d’épargne-études).

Non, la vie ne nous fait pas de cadeau, donc aussi bien s’habituer tout de suite. Avec son père.

Les personnages se succèdent en abordant des sujets platement quotidiens (rêvés ou cauchemardés !) avec cette même franchise déroutante qui révèle tous leurs travers. Car ils sont cupides, menteurs, manipulateurs, hypocrites, vaniteux et superficiels, ces humains. Et ils ne craignent pas de dire à voix haute tout ce qu’ils pensent. Au risque d’être politiquement incorrects.

Pour preuve, cet homme (hilarant Didier Lucien), qui nous parle de sa rencontre fortuite avec une personne au physique ingrat, dotée en plus d’une petite voix désagréable. Une « météorite », nous dit-il, et encore une « crotte de nez », bref, un être hideux, qu’il est difficile de regarder en face. « Personne ne m’a averti ! », s’exclame-t-il, dépité, avant de se demander s’il doit se donner la mort… ou tuer cet étrange humain !

PHOTO FRÉDÉRIQUE MÉNARD-AUBIN, FOURNIE PAR LE QUAT’SOUS

Didier Lucien nous offre un des bons moments de la pièce avec son personnage troublé par la présence d’un être hideux.

Évidemment, on peut arguer que ce sont là des réactions humaines… normales. Sauf que la plupart des gens étouffent ces pensées souterraines – si elles surviennent. Pas les personnages d’Étienne Lepage, qui les verbalisent et en rajoutent une couche. Mais voilà, à force d’exprimer ces pensées sous prétexte qu’elles sont « humaines », on en vient à perdre une part de notre humanité.

Si certains monologues tombent à plat – comme cette conversation sur ce qui est prioritaire ou pas, ou encore ce plaidoyer anticapitaliste, anti-François Legault – d’autres sont riches en interprétations.

C’est le cas de cette fan (excellente Ève Pressault), qui s’adresse à une de ses idoles – on ne sait pas exactement ce qu’elle fait, mais ce n’est pas grave – en lui disant toute son admiration pour son travail. « C’est parfait, lui dit-elle. Il faut que quelqu’un vous le dise, insiste-t-elle. Quelqu’un devrait marcher à côté de vous en jouant de la trompette en permanence ! », ajoute-t-elle. Une ode qu’elle pousse jusqu’au délire.

La mise en scène de Catherine Vidal est efficace. Outre les costumes de clowns (à propos), elle fait intervenir justement les personnages périphériques à certains moments clés afin d’éviter le bête enchaînement des monologues. Par contre, l’absence de décor et de repères force le spectateur à remplir les trous de certaines histoires, plus nébuleuses.

Renaud Lacelle-Bourdon clôt ces récits – qui ne sont pas liés les uns aux autres – dans un ultime dérapage, son personnage se foulant une cheville au cours d’une balade avec des amis (en forêt ?). Cet être exécrable et colérique n’en finira plus d’invectiver ses compagnons, avant de tenter de les retenir, en leur faisant croire à son amitié. Toute l’hypocrisie des personnages d’Étienne Lepage est là.

Nous ne passerons pas en revue chacun des monologues, mais disons qu’ils sont inégaux, autant dans leur contenu que dans leur livraison.

En fin de compte, c’est le personnage de Mireille Métellus (étonnante) qui sera la conscience de Trop humains – malgré ses propos tout aussi délirants. « On a besoin des autres, dit-elle en substance. Tout ce que j’ai, je le dois aux autres… » Ceux qui ne sont pas habités par ce sentiment doivent passer à la trappe. Ils mourront. Bien oui, il n’y a pas de place ici-bas pour tout le monde de toute façon.

Bref, Trop humains est un gros plan sur l’homme et sa fiancée dans toutes leurs contradictions et leurs plus vils instincts. Avec toute leur laideur… et un peu de leur beauté.



Consultez la page du spectacle

Trop humains

Trop humains

D’Étienne Lepage. Mise en scène Catherine Vidal. Avec 10 comédiens dont : Luc Bourgeois, Didier Lucien, Ève Pressault et Renaud Lacelle-Bourdon.

Au Théâtre de Quat’Sous, Jusqu’au 5 octobre

7,5/10



Content Source: www.lapresse.ca

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